Variations sur l'Odyssée


Bernhard Schlink, Le Retour.
Après Le Liseur, nouveau roman prenant que je n’ai lâché qu’après l’avoir terminé. Autre quête du passé de l’Allemagne à travers la quête du passé du héros, qui à nouveau, passe dans le roman de l’enfance à l’âge adulte. Mais c’est un roman curieusement construit, dont les différentes parties s’emboîtent les unes dans les autres sans qu’il y ait véritablement de centre. On a, après lecture, une curieuse sensation de déséquilibre, comme si chaque partie engendrait la suivante qui se développait de façon autonome et menait sa propre vie. La première partie, qui évoque ses vacances heureuses chez ses grands-parents suisses, est très belle. Tendre, et lumineuse. Elle tient dans le roman une sorte de rôle à part, puisqu’elle introduit, avec les grands-parents, les romans d’éducation populaire, dont ils sont correcteurs, et dont l’un va bientôt hanter le jeune homme jusqu’à l’obsession : c’est, sur fond de guerre de 40, une variation sur l’Odyssée, nuancée de mystère et d’interdit : les grands-parents ont défendu au garçon de lire les épreuves qu’ils lui donnent à titre de brouillon. Il n’en a donc que des fragments, qu’il a dévorés, et ce récit résonne en lui de façon beaucoup trop familière. Le roman devient donc le récit d’une quête, qui se met à dévorer sa vie de juriste scrupuleux, et d’amoureux hésitant : quête des fragments manquants du roman, & quête de son auteur, qui se mêle et se brouille de façon troublante avec celle du père mort ou disparu.
La troisième partie se déroule aux États-Unis, où le narrateur est confronté à de très complexes et difficiles questions de sens du Droit : c’est la partie la plus bizarre, car elle est si riche en rebondissements de l’intrigue et en réflexion technique et philosophique sur le droit qu’elle empêche une lecture sereine : je l’ai lue en deux fois : la première pour « savoir la fin », la seconde pour digérer l’espèce d’essai sur le sens du droit qu’elle intègre. Lecture inconfortable donc, mais passionnante. Je dirais que la forme en est moins aboutie que celle du Liseur, et donc peut-être la résonance moindre, mais c’est un livre fort, et oserais-je radoter, beaucoup plus intéressant encore que certain pavé récemment bicouronné….
Je ne suis pas contente de ce compte-rendu, qui témoigne de mes difficultés face à ce livre. Mais je vous le livre tel que, espérant que je vous aurai malgré tout donné envie d’aller y voir ! la réflexion théorique n’empêche pas que tous les personnages y soient dessinés fermement, et « incarnés ».

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