Comme de lire pendant une insomnie Le Moral des ménages d’Éric Reinhardt.
Un type qui a indéniablement du talent. Celui en particulier de conjuguer en un monologue intarissable (intérieur ? j’espère parce que si c’est ce genre de propos qu’il tient à ses innombrables et anonymes – quoique prénommées – conquêtes, on comprendrait qu’elles se sauvent, même s’il baise comme un dieu) une évocation fulminante de la vie médiocre d’une famille de la classe moyenne – celle de Manuel Carsen – et la conjoncture économique des années Giscard et après. Fureur du rejeton envers ses parents dévorés par le souci de l’épargne et la terreur du danger, récit rageur des échecs professionnels du père (petit, écrasé, servile), de l’obsession morose de la mère pour le ménage, le commifaut, le camembert plâtreux de la semaine, délires fantasmatiques : l’assassinat à petit feu de Michel Delpech pour avoir commis ''le Loir et Cher'' (la mélodie m’est revenue à lire les paroles du refrain, j’ignorais même que tel en fût le titre), l’enfermement kafkaïen du père dans un placard, et les pages et les pages de branlettes et / ou de rencontres sexuelles imaginaires ou réelles. Un art du catalogue, de l’énumération, de l’invective, savant dosage de Céline et de Lautréamont, frappé au coin d’un indéniable sens de l’observation fielleuse et de la formule idem.