William Wyler - Vacances Romaines (1953)

Dans Vacances Romaines, la princesse Ann rêve de "pajamas", avant de revêtir, quelques heures plus tard, ceux de Gregory Peck. Ça m'a beaucoup surprise, j'avais appris "pyjamas"...



Je n'avais pas écrit ici que j'avais regardé Vacances Romaines. Roman Holiday. Deux fois, en anglais. Avec Audrey Hepburn, irrésistible en jeune princesse d'un pays non répertorié, que sa tournée européenne a conduite à Rome - et au-delà de la contrainte supportable : interminables stations debout sur escarpins, interminables saluts et formules de politesse ressassées, interminables bals protocolaires avec fossiles divers, inlassable surveillance de la Comtesse et du Général, sempiternelle chemise de nuit vieillotte et collet monté, verre de lait et cracker du soir...... la voilà enfuie nuitamment, et retrouvée endormie sur un bord de mur le long du forum - temple de Saturne, temple de Vespasien, arc de Septime Sévère - par un Gregory Peck amusé, ému, irrité, perplexe, et charitablement obligé de l'embarquer en taxi jusqu'à son perchoir, via Margutta 51, volées d'escaliers, plantes grimpantes le long des rampes. Bougainvillées ? plumbagos ?

Dans l'appartement, perché sur les toits de Rome, voix pâteuse : "- Is this the elevator ? - It's my room."

Et un peu plus tard : "- This is very unusual. I have never been alone with a man before, even with my dress on. With my dress off, it's most unusual. (Petit rire). I don't seem to mind ! Do you ?"
Plus tard encore, cette merveilleuse réplique de la prétendue Anya, toujours cérémonieuse, à Gregory Peck – Joe Bradley la quittant pour aller boire un café, le temps qu'elle revête les fameux "pajamas", geste altier, pirouette chancelante : "You have my permission to withdraw."
Jupe dansante (c'est une jupe "soleil", je pense, un rond parfait), taille de guêpe, cheveux longs sagement tenus par des barrettes mais bientôt ratiboisés (- All Off ? demande deux fois le sémillant coiffeur que l'on retrouvera sur un bal flottant au bord du Tibre, - All off, répond la princesse déterminée). La sage écharpe nouée autour du cou bientôt remplacée par un un petit foulard de vichy, voici la princesse lancée dans l'exploration de la vraie vie – une vie rêvée -, en compagnie de Bradley, jambes interminables, sourcil gauche en accent circonflexe, et de son copain Irving, armé de son briquet photographique, car le journaliste a fini par comprendre qui était son invitée nocturne et mitonne son scoop. La cavalcade en Vespa, à travers une Rome de cartes postales allègrement filmée, comme passagère puis comme chauffarde radieuse, en est le pont d'orgue.

C'est le premier grand rôle d'Audrey Hepburn au cinéma ("Introducing Audrey Hepburn", annonce le générique). Elle y est merveilleuse, d'élégance physique, de grâce, d'ingénuité, de drôlerie. Son sourire et son rire sont à fondre. C'est un film délicieux, tout vibrant de joie de vivre et de talent : celui des acteurs, tous (la logeuse furax agonissant en italien la jeune dévergondée qu'elle vient de trouver dans la salle de bain de son locataire, et la menaçant des gifles que sa mère ne lui a pas données !), celui du réalisateur, celui des scénaristes, John Dighton et Dalton Trumbo, lequel, inscrit sur la liste noire d'Hollywood, y fut longtemps présent sous la seule forme, clandestine, d'un poème non-crédité : "If I were dead and buried and I heard your voice /Beneath the sod, my heart of dust would still rejoice", déclamé à l'orée de sa rencontre avec Bradley par la princesse ("Si j'étais morte et enterrée, d'entendre ta voix,  / mon coeur de poussière sous le gazon se réjouirait encore".) Poème qui anticipe un flageolant débat, un peu plus tard, sur la paternité de trois vers assez chichiteux et tout cliquetants d'allitérations : "Arethusa arose / from her couch of snows / In the Acroceraunian mountains" Shelley, finalement, comme l'affirmait Bradley, et non Keats, selon la princesse...
"– You just keep your mind off the poetry, and on the pajamas. Everything will be all right.
 – Keats.
 – Shelley. I'll be back in ten minutes
."

Où l'on voit que les dialogues, aussi, sont particulièrement divertissants. Film à ranger, d'urgence, dans la catégorie des ouvrages reconstituants, de ceux qui, l'espace d'un instant, vous rendent le sens de la beauté, et de la grâce.

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