La Grenadière

Je n’ai pas raffolé de La Grenadière, nouvelle écrite en une journée dans les intervalles d’une partie de billard, selon le témoignage de l'amie angoumoise de Balzac, Zulma Carraud. Balzac quant à lui a prétendu l’avoir rédigée en une nuit, ce qui correspond à l’atmosphère crépusculaire de ce texte où meurt lentement une grande dame solitaire sous le regard de ses deux enfants adultérins et adorés. Dans la splendeur de la vallée de la Loire aux environs de Tours, la Grenadière, charmante maison perchée sur les contreforts du fleuve, est une sorte de paradis terrestre, objet d’ une évocation lyrique de la part du narrateur.

Mais l’intrigue est trop mince et trop allusive me semble-t-il pour soutenir l’intérêt, et puis je n’ai jamais vraiment aimé ce Marie-Gaston au nom étrangement féminin qui sera l’évanescent second mari de l’ardente Louise de Chaulieu des Mémoires de deux jeunes mariées.

C’est donc un texte bizarre, et qui relève un peu, comment dire, de la méthode Coué ? Les rares événements surgissent tout à coup au détour d’une phrase, comme accomplis par leur simple mention, sans que rien n’ait semblé les annoncer auparavant, ainsi des progrès scolaires de l’aîné Louis-Gaston ou de ses relations dans la marine, ou de la subite détérioration de la santé de la belle Mme Augusta Willemsens. C’est étrange, inconfortable, on se dit, « tiens, j’ai loupé ça » ? ou « cinq mois seulement ? J’avais l’impression d’y être depuis des lustres ! ».

Plutôt qu’une nouvelle, ce texte est presque une élégie en prose. Il en a le décor agreste, l’éloge d’une nature féconde et proche de l’âge d’or, et la figure féminine centrale. On se croirait dans Tibulle, malgré les enfants, encore que l’aîné entretienne avec sa mère une relation quasi amoureuse sinon conjugale. On ne saura rien de la faute de Mme W, ni de celle de son mari, Lord Brandon, à qui elle pardonne, quoi ? et le reste de la Comédie Humaine, me dit ma préface, n’est guère plus explicite. Comme si le ressort de la nouvelle n’était pas dans l’œuvre, comme s’il s’y accomplissait quelque chose d’autre que ce qui est narré ? L’union d’un fils aimé et de sa mère coupable ? laquelle les voue, à terme, tous trois à la disparition : Augusta meurt à la fin du texte, Louis dans Les Mémoires de deux jeunes mariées, et Marie risque de ne pas faire long feu après la disparition de son épouse à la fin du roman.
Aussi bien, les personnages m’ont laissée indifférente. Seul m’a touchée l’amour de la maison, où Balzac séjourna avec Mme de Berny, sa première maîtresse et initiatrice, la dilecta, et qu'il envisagea d'acheter. Élégie en prose sur l'automne d'une femme et d'une passion ?

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