C’est un grand type dégingandé avec les cheveux en pétard, un petit air d’épouvantail à moineaux bonhomme, un accent belge marqué, une diction parfaite. La voix paisible, il arpente une scène presque vide : seulement, côté jardin, une table, deux chaises, et sur la table, une bouteille d’eau minérale, une serviette de table blanche, un chapeau un peu écrasé. Devant son public, il va traiter du rire. C’est une master class, annonce-t-il. Rien que de très sérieux, donc. Prenant les choses au commencement, il évoque – et mime, sans jamais appuyer - depuis la cellule originelle, le lent redressement de l’homme jusqu’à la posture verticale et à l’équilibre. La posture verticale avec ses différents foyers, les genoux, le bassin, la poitrine, la tête, et les émotions y correspondantes. Docte et débonnaire, il établit le lien entre verticalité et dignité, laquelle se disloque au moindre déséquilibre, au moindre faux-pas, démonstration à l’appui. Depuis longtemps, le public a cessé de ressembler à un public de conférence. Hilare, béat, suspendu aux lèvres et aux gestes de l’orateur, il éclate de rire, par salves, de plus en plus fréquentes, houleuses, prolongées, cependant que sur la scène, le rythme des gags s’accélère, le corps se désarticule, se dérègle, souligné d’irrésistibles mimiques qui ponctuent l’imperturbable commentaire. En une heure environ, on passe des origines de la vie à une galerie d’Art Moderne où « l’œuvre » à tout le moins déconcertante (et totalement imaginaire) voit défiler devant elle, après l’homme, la poule, la vache, le chien, et même le poisson perplexes. Ajoutez à cela un cours complet sur « l’accident », une chaussure animée d’une vie propre et la collaboration de deux comparses… quand ça s’arrête, on a le visage fendu d’une oreille à l’autre, les yeux pleins de larmes, le nez en mode rhume, et on en redemande.