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lundi, novembre 29 2010

François Dupeyron - Chacun pour soi, Dieu s'en fout

J’aime beaucoup François Dupeyron. Après Le Grand soir, je me suis avalé direct Chacun pour soi, Dieu s’en fout. Une histoire de type épileptique, décollé de la vie, Freddy, qui vit dans un mobil home tout seul, largué par sa femme, et déconsidéré par tout un chacun. Sa mère vient de mourir, dans un mobil home voisin, où vit encore son père, maçon, avec la colère d’avoir un jour été licencié comme un malpropre par un type même pas foutu d’enlever ses lunettes de soleil ni de  lui serrer la main. Sa fille, ado, vient le voir le week end et quelque chose de fort les lie même si la télé leur bouffe tout contact. Sa mère avait le don de « lever le feu », et le croyait encore plus doué qu’elle, mais il ne veut pas en entendre parler jusqu’à ce qu’un jour « il ne puisse plus dire non ». C’est encore un roman-monologue très logorrhéique, avec ce style saccadé qui a quelque chose d’épileptique (j’y ai pensé déjà pour Courbet, ce n’est pas juste une association pour faire un mot),  saccadé et pourtant torrentiel, avec peut-être quelques longueurs, mais ce que j’aime, c’est que l’on y sent l’amour de la vie et des gens, même au plus fort du désespoir ou du marasme. Un long monologue sur le sens de la vie, sur « la transcendance » ? - c’est un bien grand mot, dieu ou pas dieu et qui sait ce qu’il en est, - et les vers de Victor Hugo, aussi, La Conscience, « échevelé, livide au milieu des tempêtes », bref, ce qui habite les êtres, le désir, la pulsion de vie, la pulsion de mort, l’intuition ou le silence. Un type, ses proches, des femmes, sa moto, la mer, le windsurf, le don, l’amour. Et à travers le livre, une intense bienveillance.

dimanche, novembre 28 2010

François Dupeyron - Le Grand soir

                         Jo, la belle Irlandaise (1866, MoMA)

« Courbet restait à distance. Vallès lui avait fait un petit signe, il allait le rejoindre... il était plus journaliste que politique, le virus l’avait pris, c’est-à-dire qu’il ne marchait pas comme tout le monde, les deux pieds sur la terre, il flottait, dérivait sur un monde en perpétuel mouvement, parce qu’il n’en finit pas de bouger le monde des hommes. Alors Vallès notait chaque hoquet, soubresaut, clin d’œil, il lui fallait être dans le secret des dieux... c’est qu’il en retirait un sentiment très fort d’être plus vivant, plus au cœur, il savait ce que les autres ne savaient pas encore... comme Courbet, c’est au centre qu’il se voulait. Un point cependant les séparait, Courbet se méfiait du pouvoir, il n’en voulait pas pour lui, il était trop artiste... »

 Il a de la plume, François Dupeyron. Oui, François Dupeyron le cinéaste. Celui qui a fait Drôle d’endroit pour une rencontre et La Chambre des officiers. Je savais, pour l’avoir entendu un jour sur France Culture, qu’il était écrivain aussi, un écrivain advenu lentement et douloureusement à l’écriture.  J’ai oublié le détail, je n’en ai entendu qu’un bout, mais c’était une affaire d’extrême souffrance, comme de passer de l’aphasie à la parole.

Alors j’en ai sorti deux de la bibliothèque et j’ai commencé celui-ci – Le Grand soir – avec en couverture un gros plan en clair obscur sur le beau visage de Courbet jeune, L’Homme blessé, on voit la tache de sang sur la chemise blanche, à la place du cœur. Je l’ai commencé et, va savoir, la fatigue des journées, les allées-venues, d’autres livres, les cours, et le style aussi, haletant, jaillissant, célinien en quelque sorte, la lecture n’avançait pas. Je l’ai repris enfin, et terminé, d'un trait.

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