Daniel Chavarria - La Sixième île

Il y a trois histoires qui se juxtaposent. L’une, la première, concerne la fondation dans les années 20 et l’expansion, commerciale puis très rapidement politique, de l’entreprise ITT (International Telephon and Telegraph), autour des ses deux premiers PDG Sosthenes Behn, puis Harold Geneen.

A cette histoire se rattache celle de Lou Capote, brillantissime homme d’affaires d’origine sicilienne, et pervers fétichiste qui ne peut trouver de plaisir qu’en arrachant à ses épouses puis aux prostituées qui leur succèderont un uniforme de collégienne, dans un bunker, devant une copie de la Mort de la Vierge de Mantegna.

La seconde est une autobiographie à la première personne, écrite par Bernardo, un orphelin, brillant élève des Jésuites, sous forme de longues lettres adressées à un certain Carlos, ou Carlitos, dont on découvrira par la suite qu’il s’agit du père Castelnuovo, qui fut son mentor dans sa jeunesse, et le reste, par correspondance, tout au long de sa vie.

La troisième est la confession écrite, adressée à partir de juin 1628 au moine dominicain frère Jeronimo de las Munecas par Alvaro de Mendoza, cadet de famille hispano-néerlandais devenu chevalier d’industrie, grand voyageur sur terre et sur mer, de l’Occident à l’Orient, gitan, voleur, assassin, pirate, polyglotte et érudit sans loi et avec quelle foi ?

Naturellement, le tressage de ces trois histoires apparemment sans lien a quelque chose de très surprenant, au départ, et puis on se laisse prendre à chacune d’entre elles, au fur et à mesure qu’elles prennent de plus en plus d’expansion, et qu’on se demande bien comment on va raccrocher les différents éléments. La confession d’Alvaro de Mendoza, par exemple, toujours plus picaresque, égare et dépayse le lecteur, qui ne manque pas cependant de s’aviser que les talents de rédacteur de feuilletons de Bernardo Pietrahita entretiennent quelque parenté avec le récit sus-évoqué, de même d’ailleurs qu’avec la propre inventivité débridée de Daniel Chavarria, l’Auteur soi-même ! Escroqueries de tout poil, enlèvements, espionnage, fictions enchâssées à tous les étages, il arrive que l’on s’y perde, et il me reste quant à moi quelques perplexités annexes, quant au rôle joué par exemple par l’ex-épouse de Lou Capote dans des développements que je n’évoquerai pas pour ne pas vendre quelque mèche que ce soit.

Retors, épique, roublard voire tortueux, érudit en diable (au passage, si je n’ai pas remis les yeux sur une citation  rencontrée en cours de lecture, je signale au traducteur que « le Mantouan » n’est certes pas un obscur poète du XIVe siècle, comme l’indique la note en bas de la page 437 mais Virgile soi-même, tout simplement), ce roman, écrit par un professeur de littérature classique d’origine urugayenne – comme Bernardo – devenu un cadre de la révolution cubaine après détournement d’avion ! – ma source est ici - mériterait de plus amples et plus subtils développements. Que je n’ai ni le temps, ni le cœur de faire, alors voici.

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