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dimanche, novembre 6 2011

Elisabeth Gille - Le Mirador

C’est mon amie Dominique qui m’avait parlé du Mirador, d’Elisabeth Gille, comme je lisais Suite Française d’Irène Némirovsky sous les mûriers de la terrasse de sa belle maison cévenole. Le titre attendait, au détour d’une page de carnet – mais mes carnets sont aussi en désordre que mes autres papiers - que je me décide. Trouvé l’autre jour à la bibliothèque, emprunté, lu entre hier et cette nuit. Ce sont les « mémoires rêvés », selon le sous-titre, de la jeune femme qui sourit, radieuse, sur la photo de couverture : la mère de l’autrice, Irène Némirovsky, arrêtée en 42 dans le bourg d’Issy-l’Evêque où la famille s’était réfugiée, et déportée à Pithiviers avant d’aller mourir, très vite, en Allemagne. Le titre me faisait penser à une évocation des camps. Mais ils sont absents de ce mirador  - celui d’où elle scrute le passé de sa mère perdue à l’âge de cinq ans ? – qui retrace, par fragments coïncidant avec des éclats de sa propre enfance, la vie d’Irène Némirovsky depuis son enfance à Kiev jusqu’aux derniers jours en France.

C’est un beau livre, écrit à la première personne, qui fait revivre le Kiev tout oriental des années 1900, la vie d’une enfant de la bourgeoisie russe richissime – le père d’Irène Némirovsky, banquier, transformait en or tout ce qu’il touchait – choyée par son père et sa gouvernante française, mademoiselle Rose, si aimante et perdue à tout jamais au détour de la guerre de 14, mais ignorée, dépréciée, tenue à une distance glacée par sa mère, un de ces spécimens de femme russe entièrement vouée au paraître, à la dépense, à la vie mondaine, comme on j’en ai déjà rencontré ailleurs (la mère de la comtesse de Ségur, par exemple, ou la femme de Pouchkine ?). Puis la fuite à Paris pendant la révolution, à l’adolescence – rivalité avec une mère incapable de supporter d’avoir une fille jeune et belle - et l’installation dans une autre vie, plus ouverte, et dès l’âge de 17 ans tournée vers l’écriture, et la publication ! Jeunesse dorée, vie mondaine, flirts, puis la rencontre de son mari très aimé Michel (Micha) Epstein, autre fils de banquier, et la vie conjugale et familiale, ponctuée de succès littéraires retentissants. C’est tout le début du XXe siècle européen que fait resurgir ce livre, entre intimité des familles et soubresauts de l’Histoire.

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mercredi, août 13 2008

Irène Némirovsky - Suite Française – Sans suite…

Les vacances, parmi tant d’autres choses, le dépaysement, la chaleur, les centaines d’abeilles qui font de la vigne vierge un mur vrombissant, c’est le moment où se permettre une débauche de lecture, centaines de pages avalées sans remords ni vergogne à l’ombre ou au soleil, matin, midi, ou soir, ou nuit.
Lectures de juillet, enchaînées à la suite dans le vaste soulagement du farniente. Mais faute d’ordinateur, proche ou lointain, et de connexion sur la toile, le blog est resté silencieux. Que celles et ceux qui ont coutume de lui rendre visite veuillent m’en excuser. Les voici, pêle-mêle.
 J’ai lu, d’une traite, Suite Française, ce roman que j’avais ignoré à sa sortie, non moins posthume que récente, un peu trop tapageuse, avais-je pensé. Depuis, comme en témoignent les derniers articles, j’ai mis le nez dans Irène Némirovsky, avec passion et stupeur. Comment ai-je pu ignorer même l’existence, entre les deux guerres, d’un écrivain d’un tel talent ? Comment a-t-elle pu être ensevelie, après sa disparition, dans un tel silence ?

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mardi, juillet 8 2008

Irène Némirovsky - "L'Affaire Courilov", aux Cahiers rouges

Petit volume, bref ouvrage, récit rétrospectif d'un ex-terroriste russe né et élevé en Suisse dans le giron-même du Parti encore clandestin, puis envoyé à Saint Pétersbourg comme médecin auprès du Cachalot, Courilov, ministre de l'Instruction publique, pour le tuer. Ou comment la fréquentation quotidienne de cet homme politique usé par un cancer, désabusé des hommes, habité par la passion du pouvoir et la tendresse pour sa femme, une ex-cocotte, abolit peu à peu la distance entre eux jusqu'à une sorte de fraternité sans illusions.
Etrange réflexion presque humaniste sur la frivolité de tout idéal et l'universalité de la vanité.
C'est assez glaçant, "chirurgical", et pourtant habité par une sorte de sérénité compatissante.

samedi, juin 21 2008

Irène Némirovsky – Chaleur du sang

Voilà près d’un mois qu’il m’attendait sur un coin de table de nuit. Sur la couverture une belle photo de Willy Ronis, le dos d’une femme nue assise, comme un corps de violoncelle, auprès d’une fenêtre. Je l’ai lu entre hier soir et aujourd’hui.
Irène Nemirovsky, pour moi, c’est une découverte. J’avais beaucoup entendu parler de Suite Française, quand il était sorti et ressorti de l’oubli, mais je ne l’avais pas lu. Et puis il y a eu l’an dernier Anne Wiazemski la racontant sur France Culture – et c’était beau et intéressant – et enfin ce volume, que m’a offert mon ami Paul.

Le narrateur est Silvio /Sylvestre, le cousin vieillissant et solitaire des Érard, Hélène et François, - couple paisible et uni - qui marient leur fille Colette. De maisons en café, bois, étangs, fermes et villages du Morvan profond, Silvio observe le ballet du désir entre les êtres, saisit les failles et les secrets, et distille peu à peu au fil des drames nés et tus les liens clandestins qui unissent ou séparent familles et couples, d’une génération à l’autre.

L’écriture est à la fois sobre et poétique, phrases nerveuses, prose tissée d’images et de sentences : car le cousin Silvio, vieux faune désenchanté et désargenté, est aussi un moraliste, un sage chez qui les drames du présent font ressurgir la nostalgie d’un passé bouleversé, irrésistiblement emporté par la chaleur du sang.
C'était le premier. J'en lirai d'autres.