Alain Le Ninèze - Sator, l'énigme du carré magique

Le roman est irrigué par une suite d’interprétations ingénieuses et complémentaires de ce carré magique qui fut au fil des âges un signe de reconnaissance des Chrétiens. Ici, c’est l’impératrice Poppée qui, sous peine de châtiment, en requiert une qui se tienne de Publius Balbus Pison, un sénateur secrètement converti au christianisme lors de la venue en Italie de Paul de Tarse. Il fait donc appel à son neveu Lucius Albinus, procurateur de Judée et donc l’un des successeurs de Pilate – nous sommes entre 62 et 67 de notre ère, lequel Lucius, malgré l’instabilité politique extrême, se prend au jeu d’enquêter et sur ledit carré, et sur les derniers moments du Christ, auprès de ceux qui l’ont connu ou côtoyé.

C’est indéniablement érudit et non moins indéniablement astucieux pour ce qui concerne les diverses, successives, et non-exclusives-entre-elles interprétations dudit carré à grand renfort de

guemattria, d’anagrammatique, de palindromes et de boustrophédon.

Pour ce qui est des personnages en revanche, c’est un peu sommaire, idem pour la construction narrative. Quant à la vraisemblance, même si l’on est captivé par l’aventure intellectuelle que représente le déchiffrement de l’énigme, on peut s’interroger sur les interminables courriers adressés par Pison-oncle à Pison-neveu, dans lesquels il narre scrupuleusement les moindres détails des différentes conjurations auxquelles sa haine de Néron l’a amené à participer, dont celle de Pison, justement, un autre membre de la famille, conjuration narrée par le menu dans les Annales de Tacite. Adressés par un homme surveillé par la police à un représentant de l’état à l’autre bout du monde… ils bénéficient d’une singulière cécité de la part des sbires de Tigellin, non ?

La lecture de ce roman n’est pas désagréable. On y apprend des tas de choses, on y révise son histoire de la Palestine et des débuts du christianisme. Mais la trame romanesque y est trop visiblement un prétexte à l’exposé d’une théorie sur ledit carré magique, la pierre apporté par l’auteur à l’édifice des interprétations (d’où la surabondance des notes et des références). Proposons à notre tour une lecture du mystérieux « arepo » de la deuxième ligne, clé de voûte du mystère dont Publius ne propose qu’une interprétation anagrammatique tardive : selon le principe de l’anagramme, on peut aussi en faire « apéro », non ? Et de Sator (en latin, « le semeur », manière de désigner Dieu), une bonne lecture d’été entre deux pastis - sous le mûrier, face à la vallée en proie aux caprices du temps estival^^…

Commentaires

1. Le jeudi, septembre 2 2010, 20:56 par alain

Très drôle, la chute. J'espère que la vermine dont ton site porte le nom tombera dans ton verre de pastis.

2. Le vendredi, septembre 3 2010, 07:25 par Agnès

Le tutoiement (latin ?) n'adoucit guère la rudesse du vœu . La "vermine" prospère en ce moment sur talus et clôtures, fleurissant les brumeux débuts de l'automne. Puis-je souhaiter que ses vrilles étouffent en vous ce penchant aux accès de bile noire ?

3. Le dimanche, septembre 5 2010, 21:02 par Alain

Excusez-moi de cet accès d'humeur, je ne suis pourtant pas atrabilaire par nature. La blague était excellente, en fait, et c'est ce qui m'a énervé, peut-être : de n'y avoir pas pensé...
Continuez à tisser vos fils, jusqu'à la chrysalide dont émerge le beau papillon aux ailes blanches. Le bombyx du mûrier, hélas, est un papillon en voie de disparition. Comme le vrai lecteur de roman, espèce dont vous faites partie, semble-t-il. Je vous souhaite quelques bonheurs de lecture pour cette rentrée littéraire.
Alain

4. Le dimanche, septembre 5 2010, 23:22 par Agnes

:-D

Merci.
Je n'ai pas pris vraiment garde à la "rentrée" littéraire, et le dernier monde des livres, feuilleté hier, n'affichait pas grand chose de séduisant... mais je vais m'y mettre...

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