Shirley Hazzard - Le Passage de Vénus

C’est l’après-guerre. Il y a des jeunes gens et des jeunes filles, en particulier les deux sœurs Bell, la brune Caro et la blonde Grace, et le jeune astronome Ted Tice (Ted pour Edmund, strangely enough). Il y a aussi Paul Ivory, qui est beau, arrogant, dramaturge à succès, et sa fiancée Tertia aux yeux pâles et inexpressifs, mais c’est une lady. Le passage de Vénus, c’est de l’astronomie : c’est pour observer à Tahiti un passage de Vénus devant le soleil que James Cook a découvert l’Australie, où sont nées les deux sœurs. Les trois, même, car il y a l’aînée, leur demi-sœur Dora (« …ce genre de personnes, (...) qui sont prêtes à se glisser avec vous dans le même vantail d’une porte à tambour sous prétexte de moins gêner »). C’est donc sous le signe de Vénus que se place ce roman où, tour à tour, les personnages connaissent le voire les passage(s) de l’amour ou du désir.
C’est composé avec brio (tant, qu’un lecteur scrupuleux se voit presque tenu à une seconde lecture – du début, en tout cas), écrit dans ce style éblouissant de justesse inventive, dès la première page :

« En début de soirée, les manchettes des journaux feraient état d’un cataclysme.

 La vérité est que le ciel, par un jour sans ombre, s’abaissa soudain comme une grande toile de tente. Un silence violet pétrifia les branches des arbres et fit se dresser les récoltes dans les  champs comme des cheveux sur une tête. Une trace de peinture blanche récente jaillit, ici au flanc d’une colline, là sur une dune, plus loin déchira un bord de route d’un trait de clôture. Ce la se passait un peu après midi, un lundi d’été, dans le sud de l’Angleterre. »
(Je n’en cite pas plus parce que je trouve que cette fois, la traduction achoppe parfois, mais j’aurais pu poursuivre pendant des pages…)

Les personnages sont très attachants, incarnés, charnels, en particulier Ted et Caro en leur longue histoire d’amour à sens unique. La narratrice, à moins que ce ne soit l’autrice, se pose dès les premières pages en grande ordonnatrice des destins, dont les noms d’inspiration antique des personnages soulignent la détermination tragique : Caro, la chair, Grace, Dora, le don - au nom tristement ironique -, Una, sœur d’Adam, et Tertia, Valda (la robuste, inébranlable dans ses principes ?). il y a Paul Ivory précieux et ambigu, un Victor qui sera bien plutôt Victus, et Ted Tice, qui me laisse en panne, sauf à voir dans « Tice » une anglicisation de « Tychê », la Fortune, le hasard (Haz(z)ard ?), le risque, ce qui, somme toute, peut se défendre. Il y a des descriptions admirables et des tas de notations physiques, psychologiques, sociales, pénétrantes. Et si ce roman ne m’a pas donné le même sentiment de plénitude que La Baie de midi, c’est quand même un fichtrement beau livre.

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