« Monsieur, dit-il un jour à son tailleur...

... cet habit est le dernier que je reçois de vous, si l'on oublie encore une fois de me faire des poches 'in-quarto' ».

Une nouvelle année s’ouvre, qu’en ces temps déraisonnables, je voudrais placer sous le signe  de tous les fous et enragés des livres et de la lecture.

Depuis le bibliomane de Sébastien Brant : « Je suis bien fol de me fier en grand multitude de livres. Je désire toujours et appète livres nouveaux auxquels ne puis rien comprendre substance, ne rien entendre. Mais bien les contregarde honnêtement de poudre et d’ordure, je nettoie souvent mes pupitres. Ma maison est décorée de livres, je me contente souvent de les voir ouverts sans rien y comprendre. »
qui me fait rire, au volant de son pupitre, derrière ses lunettes de pilote, jusqu’à celui de Nodier, qui se fait faire par son tailleur des poches in quarto, en passant par certain « ingénieux hidalgo »...

« Dans un village de la Manche... vivait il n’y a pas longtemps un de ces gentilshommes avec lance au râtelier, bouclier de cuir à l’ancienne, levrette pour la chasse et rosse efflanquée.»



« Or, il faut savoir que cet hidalgo, dans les moments où il restait oisif, c’est-à-dire à peu près toute l’année, s’adonnait à lire des livres de chevalerie, avec tant de goût et de plaisir, qu’il en oublia presque entièrement l’exercice de la chasse et même l’administration de son bien. Sa curiosité et son extravagance arrivèrent à ce point qu’il vendit plusieurs arpents de bonnes terres à labourer pour acheter des livres de chevalerie à lire. Aussi en amassa-t-il dans sa maison autant qu’il put s’en procurer. »
[...]

« Enfin, notre hidalgo s’acharna tellement à sa lecture, que ses nuits se passaient en lisant du soir au matin, et ses jours, du matin au soir. Si bien qu’à force de dormir peu et de lire beaucoup, il se dessécha le cerveau, de manière qu’il vint à perdre l’esprit. Son imagination se remplit de tout ce qu’il avait lu dans les livres, enchantements, querelles, défis, batailles, blessures, galanteries, amours, tempêtes et extravagances impossibles ; et il se fourra si bien dans la tête que tout ce magasin d’inventions rêvées était la vérité pure, qu’il n’y eut pour lui nulle autre histoire plus certaine dans le monde. »

Et par Emma, aussi, moderne Don Quichotte en jupons, à la tête farcie de livres, et ses alter ego Bouvard et Pécuchet, et tous les autres, frénétiques dévoreurs de livres, bibliophiles, bibliomanes, bibliophages, bibliodules...

Que l’année qui s’ouvre vous soit féconde en découvertes chez « poètes et conteurs ; satiriques et pamphlétaires ou hérésiarques avoués... », et fertile en livres, futiles ou nécessaires, mais toujours généreux.

Et « enivrez-vous, enivrez-vous sans cesse de vin », de livres « ou de vertu, à votre guise ! »

Le bibliomane, illustration pour La Nef des Fous de Sébastien Brant.
Johannes Geiler von Kaysersberg , Strasbourg, 1511
Coll.
Bibliothèque humaniste de Sélestat.

Commentaires

1. Le jeudi, janvier 3 2013, 00:08 par Anne d'Evry

Que tes coups de gueules, Agnès, et tes coups de cœurs généreux continuent à fleurir sur ce blog délicieux.
Tes photos nous donnent de ton décor et de ton humeur une trace, une touche inimitable. Comme tes éclats de rire, fleurs de liserons.
Que deux-mille-treize te soit fertile et opulente.
Tu nous donne envie de lire, encore et toujours. Merci.

2. Le jeudi, janvier 3 2013, 03:38 par Agnès

Chère Anne,

Merci de ta fidélité, et de la trace de tes passages parmi les vrilles de mes liserons.
Bonne année lectrice à toi.
Agnès

Ajouter un commentaire

Le code HTML est affiché comme du texte et les adresses web sont automatiquement transformées.

La discussion continue ailleurs

URL de rétrolien : http://blogs.ac-amiens.fr/let_convolvulus/index.php?trackback/487

Fil des commentaires de ce billet