The Suit - Can Themba, Peter Brook

Pas un billet depuis plus de dix jours, et pourtant, ils ont été riches, en lectures, en rencontres. Mais le flot de la vie...

Il y a eu, au théâtre, The Suit, Le Costume, de Can Themba, mis en scène par Peter Brook, Marie-Hélène Estienne et le musicien Franck Krawczyk, en anglais surtitré - je m'étais greffée à une sortie organisée pour les élèves par les profs d'anglais. Trois comédiens, noirs, trois musiciens, blancs. C'est une brève et cruelle histoire, adaptée d'une nouvelle, et la narration est encore très présente dans le texte tel qu'il a été adapté pour la scène.

Sophiatown, Afrique du Sud, années 50. Philémon, qui est très amoureux de sa belle épouse Mathilda, la laisse chaque matin encore tout ensommeillée pour partir au travail, jusqu'à ce qu'il apprenne, par son copain et narrateur, qu'elle reçoit en son absence la visite d'un autre homme. Il arrive pour trouver le costume abandonné par l'amant fugitif. Et c'est ce costume, que pour la punir il impose comme un hôte réel à sa femme, qui donne son titre à cette histoire. Sur une vaste scène ponctuée de chaises de bois vivement coloré - bleu lavande, vert anis, orangé - et de portants qui, comme dans des jeux d'enfants, figurent à l'occasion un autobus ou une porte, ou soutenant une draperie orangée, délimitent la chambre ou l'appartement du couple, entrent et sortent le narrateur, le mari, l'amant, les copines de club de l'épouse (les musiciens coiffés d'un galurin, trois spectateurs piochés dans la salle et ramenés sur le plateau, et les personnages se multiplient sur la scène). Mathilda, une merveilleuse jeune femme aux cheveux ras, au visage éblouissant d'expressivité, pleine d'une grâce infinie – la valse avec la veste de costume qu'elle a enfilée d'un bras est un moment troublant d'illusion théâtrale et amoureuse – ponctue son douloureux itinéraire de pauses, chantées d'une voix nette et fragile à la fois, trêves envoûtantes dans l'inexorable marche de ce qui est devenu son destin, le destin de leur couple. Les musiciens, piano, guitare, trompette, ne quittent pas la scène. La pièce s'ouvre et se clôt sur la Sérénade de Schubert (« Leise flehen/ meine Lieder », pourquoi cette musique est-elle si déchirante ?), on saisit au passage Jeux interdits, tels standards de jazz dont je ne saurais pas donner les titres, et surtout les Strange Fruit de Billie Holiday, chantés avec un filet de voix. On voit Mathilda doucement éclore par le chant, dans sa robe corolle orangée, avant la chute, sobre et brutale. C'est un très beau spectacle, entre rire et larmes, sans pathos, chorégraphié dans ses moindres gestes, éblouissant de maîtrise partagée.

Quelques très belles photos ici.

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