Vicki Baum - Lac-aux-dames

Bon, il va falloir faire quelque chose. Parce que la liste des romans que j’ai lus récemment s’allonge, et que mon Convolvulus déserté se dessèche comme après une attaque de désherbant… même si les conditions ne sont pas propices à l’écriture, allons-y.
Alors, pour commencer avec le sourire, Phébus, encore. L’autre samedi, en quittant le marché, je suis tombée devant la table du libraire, sur Lac-aux-dames de Vicki Baum. Un bouquin dont le titre – et le nom de l’autrice – avaient habité mon adolescence. Je l’ai toujours vu, familier, quelque part dans mon champ de vision, comme j’en entendais toujours avec plaisir les sonorités exotiques. Je savais, aussi, que Colette avait fait les dialogues du film que Marc Allégret en avait tiré. J’ai dû lire ça quelque part dans sa correspondance.
Mais je ne l’avais jamais lu.
Alors, ce samedi-là : jolie couverture, comme souvent, genre dessin de mode et de plage, années 30, et puis surtout, en ouvrant le volume, le sous-titre : « Roman gai d’amour et de disette ». C’est irrésistible !

Dès la première ligne, le héros, Urbain Hell, descend du train de Vienne, pour se rendre tête nue (il n’a pas de chapeau), et chaussé de neuf, à travers un chemin boueux, au lac tyrolien où il doit exercer cet été-là ses talents de maître-nageur. Si ce n’est qu’il ne cesse de pleuvoir, et que l’eau est gelée. Accompagné d’un petit gars auquel il a donné son unique morceau de chocolat, Hell, qui est ingénieur et vit dans l’espoir toujours déçu de recevoir des nouvelles d’une invention révolutionnaire qui assurera sa fortune, Hell donc fait connaissance, à plat ventre sur la digue, « pareil à une tortue » sous son sac tyrolien, avec les eaux traîtresses du lac, « un rusé, un sale hypocrite », selon les termes du gamin. C’est là aussi et dans cette position pour le moins incommode, qu’il rencontre « deux jambes de jeune fille qui se perdaient juste au-dessus des genoux minces dans l’ombre d’une jupe de sport » et deux yeux bruns qui lui provoquent « une sensation de douloureuse douceur au creux de l’estomac ». L’intrigue est en route (page 3).

Mal logé par son patron dans un minuscule réduit désaffecté, sans cesse tenaillé par une faim dévorante, Hell, qui est un très beau garçon, révolutionne les dames du lac, mariées ou jeunes filles, touristes comme filles du cru, parmi lesquelles la délicieuse, enfantine, fantasque Puck de l’autre rive, Puck du « Pays des Tulipes », fille d’un baron philosophe et d’une diva neurasthénique, qui l’a sauvé de l’épuisement lors de sa première traversée du lac.

Natation, faim, pluie et désir… et l’attente lancinante de l’enveloppe qui ne vient pas, Hell, toujours plus gauche, fauché, efflanqué et malchanceux au fil de l'histoire, manque d’y laisser la peau. Au bord du lac, entre Banalie et pays des Tulipes, il accomplit en un été toutes les étapes d’un roman d’apprentissage.

C’est merveilleusement léger, allègre, élégant. Érudit sans y toucher, souriant, délectablement savoureux et tonique.

Commentaires

1. Le jeudi, novembre 6 2008, 17:30 par Nachin

Que c'est bien dit et cela me rajeunit car je l'ai lu il y a des décennies et je l'avais oublié.

2. Le samedi, janvier 31 2009, 02:01 par sandrine

n'hésitez pas a vous équiper d'un lexique wow, j'ai du mal à comprendre, j'avoue :) en tout cas merci pour ce billet intéressant ! c'est toujours sympathique de passer sur ce blog :)

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