dimanche, août 12 2012

Histoires, chansons, souvenirs...

je m'souviens ma mère m'aimait
Et je suis aux galères
Je m’souviens ma mère disait
Mais je n’ai pas cru ma mère
Ne traîn’ pas dans les ruisseaux
T’bats pas comme un sauvage
T’amuse pas comme les oiseaux
Elle me disait d’être sage

J’ai pas tué, j’ai pas volé
J’voulais courir la chance
J’ai pas tué, j’ai pas volé
J’voulais qu’chaque jour soit dimanche

Je m’souviens ma mère pleurait
Dès qu’je passais la porte
Je m’souviens comme elle pleurait
Elle voulait pas que je sorte
Toujours toujours elle disait
T’en vas pas chez les filles
Fais donc pas toujours c’qui t’plaît
Dans les prisons y a des grilles

J’ai pas tué j’ai pas volé
Mais j’ai cru Madeleine
J’ai pas tué j’ai pas volé
J’voulais pas lui faire de peine

Je m’souviens ma mère disait
Suis pas les bohémiennes
Je m’souviens comme elle disait
On ramass’ les gens qui traînent
Un jour les soldats du roi
T’emmèneront aux galères
Tu t’en iras trois par trois
Comme ils ont emmené ton père

Tu auras la tête rasée
On te mettra des chaînes
T’en auras les reins brisés
Et moi j’en mourrai de peine
Toujours, toujours tu rameras
Quand tu s’ras aux galères
Toujours, toujours tu rameras
Tu penseras p’t'être à ta mère

J’ai pas tué, j’ai pas volé
Mais j’ai pas cru ma mère
Et j’me souviens qu’elle m’aimait
Pendant que je rame aux galères *

 


J’adorais cette chanson que j’ai apprise en colonies de vacances. Elle fait partie des chansons qui m’habitent, avec L’Auvergnat de Brassens, un jour interprétée – j’avais six ans - par le groupe des ‘grandes’ vêtues de toges blanches (des draps, sans doute), à la fête de fin de séjour du « home d’enfants » François et Suzon, à La Bourboule, où je séjournais pour cause de rhino-pharyngites.


Je viens de lire - autre fascinant raconteur d’histoires – un volume de souvenirs de Joseph Kessel Ami entends-tu (encore un chant qui donne la chair de poule, et je me souviens d’Anna Marly, il doit y avoir une dizaine d’années, à l’émission matinale de Pierre Assouline sur France Culture, contant de sa voix passionnée les circonstances de sa composition : le livre de souvenirs qu’elle a écrit s’appelle : Anna Marly, troubadour de la Résistance), livre où Kessel raconte à son ami Jean-Marie Baron des épisodes de sa vie intense de journaliste et  d’aventurier. Il y a dans sa parole si vivante une absence totale de moralisme – mais non de sens moral – qui a par les temps qui courent a quelque chose, certes, de dangereux, mais d’infiniment salubre et
qui éloigne tout penchant au préjugé. C’est là que j’ai découvert aux petites heures du matin que ce Galérien était un chant d’origine russe traduit par Kessel et Druon. Mon carnet de chant en donne une version où manquent les bohémiennes, la version recopiée ci-dessus est peut-être un peu bancale. J’en ai écouté ce matin une version des Compagnons de la chanson (très belles voix) terriblement mélodramatique. Yves Montand, c’est mieux, mais je ne sais pas encore mettre de son sur ce blog, alors allez l’écouter par vous-mêmes !

* Paroles : Maurice Druon. Musique: Chant traditionnel russe, Arrangement: Léo Poll - 1942 Ed. Nuances 1950

Une interview de Kessel sur les archives de la télévision suisse romande. Et une photo de lui - ce merveilleux visage d'homme - trouvée sur le site de l'Internaute.

jeudi, octobre 7 2010

Jean-Michel Guenassia - Le Club des Incorrigibles Optimistes

Imré, Tibor, Léonid et Michel...

mais aussi Igor, Werner, Tomasz, Pavel, Gregorios, Virgil, Victor, Wladimir...  et encore Sacha, Jef, et Jean-Paul. Difficile de psalmodier leurs noms sur l’air d’Anton, Ivan, Boris et moi de Marie Laforêt, quand c’est sur Blue suede shoes, Jerry Lee Lewis ou les Beatles  que s’exprime la vitalité rageuse du jeune (des jeunes) héros de ce roman. Ça pourrait faire aussi Claude Sautet, n’eût été la coloration exotique de ces noms essentiellement enracinés à l’Est, mais expliquons-nous.

La plupart des personnages sus-nommés, parmi lesquels le lecteur perspicace n’aura pas manqué de noter l’absence complète de femmes, sont les membres du Club des Incorrigibles Optimistes sis dans une arrière-salle du Balto, brasserie auvergnate, au coin de Denfer-Rochereau et du boulevard Raspail. Rompu aux baby-foot avec Nicolas - tous deux y sont champions, imbattables, infatigables - le narrateur va lentement glisser aux échecs avec Pavel, Igor ou Léonid, à l’occasion d’une partie mémorable, car personne ne bat Léonid, même pas pour une partie truquée....

Dès ses douze ans, Michel Marini, dont la famille s’est distendue entre le père insouciant, jovial et bonimenteur, fils et frère de cheminot communiste, et la mère - rigide bourgeoisie catholique commerçante avec repas dominicaux rituels -, dès ses douze ans donc, Michel, scolarisé en pointillés au Lycée Henri IV (il est passé maître dans la subtilisation des billets d’absence) est presque un pilier de bar. Mais pour y jouer, y observer, y écouter : pour y apprendre la vie, en ses facettes diaprées et inassignables, et des aphorismes pour faire face à toutes les tribulations en toutes circonstances. Des blagues aussi, car  ce roman en regorge, et c’est l’une de ses originalités jubilatoires que d’être aussi un recueil de blagues, essentiellement issues des pays communistes d’ailleurs !

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