Jean-Louis Ezine - LesTaiseux...
Par Agnès Orosco le dimanche, décembre 27 2009, 16:16 - Littératures française et francophones - Lien permanent
... un livre bavard
Lu avec déception, et une certaine forme d’agacement croissant : parce que ce livre a été encensé, parce que semble-t-il Jean-Louis Ezine en parle avec une conviction communicative (je ne l’ai pas entendu moi-même), parce que mon amie Annie m’en a fait l’éloge ; lu avec en filigrane la voix de l’auteur, et de plus en plus au fil du texte, ce ton de raillerie mondaine que je l’ai tant de fois entendu adopter dans ses chroniques humoristiques du matin, puis du midi sur France Culture. Histoire d’une quête de paternité par un bâtard haï de son « père pour l’état civil », et qui le lui rendait bien, le livre se dilue en quête d’origines incertaines non moins que cosmopolites, placées sous le signe de coïncidences aussi étonnantes qu’un goût de la botanique (Allemand, le grand-père ?) ou de la course à pied (un tout jeune normand mort à l’orée de la guerre ?) ou encore de l’écriture et de la pensée spéculative (un archéologue écossais issu d’une famille d’écrivains philosophes ?). Le brio est indéniable, mais en fait de paternité celle qui parcourt le texte en filigrane avant d’affleurer explicitement est celle – littéraire – d’un autre bâtard de génie dont le goût pour la phrase sinueuse mêlant préciosité et familiarités populaires se retrouve en mineur au fil de ces pages : Aragon, qu’interviewa et côtoya assez intimement l’auteur. Qui en fait mention, comme de bien d’autres célébrités rencontrées ou effleurées / abordées / approchées au cours de sa vie, ce qui confère aussi au texte un petit air de name-dropping assez agaçant. J’ai trouvé que ce livre manquait de chair intime, de tact, de pudeur. Préféré son début, évocation d’une enfance difficile, perplexe, rêveuse et maraîchère, au lacis des références personnelles, topographiques, littéraires, qui diluent peu à peu l’intensité d’un manque qui se dit, et trahit aussi me semble-t-il ces "taiseux" auxquels il est rendu hommage. À traquer le père insaisissable et mythomane, c’est la mère qui se perd, au long de ce qui n’est bientôt plus qu’un récit hâtif d’enquête, terminé, comme toute bonne chronique, par une pointe. Soi dilué en bavardage mondain.Tant pis.