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samedi, décembre 3 2011

Wilkie Collins, Trollope, mélos

             
       Wilkie Collins, c’est vraiment du mélo. Terrible, avec des personnages taillés à l’emporte-pièce, et définis d’emblée par un caractère, et même une physiognomonie qui prévient toute ambiguïté quant aux gentils et aux méchants, même s’il y a des personnages plus nuancés, et si l’ensemble ne manque ni d’humour, ni de souffle. Mais je crois que je vais m’arrêter là dans mon exploration, parce qu’il semblerait qu’il y ait d’autres Trollope traduits, et que je vais plutôt m’efforcer de labourer ce champ-ci que celui-là. C’était Passion et Repentir, une histoire d’usurpation d’identité sur fond de guerre de 70, avec belle infirmière déchue (le titre anglais est The New Magadalen) et demoiselle ruinée et arrogante, jeune soupirant décoratif mais peu enclin à l’ouverture d’esprit, prêtre progressiste plein d’éloquence et vieille lady autoritaire au cœur tendre sous sa rude écorce, préjugés nobiliaires débridés, et tout ce qu’il faut comme coïncidences pour que le mélange soit palpitant. Le roman date de 1873, et il y a, natürlich, un site consacré à Wilkie Collins, d’où j’ai extrait le fier monogramme ici reproduit.

       Autre histoire de préjugés nobiliaires, plus subtile et plus sombre, quoique rédigée semble-t-il en un mois, de septembre à octobre 1877.  Autre Trollope, lu dans la foulée, Œil pour œil.
       C’est, colorée de mélodrame, mais habilement filtrée par la conscience et le regard du seul « héros », la cruelle histoire de Fred Neville, jeune aristocrate anglais promu héritier d’un titre et d’une terre prestigieux, et tiraillé entre son goût de la liberté et de l’« aventure », sa générosité et sa loyauté, et l’indolence, les préjugés et la désinvolture propres à son âge et à sa classe. Crucifié entre deux serments, celui fait à son oncle de ne pas épouser une catholique, celui fait à la douce Kate à la noire chevelure bouclée : « personne n’avait jamais vu de pareilles boucles. Elle les secouait par jeu, et la pièce en paraissait remplie ». Si, à la mort de son oncle, Fred devient lord, on ne peut guère dire qu’il reste un gentleman. Sur fond de lande et de falaises irlandaises battues par les vents, ce roman pose à nouveau très fermement la question des rapports entre les hommes et les femmes, de l’inégalité qui les régit, en particulier en cas de séduction, car séduction il y a eu, et Kate a une mère de race « lionne »… Si ce quatrième Trollope n’est pas aussi délectable que les précédents, d’autant moins que la traduction en est parfois fautive, c’est malgré tout un bon roman, qui témoigne de l’art consommé d’un romancier, si exigeant dans sa pratique quotidienne de l’écriture qu’il pouvait en un mois mener à bien une intrigue sans failles ni faiblesses.

dimanche, novembre 13 2011

Considérations dominicales décousues

      Comme je parlais avec enthousiasme de Trollope à mon amie Soizic la libraire, elle a évoqué à son tour un auteur dont j’ignorais tout, William Wilkie Collins, aussitôt emprunté à la bibliothèque.
      - Eh oui, les livres coûtent vraiment très cher, en particulier pour les dévoreurs et – reuses dont je suis, sans parler de la place sur les étagères, ou  plutôt des étagères elles-mêmes, qui commencent à sérieusement manquer, et il va falloir que je procède dès que possible à un très sérieux désherbage, suffit de trouver le temps. Non que je m’apprête à passer à la « liseuse », sous prétexte que le livre serait un objet désuet, caduc, démodé, dépassé, archaïque, obsolète, périmé, suranné, passé de mode, anachronique, fossile, has been ! c’était le sujet du Répliques de Finkielkraut samedi, que j’écoutai d’une oreille tout en vaquant, et qui confrontait François Bon, que sa pratique d’une littérature plus aléatoire, ouverte, protéiforme, sur la toile, incline à ranger l’objet-livre au magasin des antiquités, et Beigbeder, qui non, mais dont les propos en général m’effleurent ou m’insupportent, question de voix, et comment dire… d’épaisseur ? Et je me demandais, en les écoutant, s’il leur arrivait de penser que la moitié de la population terrienne n’avait pas forcément un accès libre à la technologie raffinée que supposent ces objets, ni à l’électricité. Ou même qu’en cas de panne, le bouquin dans le sac, la boîte à gants, la poche, restait indispensable.
      Rien de tel qu’un bon vieux livre, de préférence épais et costaud, même si, du coup, il faut faire des choix. Sans parler des pratiques de sybarite, telles que la lecture dans la baignoire – « encore un petit peu d’eau chaude s’il te plaît » avec mouvement ad hoc des orteils sur le robinet et salut mental à Ariane en ses monologues aquatiques. Un livre dont les pages s’enflent et se boursouflent, depuis la simple humidification  par rebord interposé ou éclaboussures de douche jusqu’à la chute complète dans la baignoire, c’est un livre abîmé, mais en quelque manière complice, et quoi qu’il en soit toujours lisible, telle mon édition de Dona Flor et ses deux maris de Jorge Amado, terriblement gondolée. Mais une liseuse dans la baignoire ? Indépendamment du fait que l’atmosphère tropicale de la salle de bain risque de lui être antipathique, une chute dans la baignoire ne peut qu’être fatale, et voilà 99 euros à la baye. Et le sable, à la plage ? Non, décidément, pas pour l’instant.

      Donc W. Wilkie Collins. Un ami très proche de Dickens, avec lequel il a même écrit un roman, Voie sans issue, selon le catalogue de la bibliothèque, et dans la revue duquel il a publié nombre de ses œuvres (vingt-sept romans, entre autres !). C’est Phébus qui s’est chargé de la republication de ses romans, dont je viens de lire Cache-cache (Hide and Seek) (et vive les longs week ends et les nuits d’hiver). A propos, ai-je jamais écrit ici que j’adorais Dickens, et par-dessus tout Oliver Twist ?

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