Olivier, de Jérôme Garcin,

entendu à la radio, dans une des nombreuses émissions où il a été reçu pour évoquer ce bref opuscule autobiographique, lettre à son frère jumeau perdu, arraché par la voiture d’un chauffard aussitôt enfui, un soir d’été de 1962. Prêté, il y a peu, par mon amie Bénédicte, et lu aussitôt, dans le train.

Livre de deuil, donc, deuil redoublé onze ans plus tard par la mort accidentelle de leur père, d’une chute de cheval.

« Depuis ce jour de Pâques 1973, j’avance dans l’existence à pas comptés, je suis escorté par deux ombres qui se ressemblent et dont, étrangement, il m’arrive de croire qu’elles sont jumelles. C’est comme si la mort avait aboli le lien qui unit le père et le fils pour établir entre vous deux une fraternité d’outre-tombe. Comme si, en vous unissant dans les ténèbres, vous me dédommagiez de ce que j’ai trop tôt perdu. Aujourd’hui, j’ai huit ans de plus que mon père mort et quarante-sept ans de plus que toi, mon frère jumeau. Chaque minute ajoute à mon sentiment d’être le rescapé d’un naufrage. Mais est-ce si enviable de survivre avec des cheveux blancs, le souci des jours qui s’en vont, le poids du passé qu’on traîne derrière soi, et la peur panique de l’accidentel qui frapperait les miens ? N’y a-t-il pas aussi un privilège à partir tôt, à n’être ici-bas qu’un passant pressé ? »

Méditation adressée, sur la gémellité, les livres, l’écriture, le destin, et dieu – ou  pas. Sur la prescience. Sur la solitude du jumeau délaissé devenu à la suite de son père un lecteur impénitent et un familier des – vieux – auteurs. Sur sa quête de la dualité fraternelle à travers le cheval (à la fois lié à l’absence du père et à une sorte de communion physique proche de la gémellité), et sur la fraternité avec Bartabas. Écrit dans une belle langue, souple, rythmée, savoureuse, pleine de l’écho des auteurs aimés. Une langue richement française, en quelque sorte, comme la campagne normande qu’il aime et où il se sent exister. Beau livre contre l’oubli, sincère, auquel, pourtant, je reprocherais parfois d’être un peu bavard, comme si la méditation s’égarait en conversation. Mais c’est véniel. Ce « petit tombeau de papier » mélancolique est un acte d’amour et d’offrande, à Olivier, aux siens, à nous.

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