Ailleurs dans la Prose, la déclaration pour Jeanne


Je suis couché dans un plaid
Bariolé
Comme ma vie
Et ma vie ne me tient pas plus chaud que ce châle
Écossais
Et l'Europe toute entière aperçue au coupe-vent d'un express à toute vapeur
N'est pas plus riche que ma vie
Ma pauvre vie
Ce châle
Effiloché sur des coffres remplis d'or
Avec lesquels je roule
Que je rêve
Que je fume
Et la seule flamme de l'univers
Est une pauvre pensée...


Du fond de mon cœur des larmes me viennent

Si je pense, Amour, à ma maîtresse;
Elle n'est qu'une enfant que je trouvai ainsi
Pâle, immaculée au fond d'un bordel.

Ce n'est qu'une enfant, blonde rieuse et triste.
Elle ne sourit pas et ne pleure jamais;
Mais au fond de ses yeux, quand elle vous y laisse boire
Tremble un doux Lys d'argent, la fleur du poète.

Elle est douce et muette, sans aucun reproche,
avec un long tressaillement à votre approche;
Mais quand moi je lui viens, de ci, de là, de fête,

Elle fait un pas, puis ferme les yeux- et fait un pas.
Car elle est mon amour et les autres femmes
N'ont que des robes d'or sur de grands corps de flammes,
Ma pauvre amie est si esseulée,
Elle est toute nue, n'a pas de corps -elle est trop pauvre.

Elle n'est qu'une fleur candide, fluette,
La fleur du poète, un pauvre lys d'argent,
Tout froid, tout seul, et déjà si fané‚
Que les larmes me viennent si je pense à son coeur.

Et cette nuit est pareille à cent mille autres quand un train file dans la nuit
-Les comètes tombent-
Et que l'homme et la femme, même jeunes, s'amusent à faire l'amour.

C'est le passage par un lyrisme d'inspiration classique - et terriblement trempé d'inspiration médiévale - qui va faire du "si mauvais poète / [qui] ne savait pas aller jusqu'au bout" le Blaise qui trouve au fil du voyage sa voix de poète Transsibérien, sorte de christ-Orphée du monde moderne, traversé par le rythme du train.

Le poème pour Jeanne sur les épreuves de la Prose, à la Bibliothèque Littéraire Doucet.

 

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