Ça y est pour le tome III : « La Reine dans le palais des courants d’air ». Une lecture de 2007, definitely.



Commençons par ronchonner : la traduction est désastreuse, de plus en plus bâclée au fil des volumes ; outre les « définitivement » déjà signalés, il y a des fautes criantes d’usage ou de concordance des temps, des erreurs de lexique, et le plus parfait mépris pour les circonstances où, en français, le subjonctif s’impose. C’est désolant. Actes Sud fait un tabac avec ce triptyque, ils pourraient faire l’effort de payer correctement leurs traducteurs ou leurs relecteurs, et de veiller à la tenue littéraire de leurs bouquins, fussent-ils des romans noirs. D’autant que la question de la belle langue est constamment évoquée à propos des articles et des textes de Blomkvist et de ses collègues. Je suppose donc que Larsson y était sensible ! Je ne connais rien aux arcanes de la traduction littéraire, mais trouver dans un roman publié des erreurs ou des approximations qui seraient épinglées dans un exercice de version, c’est irritant. Et pendant que j’y suis il me semble que s’ils se fussent fendus de quelques notes en bas de pages à propos des références à la littérature enfantine scandinave, ça n’aurait fait de mal à personne et, qui sait, fait remonter les ventes d’icelle ? Lisbeth est une variété de Fifi Brindacier, c’est souligné à plusieurs reprises (c’est même une fois le mot de passe que lui propose Mikael pour entrer en communication avec elle) mais pour ma part, j’ignore tout du reste de l’œuvre d’Astrid Lindgren, et mes lectures d’Andersen sont lointaines.

L’histoire de Lisbeth, très amochée au cours du volume précédent, se poursuit, et nous fait plonger au plus secret des services secrets. Les personnages se multiplient, ce qui exclut toute lecture distraite ou en pointillés (j’ai le sentiment de ne pas « lire » véritablement tous les noms exotiques dans les romans étrangers. Plutôt d’en photographier une sorte de synthèse graphique et sonore parfois fragile…). Les motifs se tissent dans la toile selon l’urgence, certains allant jusqu’ à disparaître parfois très longtemps avant d’être rattrapés in extremis. Ainsi en est-il du "frère" de Lisbeth, Ronald Niedermann, qui s’absente non seulement du récit, mais de l’enquête, un sacré bout de temps.

Il y a deux questions majeures dans les trois Millenium, que l’on voit s’épanouir clairement dans ce dernier tome : celle de la place des femmes dans la société civile : l’enquête menée dans le tome II concerne le trafic des femmes, et dans le tome III Erika, la rédac’chef de Millenium a accepté de quitter SA revue pour prendre la tête d’un prestigieux quoique déclinant quotidien où elle a bien du mal à s’imposer alors même qu’ils sont allés la chercher. Relations entre les hommes et les femmes sur le plan professionnel, ou sur le plan sexuel : Mikael plaît aux femmes essentiellement parce qu’il est un amant talentueux et attentif sans la moindre « volonté de puissance », alors que les machos frustrés abondent. Quant à Lisbeth, elle est défendue par Annika, la sœur de Mikael, avocate spécialisée dans les violences faites aux femmes.

L’autre question, connexe, est celle de la démocratie, et de la place que les services secrets doivent ou peuvent y occuper. Comme journaliste, exigeant et doté d’un sens éthique superlatif, Mikael représente un contre-pouvoir dangereux ou nécessaire suivant les points de vue. Cela aboutit à une lutte entre ce qu’il faut bien considérer comme les forces du Bien et celles du Mal, dans laquelle on choisit sans hésiter son camp… Réflexion sur les séquelles de la guerre froide et leurs dangers pour la démocratie, mêlée à une sorte de fable sur la lente éclosion à elle-même et à autrui d’un vilain petit canard et doublée d’une sorte de mise en œuvre de la volonté de contrôle la plus débridée (Lisbeth est quand même une variété moderne de Comte de Monte Cristo), ça pourrait faire un vaste chaos incohérent. Ça fait une intrigue fichtrement captivante, dont on a du mal à se déprendre. Il n’y a guère d’enfants dans Millenium. Sans doute parce que personnages et lecteur en tiennent la place, suspendus jusqu’au bout à la plume du conteur.
Quelques éléments sur Lindgren : http://www.ricochet-jeunes.org/auteur.asp?id=1651 où l'on trouve la référence à Super Blomkvist (L'as des détectives)

Commentaires

1. Le jeudi, mars 6 2008, 21:09 par sylvie

j'ai adoré ce livre et j'adore la dernière phrase de ton post, j'ai d'ailleurs rédigé mon billet sur ces livres dans ce sens.

2. Le jeudi, mars 6 2008, 22:00 par Agnès
Merci à toi ! J'ai fait un tour sur ton blog, et sans doute irais-je en faire un du côté de Laurence Tardieu, que je ne connais pas. Pour ma part, j'ai, adulte, écouté Fifi Brin d'acier sur France Culture (les merveilleuses et disparues "Histoires du Pince-Oreille") avec mes enfants, et ç'a été une découverte. Comme le fait, d'ailleurs, qu'il s'agisse d'une petite fille dont l'énergie est liée à son état d'abandon complet. Une petite fille déprimée, en quelque sorte !

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