Je suis soumis au Chef du Signe de l’Automne
Partant j’aime les fruits je déteste les fleurs
Je regrette chacun des baisers que je donne
Tel un noyer gaulé dit au vent ses douleurs
Mon Automne éternelle ô ma saison mentale
Les mains des amantes d’antan jonchent ton sol
Une épouse me suit c’est mon ombre fatale
Les colombes ce soir prennent leur dernier vol
Les anges les anges dans le ciel
L'un est vêtu en officier
L'un est vêtu en cuisinier
Et les autres chantent
Bel officier couleur du ciel
Le doux printemps longtemps après Noël
Te médaillera d'un beau soleil
D'un beau soleil
Le cuisinier plume les oies
Ah ! tombe neige
Tombe et que n'ai-je
Ma bien-aimée entre mes bras
Guillaume Apollinaire - Alcools
C'est le 500ème billet, aujourd'hui. Il se bornera à saluer la neige. Et mes lecteurs et lectrices dont la fidélité me réconforte, au détour parfois d'un commentaire. Il a neigé trop menu aujourd'hui pour que j'aie pu photographier la chute du duvet d'oie. Mais j'avais cet Apollinaire dans la tête, que voici.
Automne malade et adoré
Tu mourras quand l'ouragan soufflera dans les roseraies
Quand il aura neigé
Dans les vergers
Pauvre automne
Meurs en blancheur et en richesse
De neige et de fruits mûrs
Au fond du ciel
Des éperviers planent
Sur les nixesnicettes aux cheveux verts et naines
Qui n'ont jamais aimé
Aux lisières lointaines
Les cerfs ont bramé
Et que j'aime ô saison que j'aime tes rumeurs
Les fruits tombant sans qu'on les cueille
Le vent et la forêt qui pleurent
Toutes leurs larmes en automne feuille à feuille
Les feuilles
Qu'on foule
Un train
Qui roule
La vie
S'écoule
Pour
moi, la violence faisait partie de l’existence, et il fallait s’y exercer. C’est
pourquoi, d’ailleurs, je suis revenu de Suisse pour être soldat et désirais être
soldat par le bas, pour voir la violence – pas l’exercer, la voir – mais au
fond, j’y participais et j’ai bien dû m’y mettre aussi. J’ai donné des coups et
j’en ai reçus. [...] Si la guerre avait été l’horreur continue que montre
Barbusse dans Le Feu ou Remarque dans A l’Ouest rien de nouveau, c’était
insoutenable. Il y avait des compensations ; d’énormes compensations. Elles
ont été décrites souvent – après -par
des psychologues. Il y avait des moments de bonheur véritable, même sur la ligne
de feu.... il y avait des choses rudement belles à voir, quelquefois, quand ce
ne serait que les feux d’artifice le soir... les fusées, l’odeur du champ de
bataille qui était enivrante. Oui, tout cela. « L’air est plein du terrible
alcool. » oui, tout cela Apollinaire l’a vu. Il n’y avait qu’un poète pour
dire cela. Ah,
mon Dieu il a fait l’apologie de la guerre. Non,
il a tout simplement fait l’apologie de la vie dans la mort. Il a fait l’apologie
de la paix dans la guerre. Car la paix dans la guerre, c’est quelque chose...
le relâchement, tout d’un coup.
Ces propos
éclairants, stimulants, du peintre André Masson au cours d’entretiens avec
Georges Charbonnier, en 1957, (publiés chez Ryôan-Ji en 1985), sont cités au
chapitre IV : Prier, crier, recréer le front, du bouquin
passionnant que je suis en train de lire : Apollinaire, une
biographie de guerre, d'Annette Becker, chez Tallandier. Travail rigoureux,
minutieux de documentation écrit par une historienne, ce livre éclaire au plus
près, avec des intuitions excitantes, la création littéraire féconde (Calligrammes,
correspondance surabondante, articles, drame – Les Mamelles de Tirésias,
j’ai hâte d’y arriver) dupoète devenu
combattant. Petit partage d’un samedi matin.