Variations sur l'Odyssée
Par Agnès Orosco le vendredi, mai 18 2007, 16:01 - Littérature germanique - Lien permanent
Bernhard Schlink, Le Retour.
Après Le Liseur,
nouveau roman prenant que je n’ai lâché qu’après l’avoir terminé. Autre
quête du passé de l’Allemagne à travers la quête du passé du héros, qui
à nouveau, passe dans le roman de l’enfance à l’âge adulte. Mais c’est
un roman curieusement construit, dont les différentes parties
s’emboîtent les unes dans les autres sans qu’il y ait véritablement de
centre. On a, après lecture, une curieuse sensation de déséquilibre,
comme si chaque partie engendrait la suivante qui se développait de
façon autonome et menait sa propre vie. La première partie, qui évoque
ses vacances heureuses chez ses grands-parents suisses, est très belle.
Tendre, et lumineuse. Elle tient dans le roman une sorte de rôle à
part, puisqu’elle introduit, avec les grands-parents, les romans
d’éducation populaire, dont ils sont correcteurs, et dont l’un va
bientôt hanter le jeune homme jusqu’à l’obsession : c’est, sur fond de
guerre de 40, une variation sur l’Odyssée,
nuancée de mystère et d’interdit : les grands-parents ont défendu au
garçon de lire les épreuves qu’ils lui donnent à titre de brouillon. Il
n’en a donc que des fragments, qu’il a dévorés, et ce récit résonne en
lui de façon beaucoup trop familière. Le roman devient donc le récit
d’une quête, qui se met à dévorer sa vie de juriste scrupuleux, et
d’amoureux hésitant : quête des fragments manquants du roman, &
quête de son auteur, qui se mêle et se brouille de façon troublante
avec celle du père mort ou disparu.
La troisième partie se déroule aux États-Unis, où le narrateur est
confronté à de très complexes et difficiles questions de sens du Droit
: c’est la partie la plus bizarre, car elle est si riche en
rebondissements de l’intrigue et en réflexion technique et
philosophique sur le droit qu’elle empêche une lecture sereine : je
l’ai lue en deux fois : la première pour « savoir la fin », la seconde
pour digérer l’espèce d’essai sur le sens du droit qu’elle intègre.
Lecture inconfortable donc, mais passionnante. Je dirais que la forme
en est moins aboutie que celle du Liseur,
et donc peut-être la résonance moindre, mais c’est un livre fort, et
oserais-je radoter, beaucoup plus intéressant encore que certain pavé
récemment bicouronné….
Je ne suis pas contente de ce compte-rendu, qui témoigne de mes
difficultés face à ce livre. Mais je vous le livre tel que, espérant
que je vous aurai malgré tout donné envie d’aller y voir ! la réflexion
théorique n’empêche pas que tous les personnages y soient dessinés
fermement, et « incarnés ».