Milena Agus - Battement d'Ailes / Ali di Babbo*

Un an s’est écoulé et Milena Agus a écrit une nouvelle histoire. Que j’ai achetée, aussitôt que publiée. Et lue, à peine rentrée. Le livre qu’on ouvre sur un coin de table, en urgence, entre les courses et le repas du soir. Puis qu’on emporte au lit, au chaud, pour le finir.
Une histoire, c’est bien ça. Parce que ces livres, je les écoute tout autant que je les lis. Avec un sourire ravi de gosse affamée. C’est tout un univers déjà familier de gens un peu braques, éperdument excentriques et pourtant proches, sur fond somptueux de paysages sardes. Cette fois, c’est Madame, l’héroïne macca, scimingiada, évoquée par le regard d’une toute jeune fille, adolescente elle aussi un peu égarée, dans un maquis sarde éblouissant et menacé par les promoteurs.

Quelques maisons, les voisins bigots et pieux qui « ont autant d’enfants que Dieu le veut » et qui « s’en occupent, mais en général, pas en particulier », avec leur fils aîné qui joue du jazz à Paris, et on raconte à la grand-mère qu’il est « à la Sorbonne, en génie du bâtiment », et le petit dernier Pietrino, qui voit des pierres lumineuses sur les chemins ; et puis la famille de la jeune fille, le père disparu après avoir ruiné la famille, la mère alitée et neurasthénique, la tante qui écrit sur Leibniz et donne des conférences dans le monde entier, les quatre petites sœurs à peine esquissées, et le grand-père, caustique, furieux et généreux, prof de philo en retraite que son rationalisme sceptique ne met à l’abri ni du désordre, ni de la magie. Madame est «son meilleur ami».
Tout ce monde essaie de s’arranger avec la vie et sa pagaille, l’argent ou son absence (faut-il vendre aux promoteurs ?), et la question du bonheur : tout est-il pour le mieux dans le meilleur des mondes ? Les monades de Leibniz se promènent parmi les gâteaux sardes, l’amant premier, l’amant second et le blessé (amant troisième) de Madame, à qui sa bonté ardente et sa beauté ne garantissent certes pas une vie sentimentale paisible (elle a bien des traits de la grand-mère de Mal de Pierres, en particulier cette sexualité en quelque sorte « naturellement » sadique qui n’est pas l’une des moindres étrangetés de cet univers). Il y a aussi le coq, Niki niki, la jument, la voiture (la Ferrarina). Et puis le battement des ailes (des anges, du père ?), et surtout, les mots. Ce style limpide, fluide, oral comme celui d’un conteur, comme un courant de conscience mis en forme par la parole, qui affirme avec simplicité que les histoires sont le seul remède, la seule FORME possible face au dérangement universel.

«*Ailes de papa» (babbo est une forme dialectale)
http://www.lemonde.fr/livres/article/2008/02/07/milena-agus-j-ai-decouvert-que-l-ecriture-rachete-le-reel_1008422_3260.html

Ajouter un commentaire

Le code HTML est affiché comme du texte et les adresses web sont automatiquement transformées.

Fil des commentaires de ce billet