La notice d'aujourd'hui s'adresse aux amateurs (-trices?) de romanesque...

... débridé. Échevelé.
 Comme l'héroïne des sept volumes que j'ai avalés il y a quelques mois, et dont je n'avais pas pris le temps de faire le compte-rendu. Sept sur huit, mais le tome I du second volet manquait dans les librairies comme chez l'amie qui m'avait prêté les 1ers tomes, alors j'ai vaguement fait le lien entre la quatrième de couverture et un résumé pris sur Internet, et je suis passée au tome 2, c'est-à-dire au 5ème de la série, sans pouvoir attendre.
Il s'agit d'une saga, c'est le moment d'employer le terme, puisque l'autrice est norvégienne : 'Herbjørg Wassmo, Le livre de Dina, 3 volumes – Les limons vides/ Les vivants aussi/ Mon bien-aimé est à moi. Puis Fils de la Providence (2 tomes dont je n'ai pas lu le premier), le récit se déplace vers le fils de Dina, Benjamin, qui va faire ses études de médecine à Copenhague. Enfin, L'héritage de Karna (3 volumes à nouveau, et cette fois, c'est la petite fille de Dina, Karna, qui est au centre des histoires :Mon péché n'appartient qu'à moi / Le pire des silences / Des femmes si belles. Trois générations, donc, d'une famille pour le moins étrange et chaotique.

Reprenons les choses dans l'ordre. À l'exception du volume consacré à la vie de Benjamin à Copenhague, l'action se situe essentiellement à l'extrême nord de la Norvège, dans la propriété d'une famille de marins-agriculteurs - où c'est en quelque sorte la maison qui assure les liens de famille plus que les liens stricts d'ascendance ou de descendance - et se déploie des années 1850 au début du XXe siècle.

L'héroïne du premier volet est Dina : le récit, extrêmement lyrique, est fait à travers son regard de petite fille puis de jeune femme sauvage, livrée à elle-même après qu'elle a été la responsable involontaire de la mort de sa mère, Hjertrud, ébouillantée par une lessiveuse renversée. L'enfant grandit entre un père coléreux et fruste quoique notable local, et un précepteur silencieux, qui la rend à un sens en lui enseignant la musique. Elle devient une sorte de bohémienne virtuose du violoncelle, qui parcourt la campagne au galop de son cheval Lucifer, et accepte de venir jouer pour les hôtes de son père. C'est ainsi qu'elle ensorcelle et enflamme Jacob Grønlev, un ami de son père, homme mûr qui l'épouse et l'emmène avec lui à Reinsnes : Dina rejoint ainsi son domaine.

Le premier volet du triptyque raconte donc Dina, de l'enfant à la femme, à travers le pouvoir que confèrent la musique, le désir, la violence et le meurtre, ainsi qu'un sens aigu du calcul et des affaires. La présence constante autour d'elle de ses fantômes. Son apprentissage de la douceur aussi et de la culture par l'intermédiaire de Mère Karen, l'aïeule, belle-mère de Jacob, qui a parcouru le monde et rempli Reinsnes de livres. Et puis les hommes, attachés au domaine ou aventuriers de passage sur lesquels elle exerce sa puissance. Au prix, parfois, d'une certaine désinvolture de la romancière, qui fait bon marché de la figure masculine la plus dessinée de son histoire. Si le roman s'arrêtait au volume 3, le lecteur resterait sur sa faim. Le tout dans un décor de nature austère, paysages désolés, landes en bord de mer, avec omniprésence de la parole biblique, entre foi et blasphème, sur fond de Cantique des Cantiques et de guerre de Crimée.

Du second volet, je n'ai donc lu que la seconde partie, où Copenhague est le lieu de l'apprentissage de Benjamin, fils d'une Dina depuis disparue, jeune homme habité par la violence de sa mère et taraudé par un secret insupportable. Sorte de Peer Gynt romanesque, il se cherche, entre son amitié pour Aksel et l'amour qu'il porte à la fiancée de celui-ci, Anna, et son désir pour Karna, la fille de salle. Cette fois, le fond historique est celui de la chute de Napoléon III, associée à des imbroglios politiques entre Norvège, Danemark et Russie. À la fin du volume, Benjamin, qui a retrouvé Dina, rejoint Reinsnes avec celle-ci, et sa fille bâtarde et orpheline, Karna. (la fille de B.)

Ce volume, beaucoup moins lyrique, plus philosophique, évoque l'univers de Munch, de son portrait de Peer Gynt aux sombres couleurs de ses toiles expressionnistes.

Quant à la troisième partie de la saga, il lui échoit de résoudre tout ce qui s'est noué auparavant. L'action est narrée à travers le regard de Karna, la fillette épileptique, si proche de sa grand-mère, dans un monde où l'univers autarcique et familial de Reinsnes s'effondre, au profit d'un nouveau monde citadin, fondé sur les affaires et la spéculation.

En filigrane des trois séries, le chagrin, et le silence qu'il engendre et accumule au fil des générations. Il y a bien çà et là quelques fils qui pendent de la trame du roman sans être récupérés, une tendance indéniable à une « idéologie » féministe, et un certain optimisme protestant. Mais Wassmo est une sacrée conteuse, les personnages sont justes et j'ai été embarquée sans pouvoir résister. Encore un histoire du grand Nord, décidément !

(NB: à 7,50 euros environ le volume en 10 /18, ça fait un peu cher de la saga, ils charrient chez 10/18!)

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