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lundi, avril 18 2011

Carmen Laforet - Nada

Quel beau roman ! écrit et publié par une toute jeune femme de vingt-trois ans dans l’Espagne de l’après guerre civile. Qui a signé la renaissance du roman espagnol, nous dit la quatrième de couverture. Mais comme je ne connais rien du roman espagnol d’avant-guerre (seulement un peu la poésie et le drame), je vais m’efforcer de déchiffrer en quoi réside, pour moi, son charme intact.

 Une jeune femme, une ville, la mer, l’amour, l’amitié. Et les ruines d’une après-guerre. J’ai déjà chroniqué un livre sur un tel sujet. C’était La Baie de midi de Shirley Hazzard (1970). Mais alors que Jenny trouvait à Naples une indépendance et un arrachement propices à sa renaissance, Andrea, qui est toute jeune, revient dans la Barcelone de son enfance pour se faire saisir, enserrer, étouffer dans les ruines, le désespoir, la poussière d’une famille dévastée par les séquelles de la guerre civile. Toutes deux sont orphelines, mais si la première s’est détournée de son passé, la seconde s’y retrouve brutalement, inexorablement, plongée. Je ne vais pas revenir à La Baie de midi, mais il est étonnant de penser à quel point on retrouve dans Nada (au demeurant antérieur de 25 ans, et plus bref), le sentiment  de lire le « roman d’une âme ». Le regard de la narratrice égarée – et, en outre, affamée - qui filtre un réel instable, essaie de saisir, d’ordonner, de comprendre la complexité des relations entre les êtres. Très peu de choses donc, sinon l’éveil d’une personnalité et d’une indépendance dans le lacis des ruelles d’un port de la Méditerranée ponctué de jardins et d’antiques monuments : baroques à Naples, à Barcelone gothiques.

 L’action, si action il y a, multiple, sinueuse, déchiquetée en quelque sorte, s’organise autour de la place de l’Université, où débouche la rue Aribau. Tels sont les deux pôles de la vie d’Andrea, entre l’appartement familial livré à la misère, à la fureur, aux fantômes, et le lieu des études et des rencontres. Au fil du roman, la jeune fille gagne une forme de liberté, dans ses errances de part et d’autre de la Rambla, la grande avenue qui descend vers le port, entre le quartier gothique et le quartier chinois, deux lieux obscurs, labyrinthiques, et les espaces ouverts des jardins, du port, de la plage.

Les premières pages, toutes illuminées de la passion de vivre qui possède la jeune narratrice, voient brusquement leur charme brisé dès son arrivée nocturne au milieu d’une famille de spectres, qui aussitôt, s’emparent, ou tentent de s’emparer d’elle.

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