Les Oiseaux

Lu entre deux portes Les Oiseaux, la nouvelle de Daphné du Maurier qui a inspiré le film d’Hitchcock, avec en couverture la photo en noir et blanc de Tippi Hedren fuyant un danger qu’on ne voit pas, à peine suggéré par l’esquisse d’ombres noires autour de sa tête. J’avais vu le film, il n’y a pas si longtemps que ça : c’était l’un des Hitchcock qui manquaient à ma collection, et j’en avais été très déçue : les effets spéciaux avaient vieilli, et l’histoire m’avait paru brouillonne. Rien de tel dans le texte, qui justement, est une nouvelle, et se centre non  pas autour d’un couple « en formation » et d’une histoire un peu neuneu (telle elle est dans mon souvenir) d’« inséparables », mais autour d’un couple vivant à la campagne et de ses deux enfants. Le regard central est celui de Nat Hocken, ancien combattant et blessé de guerre (l’ombre de la guerre plane sur ce texte de 1953), qui vit à la campagne et travaille dans une ferme. Un type sensible et attentif à la nature. L’incipit est un modèle de sobriété : « Le 3 décembre, le vent changea pendant la nuit et ce fut l’hiver. Jusque là, l’automne avait été mol et doux. Les feuilles s’attardaient sur les arbres, rousses et dorées, et les haies restaient vertes. La terre labourée était grasse. »  Fin du paragraphe, et déjà presque fin d’un monde ancien, lisible. (La traduction de Denise van Moppès est excellente). Loin des scories sentimentales du film d’Hitchcock, la narration (46 pages en Livre de Poche, les bons vieux vrais Livres de Poche auxquels je suis restée attachée pour ce qu’ils m’ont ouvert comme merveilles littéraires dès l’enfance) oscille entre le vaste déploiement du paysage de la presqu’île et le huis clos obscur de la maison barricadée et pourtant de plus en plus étroitement investie par la menace grouillante des oiseaux même les plus familiers, rouges-gorges, moineaux, roitelets… L’angoisse naît de ce que l’intrigue se concentre au cœur d’une famille, et de l’impuissance possible du couple à protéger ses enfants. De leur isolement croissant, du silence grandissant du monde humain alentour. Le début d’« un hiver noir, pas blanc », d’autant plus terrifiant que suspendu, évoqué dans un style rigoureusement classique.

Édouard Manet - Illustration pour Le Corbeau, d'Edgar Poe (détail)

Commentaires

1. Le lundi, février 14 2011, 08:59 par Dominique

Et bien c'est une bonne idée que ce billet car c'est un des romans de Daphné du Maurier que je n'ai pas lu et cela donne bien envie de réparer l'oubli

2. Le lundi, février 14 2011, 10:23 par Agnès

C'est la première nouvelle d'un recueil semble-t-il alléchant. La suite later on.

3. Le jeudi, février 17 2011, 10:26 par Céline

J'ai aussi adoré cette nouvelle : elle est absolument fascinante. J'ai vu après le film d'Hitchcock, et je ne te dis pas ma déception ! Je n'ai pas eu peur une seconde, alors que la nouvelle m'avait laissée tremblante et mal à l'aise face à des oiseaux pendant plusieurs jours...

4. Le jeudi, février 17 2011, 10:50 par Agnès

Eh bien moi, je viens de lire la suivante, Le Pommier, et brrrr ! quel malaise ! je ne sais pas pourquoi Daphné du Maurier est un peu tombée dans l'oubli. C'est vraiment une romancière absolument passionnante, et tellement douée pour ces situations incertaines, à la limite du fantastique ! En fait, j'aimerais beaucoup trouver une bio d'elle.

A bientôt !

5. Le samedi, février 26 2011, 13:21 par Sabbio

J'adore Hitchcock mais il est vrai que les effets spéciaux ont vieilli et certains me font rire ^^ Malgré tout j'aime beaucoup ce film!
Je compte justement lire du Daphné du Maurier et note donc précieusement celui-ci que j'avais justement envie de découvrir.

6. Le mardi, mars 1 2011, 22:20 par Agnès

Bonne lecture ! Moi, je vais relire Ma Cousine Rachel, dont j'ai gardé le souvenir d'un malaise, mais aucun de l'intrigue !

A.

7. Le samedi, août 6 2011, 21:05 par Anne d'Evry

« Rebecca » de Daphné du Maurier! Les tags d’Agnès m’ont donné envie de redécouvrir ce roman que j’avais lu avec passion dans mon adolescence. Et aujourd’hui j’avoue mon crime : je lisais Rebecca à la récréation ; quand la cloche a sonné pour retourner en cours, de latin ou de grec, je ne pouvais plus lâcher le roman. Je l’ai calé devant ma grammaire appuyée au bureau du professeur – Madame Jeannet – je m’en souviens encore. Hasard, ou étonnée par tant de concentration, elle s’est levée de son bureau, a descendu l’estrade et m’a surprise en flagrant délit de lecture. Je fus pétrifiée, persuadée que je passerai en conseil de discipline… On ne plaisantait pas au lycée Marie-Curie.
Je viens donc de relire Rebecca, dont j’avais absolument tout oublié. Je craignais un peu l’eau de rose, mais pas du tout. Quarante ans plus tard, j’ai relu ce roman avec la même avidité. L’intrigue est parfaitement construite et l’on retient son souffle jusqu’à la dernière ligne.

8. Le samedi, août 6 2011, 22:04 par Agnès

Ah ! ah ! Moi aussi, je lisais en cours, très souvent! et un jour, je me suis fait pincer en cours de grec avec Mme Gernet, qui était toute petite et ne plaisantait pas. C'était un des Rougon-Macquart, mais j'ai oublié lequel. Il n'y a pas eu de sanction, mais un savon dans le genre glacé, je m'en souviens encore...^^

Quant à Daphné du Maurier, c'est tout sauf le genre "eau-de-rose"!!!

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