Zoli - Colum Mac Cann

je m'en suis accordé la lecture, parce que la couverture, depuis longtemps, me faisait de l'oeil. Une silhouette tourbillonnante de gitane saluant sur fond neigeux...et un titre, mystérieux et sonore.

C'est un beau roman, prenant. L'histoire d'une enfant rom, en Slovaquie, années 30, qui survit avec son grand père au massacre de sa famille, brûlée sur un lac gelé par la Hlinka, image terrible des roulottes s'enfonçant dans l'eau glacée à la lumière des feux qui les cernent. C'est le premier deuil, la première marque indélébile qui unit le destin de Zoli à celui de son peuple errant.

Mais Stanislaus, le grand-père de Zoli, est un drôle de type : il lit Le Capital, laisse sa petite fille - qu'il a doté d'un nom de garçon - apprendre à lire malgré les tabous. Il l'élève librement, et la marie à une homme de bien, qui à son tour laisse éclore ses talents de chanteuse, et surtout de poétesse : elle est celle qui transmet la mémoire des textes immémoriaux en y insufflant sa parole propre et le regard qu'elle porte sur son peuple.
Zoli devient alors en quelque sorte la voix autorisée de l'intégration des Roms au peuple communiste, épaulée par le poète Stransky et son ami le traducteur anglais Swann. D'infractions en transgressions, Zoli, maîtresse de Swann promue ethnologue et poétesse officielle voit son peuple floué, dépossédé de ses roulottes - les roues brûlées - de sa parole et de ses instruments de musique, contraint et enfermé dans des tours de béton. Son peuple, qui la bannit. Devenue impure, Zoli connaît la déchéance absolue, l'abjection et la misère les plus intenses. Jusqu'à renaître, tant elle est habitée par la vie.
Une partie du roman est une adresse à sa fille, et le roman se clôt à Paris, en 2003, sur les retrouvailles de la fille et de la mère, l'une devenue en quelque sorte une rom officielle, attachée à rendre à son peuple une dignité et une présence politique, l'autre arc-boutée dans son refus définitif de faire renaître son passé de poétesse.
Le roman se borne à conter, au plus près de ce que l'auteur a pu saisir de ses personnages et des peuples tziganes: il y a la voix d'un journaliste, aujourd'hui, qui a pris le relais de Swann dans sa quête de Zoli disparue, celle de Swann, qui est, somme toute, un pauvre type éperdu et minable, et celle de Zoli, qui clôt le roman sur un pointillé d'espoir et de musique.

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