Balzac, suite (monomanie) - Un Prince de la Bohême

Les Rusticoli de la Palférine, très ancienne famille d’origine toscane portaient « d'argent à la croix fleurdelysée d'azur'la croix fut fleurdelysée par lettres patentes de Charles IX), sommé d'une couronne de comte et deux paysans pour supports, avec IN HOC SIGNO VINCIMUS pour devise. » Après avoir joué sous les Valois un rôle politique important, ils ont peu à peu déchu jusqu’à la ruine complète à l’orée de la Révolution, le père du héros de notre nouvelle, simple Rusticoli, s’étant « refait » un titre en servant sous l’Empereur. Hélas, mort général à Wagram avant de s’être refait une fortune, il n’a laissé à son fils que ses neuf prénoms : Gabriel-Jean-Anne-Victor-Benjamin-Georges-Ferdinand-Charles-Edouard Rusticoli, comte de la Palferine, avec pour seul véritable titre celui de « Prince de la Bohême », et tel est aussi le titre de la nouvelle de Balzac dont il est le héros.

Je voulais la lire depuis longtemps, n’ayant jamais été véritablement présentée à ce La Palférine, sinon dans la comédie vaudevillesque qui clôt le long et labyrinthique roman de Béatrix, plein de recoins et de rebondissements - où le jeune bohême est chargé par Maxime de Trailles vieillissant et en passe de se ranger, de dénouer la liaison entre Calyste du Guénic et Béatrix de Roche-/per/-fide pour ramener le jeune homme à sa jeune et fidèle épouse éperdue d’amour trahi ; mission dont il s’acquitte avec cynisme et brio. Un Prince de la Bohême est précisément la nouvelle par laquelle la jointure se fait avec Béatrix. En effet, c’est le portrait fait par Nathan à Mme de Rochefide qui va ferrer celle-ci et lui faire quitter Calyste pour Charles-Edouard.
Eh bien, je ne crois pas avoir gagné grand-chose à cette lecture. Balzac déploie pour l’introduire des trésors de complexité narrative : le récit est mis dans la bouche – et sous la plume de Dinah de la Baudraye (La Muse du département), qui le tient de Nathan tel qu’il l’avait fait à Mme de Rochefide. L’essentiel de l’histoire concerne la façon dont l'ex-courtisane Tullia, par passion pour La Palférine, a finalement fait la fortune de son mari, le vaudevilliste Du Bruel. Si Les Comédiens sans le savoir était une galerie de personnages, Un Prince de la Bohême est une galerie de scènes où La Palférine est campé dans ses bons mots de dandy fauché et désinvolte. Lesquels mettent en exergue son impertinence, son arrogance, sans le rendre particulièrement brillant et encore moins sympathique, en notre siècle démocratique. Le tout est saupoudré abondamment de passages narrés dans le style de Sainte Beuve, nommément brocardé, (« - Madame la Marquise répondit Nathan, ( …) je parle en ce moment le Sainte Beuve, une nouvelle langue française ». … « toujours en nous servant du style macaronique de monsieur Sainte Beuve »), ce qui m’a ouvert des perspectives sur la filiation Balzac-Proust Contre Sainte Beuve. Bref, comme toujours, c’est passionnant de réfléchir à des questions d’esthétique ou de narration à partir d’une fiction de Balzac. Mais dans le genre brève nouvelle captivante, Nathan est beaucoup plus intéressant dans Une Fille d’Eve, qui est aussi une histoire autrement plus complexe, construite, et plus subtilement insérée dans la trame de La Comédie Humaine que celle-ci, qui relève un peu, disons-le, du ravaudage.
http://www.paris-france.org/musees/balzac/furne/presentation.htm

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