Le Canapé rouge - Michèle Lesbre

Je n’ai pas DU TOUT aimé ce roman. J’aurais bien voulu. On m’en avait fait l’éloge, le titre sonnait bien. Je l’ai lu à contrecœur, avec irritation, dès les premières pages.
La narratrice, une femme vieillissante, un peu évanescente, exilée des idéaux de sa jeunesse militante par la force de l’Histoire, est partie sur les traces à demi-effacées d’un amant d’autrefois, ami d’aujourd’hui, qui s’en est allé faire du théâtre et fabriquer des cerfs-volants dans une bourgade des rives du lac Baïkal. Sans nouvelles de lui depuis plusieurs mois, elle a quitté Paris, les revues où elle écrit, et la vieille voisine au canapé rouge, pour embarquer dans une sorte de Transsibérien omnibus, jusqu’à Irkoutsk.

Rencontres au fil du voyage, en pyjama dans son russe hésitant, allers-retours du wagon-couchette au wagon-restaurant, du présent au passé, des hommes d’aujourd’hui à ceux d’autrefois, sa vie mêlée à celle de Clémence, la modiste qui malgré la perte de son amant à dix-neuf ans a traversé la vie en souriant jusqu’au canapé rouge qui l’ancre sur les rives d’une mémoire défaillante….

Il y a des silhouettes pittoresques et souvent pathétiques, des histoires, celles des femmes libres et insolentes qu’elle raconte à Clémence ou à ses lecteurs, celles qu’elle prête aux voyageurs de rencontre… et des avalanches de citations : sur les 140 pages de ce très joli petit volume – chez Sabine Wespieser, format presque carré, fond beige clair liseré beige plus foncé, auteur et titre sur bandeaux sobrement colorés – on croise, après les deux épigraphes, (Luc Dietrich, Anna Maria Ortese), Jankelevitch, Dostoïevski, Iouri Bouïda, Milena Jesenska (une de ses belles rebelles), Michel Strogoff, Medvellin, Tarkovski, Maïakovski, Anna Prucnal, Claude Roy, Olympe de Gouges (autre belle favorite), Pessoa, Antonioni, Vaillant, Cézanne…. ! J’arrête - à peine à la moitié. On crie grâce. Comme si l’on offrait au lecteur la biblio-disco-filmo-pinacothèque idéale du militant humaniste, pour ancrer en certitudes l’incertitude qui est la trame même du livre et du personnage, comme si sa fragilité profonde ne se pouvait dire qu’à travers des vérités éprouvées, égrenées, assenées. Ça ne sonne pas juste. Aucun travail d’effacement, ni de suggestion : une litanie de noms, d’allusions, de références, tout est explicite, et pourtant muet : « la radio diffusait un vieil air de Joe Dassin chanté en russe ( !) ». Joe Dassin est mort en 80, c’est forcément pas du récent, mais quel air ??? On n'entend rien ! (Il est vrai que J. D n’est pas un chanteur-phare des années militantes…) et puis, outre des tics d’écriture qui ne m’ont pas séduite, cette exaspérante tournure d’inspiration psy, caractéristique de la langue orale contemporaine : « être dans » : « je ne savais plus être dans cette perpétuelle quête »…, « j’étais moins dans le chagrin que dans la certitude d’avoir à comprendre son geste… » Grrrrr ! Quant à moi, je suis restée en dehors de cette histoire flottante, entre plusieurs sièges, plusieurs styles, plusieurs lits.

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