Minh Tran Huy – La Double vie d’Anna Song

J’ai entendu plusieurs fois cette jeune femme à la voix douce et à l’expression irréprochable (c’est un bonheur presque improbable aujourd’hui que d’écouter quelqu’un parler sans approximations ni tics linguistiques, sans « voilà » à titre de ponctuation de l’incertitude, ni d’ « être dans » - cette insupportable façon de « définir » ( ?) les contours de quoi ? d’un domaine de réflexion ? Bref, donc. Minh Tran Huy parle un français élégant, classique. C’est aussi le français qu’elle écrit, une langue recherchée, au lexique et à la syntaxe complexe, ça fait du bien.
C’est une histoire de passion et de mystification, entre deux personnes et trois continents. L’histoire d’une pianiste de génie entièrement fabriquée par le « rêve d’amour » d’un ex-enfant devenu homme et par la technologie électronique. Le roman alterne des articles de revues musicales avec le récit du mari d’Anna, Paul Desroches, amoureux d’elle depuis qu’enfant égaré dans la vie après la double mort de ses parents, il avait rencontré à travers elle la musique, la beauté, l’exotisme. Couronnés enfin par l’amour, le mariage, le bonheur, puis assombris par la maladie. Et voici que la discographie éblouissante d’Anna Song commence à exhaler peu après la mort de celle-ci un terrible parfum d’imposture.
Je ne dirais pas que j’aie été complètement séduite. Le texte a parfois un petit côté convenu – qui peut se justifier par la personnalité de Paul Desroches – mais quand même : il y a quelques passages qui relèvent de la pure carte postale, quelques tirades sur les communistes vietnamiens qui n’étaient pas forcément nécessaires. Une construction un peu systématique, aussi. Et les articles qui se succèdent touchent à l’exercice de style. Brillant, au demeurant. Mais enfin c’est un second roman, fichtrement bien mené jusqu'à la dernière page. Une émouvante confession à la gloire de la fiction, lorsqu’elle vient combler les manques et les douleurs du réel.

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