Henning Mankell - Le Fils du vent

Voilà, j’ai terminé Le Fils du vent, avant même l’aube, dans ce train qui s’arrête dans toutes les gares. Dommage, il va  falloir que je le trimballe comme un poids mort, à une heure de lecture près. C’est un très beau roman d’Henning Mankell, qui, malgré la présence d’un meurtre dans le prologue (il y a presque toujours des prologues dans les romans de Mankell), n’a rien d’un polar. Ce serait plutôt une tragédie. Entre le désert du Kalahari et les étendues boueuses de la Suède, c’est l’histoire de Daniel, enfant noir ‘adopté’ par Hans Bengler, un entomologiste suédois plein d’intentions confuses, qui a ramené de sa première expédition au Kalahari - en quête d’une mouche inconnue destinée à assurer sa gloire posthume - cet enfant trouvé dans le désert parmi les membres massacrés de sa tribu. Tout le séjour de Molo devenu Daniel en Suède est raconté à travers le regard de cet enfant habité par la présence et les voix de ses parents morts, par lesquels il essaie de lire la réalité incompréhensible d’un monde placé sous le signe du froid, de la boue, et des désirs interdits par le luthéranisme ambiant. Dans cette fin du XIXe où s’imposent les thèses racistes à la Gobineau, rares sont les hommes – ou les femmes - assez bienveillants pour saisir de quel arrachement, et combien cruel et absurde, Daniel a été victime, et pour tenter de comprendre les silencieux chemins de sa psyché. Si ce n’est que les deux traductrices ont laissé passer une énorme bourde (p 143 : « Peu à peu, l’homme recouvrit son calme » Aargh !!! ‘recouvra’ !) la traduction restitue avec fluidité cette histoire d’incompréhension réciproque entre deux cultures. Combien étroite, étriquée était la faculté de compréhension du monde dit civilisé à l’égard du monde dit sauvage ! De quelle brutalité, de quelle cruauté il était porteur pour le Hottentot ingénu dont Mankell imagine, de façon tellement saisissante, la misérable odyssée. Loin de la causticité de Voltaire, ou de tout militantisme démonstratif, ce roman offre, dans son ultime chapitre, et par son écriture même, une forme de réparation humaniste aux malentendus et aux blessures de l’Histoire.

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