dimanche, décembre 26 2010

Aux lecteurs...

C'est un peu solennel, pour un lendemain de Noël, ça manque un peu de légèreté, mais ce texte extrait d'un Bon roman accompagne heureusement un beau portrait de lectrice. J'aime particulièrement les jeux de lumière sur le tissu et la main sur la page.

            Rembrandt, La mère du peintre (1631, Amsterdam Rijksmuseum)

« (...) Depuis qu'existe la littérature, la souffrance, la joie, l'horreur, la grâce, tout ce qu'il y a de grand en l'homme a produit de grands romans. Ces livres d'exception sont souvent méconnus, ils risquent en permanence d'être oubliés et, aujourd'hui où le nombre des publications est considérable, la puissance du marketing et le cynisme du commerce s'emploient à les rendre indistincts des millions de livres anodins, pour ne pas dire vains.

Or ces romans magistraux sont bienfaisants. Ils enchantent. Ils aident à vivre. Ils instruisent. Il est devenu nécessaire de les défendre et de les promouvoir sans relâche, car c'est une illusion de penser qu'à eux seuls ils auraient le pouvoir de rayonner. Nous n'avons pas d'autre ambition.

Nous voulons des livres nécessaires, des livres qu'on puisse lire le lendemain d'un enterrement, quand on n'a plus de larmes tant on a pleuré, qu'on ne tient plus debout, calciné que l'on est par la souffrance; des livres qui soient là comme des proches quand on a rangé la chambre de l'enfant mort, recopié ses notes intimes pour les avoir toujours sur soi, respiré mille fois ses habits dans la penderie, et que l'on a plus rien à faire; des livres pour les nuits où, malgré l'épuisement, on ne peut pas dormir, et où l'on voudrait simplement s'arracher à des visions obsessionnelles; des livres qui fassent le poids et qu'on ne lâche pas quand on n'en finit pas d'entendre le policier dire doucement : Vous ne reverrez pas votre fille vivante; quand on n'en peut plus de se voir chercher le petit Jean follement dans toute la maison, puis follement dans le jardin, quand quinze fois par nuit on le découvre dans le petit bassin, à plat ventre dans trente centimètres d'eau; des livres qu'on peut apporter à cette amie dont le fils s'est pendu, dans sa chambre, il y a deux mois qui semblent une heure; à ce frère que la maladie rend méconnaissable.

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vendredi, avril 3 2009

Laurence Cossé - Au Bon Roman

Au mépris de tous mes devoirs, j'ai récemment passé une journée presque entière à lire un roman. Un bon roman donc, puisqu’il a fallu que je le finisse. Au Bon Roman est son titre, et son projet. La rencontre d’un libraire idéaliste un peu hagard égaré dans un sous-sol de station de ski et d’une héritière habitée par le désir de faire quelque chose de bien de sa vie désertée fait naître le projet d’ouvrir une librairie vouée aux seuls « bons romans ». Ceux qui accompagnent, réparent ou réconfortent, ceux qui n’éludent rien du tragique humain, rien des merveilles quotidiennes, des romans « bons », à l’exclusion des livres bâclés, écrits à la va-vite, pliés pour la rentrée littéraire.

Ivan, dit Van, et Francesca étudient rigoureusement leur affaire. Créent un comité de lecteurs constitués d’écrivains qui leurs sont chers, chargés de fournir chacun les six cents titres en langue française qui leur paraissent indispensables pour mettre en route le fonds. Et ouvrent un beau jour de septembre 2004, rue Dupuytren, au carrefour de l’Odéon, la librairie Au Bon Roman, un rêve de lecteurs, uniquement peuplée de romans charnus, de romans aimés de ceux qui les ont choisis, de romans composés avec amour. Lieu de rencontre immédiat, d’échanges, de vive voix ou sur la toile, avec les lecteurs éblouis et incontinent habitués - et nourri aussitôt des auteurs oubliés mentionnés par les uns et les autres…
Oui mais.

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