L'île au Trésor

Une auberge isolée sur la côte ouest du Pays de Galles, une île en forme de dragon dressé, dominée par la Colline de la Longue-Vue d’où l’on surplombe l’Îlot du Squelette. Le « Capitaine » Billy Bones, ivrogne à l’inquiétante balafre blême et au coffre mystérieux, échoué et caché à l’auberge de l’Amiral Benbow, l’aveugle Pew à la poigne de fer, Long John Silver l’unijambiste et son perroquet dont le nom commémore le Capitaine Flint, pirate illustre dont le souvenir est associé à un trésor fabuleux…

C’est L’Île au Trésor de Robert Louis Stevenson. Lecture d’enfance renouvelée parce que la bibliothèque de la maison qui nous accueille en recelait un exemplaire illustré – et, je pense adapté quoique rien ne l’indique, mais je ne retrouve nulle part l’épisode des perroquets de l’île sacrant comme des pirates – un « Grand Album des Deux Coqs d’Or », 1963.

L’histoire est contée par le jeune Jim Hawkins, le fils des aubergistes, consacrant par le passage à l’écriture son entrée dans l’âge d’homme. Il est l’un des héros de la quête du trésor, en compagnie du bavard squire Trelawney, du sage docteur Livesey et … de Long John Silver, engagé sur le schooner l’Hispaniola comme cuistot, virevoltant, la béquille au cou, sur sa jambe unique, dans sa cuisine étincelante.

Il y a donc des méchants et des gentils, des pirates et d’honnêtes gens, des bavards et des silencieux. Il y a la marque noire et le tonneau de pommes, une carte et un fortin, et la poétique guirlande des termes de marine. Il y a l’inquiétant refrain des quinze loups de mer sur le coffre du mort, du rhum à flots, de la poudre, beaucoup d’or.

Enquête et récit d’aventures, roman d’apprentissage obscur et angoissant comme un cauchemar, c’est mené tambour battant dans une langue à la fois riche et sans fioritures. La morale y est sauve, sans manichéisme. John Silver est un bandit sans foi ni loi, un pirate prompt au crime, qui pourtant contribue à l’éducation de Jim auquel il voue une sorte d’affection payée de retour. Je comprends que ce roman ait enchanté des générations de jeunes lecteurs : il y a tout ce qu’il faut, du récit à la première personne aux épreuves surmontées, pour captiver et emporter. Bones, Silver, Gunn, des ossements, de l’argent, de la poudre - et du noir, de l’or, du sang : les motifs et les couleurs d’un blason de l’imaginaire en ses désirs et ses terreurs. Mais le lecteur adulte n’y trouve ni mièvreries ni facilités, comme c’est si souvent le cas lorsqu’on relit des lectures d’enfance (o ma déception à la relecture des Cinq Sous de Lavarède de Paul d’Ivoi !). Stevenson, qui conta avec verve ses aventures et mésaventures avec l’ânesse Modestine sur ces chemins des Cévennes où je suis en vacances, Stevenson n’est pas un « auteur jeunesse ». C’est un génial connaisseur des facettes obscures de l’âme humaine que ses fictions déploient, étirent, tricotent tortueusement dans une langue pleine de clarté. Un classique, à lire et relire sans délai.

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