Un Kipling de derrière les fagots

C’est très amusant, Les Simples Contes des collines. Suavement grinçant, avec peut-être quelques afféteries somme toute excusables chez un jeune auteur de 24 ans. Je ne les avais jamais lus, je les ai trouvés hier dans le coin lecture perché des enfants - j’ignorais même que nous les eussions, dans la petite collection Nelson, tout auréolée de son prestige de réservoir à Dumas et autres Hugo, Rosny Aîné, Lichtenberger, Stevenson, ou la Baronne Orczy et ses Mouron Rouge !!!

La traduction est infâme, une brochette de fautes de subjonctif imparfait dès la première page, une « flirtation » qui m’a arraché les yeux, même si le mot est attesté chez Mérimée, des coquilles à la pelle, mais qu’importe : le papier est délicieusement jauni, le format idéal, et ces petites histoires cruelles dessinent la comédie humaine de Simla, petite station des contreforts de l’Himalaya réputée pour la qualité de son air, où vivent dans une indolence toute coloniale des compagnies de soldats et d’officiers anglais mêlés à des planteurs et à diverses populations locales – et puis leurs fiancées, leurs épouses, et d’autres dames moins respectables, qu’elles soient du cru ou d’origine européenne. Ainsi de la charmante Mrs Hauksbee, qui n’a pas froid aux yeux, et que son goût de l’aventure n’a pas dépouillée de toute bienveillance. Héroïne d’au moins trois contes, pour le plus grand plaisir du lecteur. Il y a de terribles orages, de pluie ou de poussière, des aventures amoureuses de toutes eaux, et des histoires bien humaines, sans la moindre teinture de Livre de la Jungle, comme je le croyais. Des jeunes filles sentimentales ou entêtées, des jeunes gens souvent sots, niais, ou fats. Pauvre « jeune garçon » (ainsi le nomme-t-on), « lancé à l’aventure » !  c’est sans doute la plus cruelle de ces histoires. Il y a un petit avant-goût de Saki, dans ce recueil, (en fait les deux écrivains sont quasi contemporains), en moins cinglant. Les personnages sont des types parfois à peine identifiés par un patronyme que je subodore souvent ironique. Le titre anglais est amusant, Plain Tales of the Hills, avec le jeu d’opposition entre Plain et Hills, et il semblerait que Nelson n’en donne qu’un florilège, car il y aurait quarante nouvelles, m’annonce le wikipedia anglais. A peine ouvert, le volume était déjà achevé au coin du feu. C’est une parfaite lecture pour cerveaux épuisés, en cette fin d’année humide et brouillasseuse.

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