Petits fours aigre-doux, légèrement épicés...

« À la une du Mercenaire, en caractères gras, un bandeau à en-tête avisait le public :  Chaque ligne de ce journal est payée. Nous dépendons du gouvernement quel qu’il soit, nous n’écrivons jamais notre propre opinion, sauf quand nous y contraint le plus sordide esprit de lucre. En conséquence nous avertissons nos lecteurs, pour lesquels, individuellement et collectivement, nous n’avons que profond dédain et mépris, qu’ils n’ont pas à prendre au sérieux nos articles, et qu’ils doivent avoir pour nous autant de mépris et dédain que nous le méritons, si toutefois c’est humainement possible. »

C’est ce que l’on peut lire dans l’un des journaux proposés par le café qui se donne lui-même pour le rendez-vous des escrocs et des parasites, dans La Ville franche sans autre nom où ont atterri Kornél Esti et son camarade qui dit « je ». Monde à l’envers – ou à l’endroit ? – où s’affiche partout la plus scrupuleuse vérité, c’est-à-dire le plus tranquille cynisme. Qui vaudra au narrateur de se faire expulser, en « avion d’expulsion rapide » ( !), pour avoir prétendu être « enchanté » au moment où il venait prétendre à l’immigration dans cette bonne ville.

Telles sont les nouvelles, fluides et déconcertantes, du recueil Le Traducteur cleptomane de Dezsö Kosztolànyi, auteur hongrois (1885 – 1936), publié chez Viviane Hamy, collection Bis. Sur les pas de Kornél Esti, conteur, romancier et observateur sceptique et bienveillant, on croise un traducteur cleptomane :

« De nouveau, nous avons essayé de le sauver. Vous qui êtes écrivains, vous n’êtes pas sans savoir que tout dépend des mots, la valeur d’un poème aussi bien que le sort d’un homme. Nous avons tenté de prouver que c’était un cleptomane et non un voleur. Cleptomane est en général quelqu’un que l’on connaît, voleur quelqu’un qu’on ne connaît pas. Le tribunal ne le connaissait pas, aussi l’a-t-il jugé comme voleur et condamné à deux ans de prison. »,

un contrôleur bulgare, un industriel à éclipses (la nouvelle s’intitule La Disparition), un chevalier de la dèche, un président dormeur….

Les textes sont brefs, enlevés, juste le temps d’en percevoir l’étrangeté comme une épice, sans insistance. Petit plaisir allègre de début d’année.

Commentaires

1. Le jeudi, mai 9 2013, 20:59 par Anne d'Evry

Merci chère Agnès de nous avoir fait connaître ce recueil. Je ne connaissais de cet auteur que « Anna la douce », « Alouette » et « Un mauvais médecin » (deux nouvelles dont la seconde « La Baignade » est bien supérieure à celle qui a donné son nom à l’ouvrage).
Signalons que Kosztolanyi prend un Z entre le S et le T, sinon mission impossible pour rechercher parmi les tags.
Que les puristes me pardonnent l'absence d'accent aigu sur le a, introuvable sur mon clavier (Ah ! le hongrois).

2. Le jeudi, mai 9 2013, 22:07 par Agnès

Aargh !!! Voici l'erreur réparée.

J'irai voir à la bibli ce qu'il en est de leurs auteurs hongrois. De Tibor Déry, j'ai lu, je l'ai écrit ici Monsieur  G. A. à X., que je n'ai pas fini, mais que c'était suffocant ! Il y a aussi, bien sûr, venue de là-bas adopter la langue française - et les Papous -, Eva Almassy, qui passa ici quelquefois, et dont j'ai lu V.O., un étrange roman. D'ailleurs, elle a dû mettre un commentaire à ce billet-ci*, j'y pense !

Bonnes autres lectures, quoi qu'il en soit, mais pour le hamac dans le jardin, las! il faudra attendre !

Tibi,

A.

* Non, ce doit être ailleurs...

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