Bon,
j'arrête avec la sélection du Goncourt. Je cale après plus de 100
pages d'Arden,
de Frédéric Verger, et après avoir grappillé dans les 400 suivantes,
sans véritablement tomber sur le « début » de l'action.
Arden, la « révélation » de la rentrée
littéraire, dont l'auteur était lui aussi présent à la rencontre de Lille. Un type peu disert, peu soucieux de répondre aux rares
questions qui lui étaient posées, comme s'il ne s'adressait pas à
son public. Que dire de son roman, pour le peu que j'en aie lu, et
que j'en lirai, car pourquoi continuer à m'ennuyer ?
Encore
un livre très écrit, très imprégné de Proust, et de Nabokov,
qu'évoque d'emblée le titre Arden, pour les lecteurs d'Ada
ou l'ardeur, avec son domaine d'Ardis, coupé du monde par une
forêt aux airs de conte. Une forêt d'Ardennes (l' « Arden »
d'As You Like It) mâtinée d'Ardis. Si l'on fait lisière de cette propension
récente au pastiche tous azimuts dans une certaine littérature
française – il y a ça aussi dans Il Faut beaucoup aimer les
hommes de Darrieussecq, dès le titre, et ça continue comme du
Duras, phrases et situations, mais j'ai très vite laissé tomber, à
quoi bon, parce qu'alors question niaiserie prétentieuse, ce
roman-là mérite le pompon ! -, c'est plein de bonnes idées, Arden,
de personnages savoureux et excentriques au premier rang desquels
« mon oncle », « Alexandre de Rocoule, rêveur,
valseur et fornicateur », Irena son épouse fantomatique et
neurasthénique, les maîtres du Grand Hôtel d'Arden. Et puis
Salomon Lengyel, acolyte d'Alexandre en composition forcenée
d'opérettes (52) toujours inachevées faute de pouvoir s'accorder
sur une fin satisfaisante, sa fille la brune et fascinante Esther, et
la farandole d'employés de l'hôtel aux airs de personnages
d'opérette à moins que ce ne soit le contraire. Arden, forêt du
territoire de Marsovie emprunté à La Veuve Joyeuse de Franz
Lehár, dont les librettistes étaient juifs et qui essaya, en vain,
de mettre à leur service sa popularité auprès du régime nazi.
C'est à peu près ce qui se passe dans la seconde partie du roman –
où commence-t-elle ? dans le bloc compact que constituent les 460
pages qui suivent le prologue « autobiographique » du
narrateur, 460 pages sans pauses, sans sections, sans même de blancs
typographiques, seulement ponctuées çà et là d'insertions telles
que récit romancé traduit du yiddish de l'idylle d'Alexandre et
d'Irena, ou arguments de nombre d'opérettes : Loth s'amuse, Harry
& Cie, Chevalier Fantôme...
Bref,
on l'aura compris, Arden est
un roman très érudit, bourré de références et de clins d'œil à
tous les étages. Une histoire placée sous le signe de la légèreté
comme mode de résistance à la plus lourde des oppressions, et un
hymne à un art désormais presque oublié alors qu'il était, dans
ma jeunesse, si présent sur France Musique, avec par exemple les
Concerts-Promenades d'Adolphe Sibert, et qu'il fut si représentatif
d'une certaine gaité française, et peut-être même européenne.
Pourquoi alors abandonner la lecture d'un ouvrage si allègre dans
son propos, son regard sur le monde, sur l'histoire, les livres, la
musique ? Eh bien, parce que c'est trop long. Parce qu'il y a trop
d'allusions, trop de clins d'œil, trop d'effets et de virtuosité
stylistique, architecturale, narrative. Et que le résultat en est,
paradoxalement, pénible. Faute, me semble-t-il d'un éditeur
exigeant, qui ait su obtenir de son auteur des coupes, que diable !,
pour éviter au festin de se transformer en grande bouffe et au feu
d'artifice de tourner à l'incendie. Tel qu'il est offert, infligé
plutôt, à ses lecteurs, et c'est dommage, Arden est
un pavé compact, une bavarde et interminable fantaisie.
mardi, octobre 29 2013
Frédéric Verger - Arden
Par Agnès Orosco le mardi, octobre 29 2013, 13:22 - Pavés