Mais bon sang, ils peuvent pas dire « clinquant »
au lieu de dire « bling-bling » ????? - « en toc, tape-à-l’œil,
tapageur(-se), maniéré(e), prétentieux(-se), factice » ????? Ni
« défi » au lieu de « challenge » - qui au passage est
un mot issu de l’ancien français, lequel est lui-même issu du latin
« calumniare »,
marrant, non ?
On leur apprend pas non plus le vocabulaire, dans les
écoles de journalisme ? Ce matin, c’est à propos de cuisine, dans
l’émission « On va déguster » sur France Inter. Que j’écoutais après
« Eklectik » de Rebecca Manzoni/ Jacques Audiard, en me disant que
France Inter proposait désormais des émissions de grande qualité, construites,
documentées, inventives, avec des voix de radio [des fois, il y a la voix sans
la qualité : la minaudière, frétillante, inquisitoriale, arrogante,
paternaliste, insupportable Pascale Clark, par exemple], alors que France
Culture avait perdu cette touche de la voix, qui était, avec la passion de
transmettre de ses producteurs(-trices) d’autrefois, sa griffe. Donc Rebecca
Manzoni, avec sa voix, son sens du silence, son attention aux gens qu’elle
interviewe, la connaissance et le respect qu’elle a de leur travail. Et la
façon qu’elle a de les rendre intéressants, de les transmettre, en somme, même
quand a priori ils ne font pas partie des références de l’auditrice que je
suis. Joey Starr, par exemple, que j’ai écouté presque à mon corps défendant
(mais avec intérêt)… (mais pas Annie Ernaux, non, au-dessus de mes forces).
Jacques Audiard, c’était un bonheur, avec sa diction trébuchante, sa modestie,
et cette passion de la forme juste, qui lui a fait peupler sa « minute de
solitude » conclusive par la lecture d’un passage de « Forme et
signification » de Jean Rousset, consacré à Flaubert, par lettre à Louise
Colet interposée. Sur l’art de faire tenir ensemble, dans une forme de
déséquilibre, de beaux passages fignolés, puis défignolés. Alors, si les hôtes
d’ « On Va déguster » ont la passion de la bonne cuisine, des
produits goûteux et du terroir, que ne l’expriment-ils dans une langue
elle aussi ancrée en terroir, en archaïsmes, savoureuse, en somme ? Au lieu de
parler de « cuisine bling bling » !
Il y a un autre mot qui florit par les temps qui courent dans les propos moutonniers des journalistes et autres chroniqueurs. De « marinisme » ou « mariniste », pour ma part, je ne connaissais que la langue affectée, précieuse, maniérée (presque une anagramme) du Cavalier Marin, Giambattista Marino, dont l’« Adonis », offert à Louis XIII en 1623, bouleversa l’Europe galante et précieuse du XVIIe. (C’est l’une des sources de L’Adonis de La Fontaine, dédié à Fouquet). Poète brillant, le Cavalier, est quasiment le vulgarisateur du concetto, la pointe ou chute galante qui irrite tant Alceste dans le sonnet d’Oronte…