Du vent dans mes mollets - Carine Tardieu

Il y avait eu la bande annonce au cinéma, où une petite fille au regard grave et qui n’en pensait visiblement pas moins récitait à sa mère – Agnès Jaoui, attentive, approbatrice - une diatribe contre les poupées Barbie ; et les bêtises enchaînées en cascade avec une autre petite fille à couettes brunes, délurée et pleine de vie. Il y a eu, la semaine dernière, la chronique du Toutologue, où Philippe Meyer faisait du film un éloge dithyrambique et convaincu (oui, parce qu’il y a des éloges dithyrambiques qui NE PEUVENT PAS être convaincus, voir infra, à moins que leur auteur ne soit frappé d’imbécillité. Peut-être, après tout ?). Et puis il y a eu l’urgence, puisque le Gaumont d’Amiens (l’un des plus chers et plus laids cinémas de France) ne l’affichait plus qu’à certaines heures, dont la dernière hier après-midi[1]. Je suis donc allée voir Du vent dans mes mollets, de Carine Tardieu, d’après le roman de Rafaëlle Moussafir, partie prenante dans l’adaptation.

Le genre de film selon mon cœur. Avec des gens foutraques, tourmentés et chaleureux, un couple sur le retour - Denis Podalydès et Agnès Jaoui -, la mère de madame - Judith Magre quasi muette, dévorée de rides, l’œil charbonneux sous ses cheveux teints en noir intense, la sentence rare et caverneuse - et la petite fille, Rachel comme il se doit, étouffée entre maman séfarade dont les boulettes de viande sont un poème gustatif, et papa ashkénaze, le seul de sa famille polonaise à être rentré d’« Osvitch ». Il y a encore Isabelle Carré « avec [ses] deux mains gauches et [sa] voix à tomber par terre », son sourire juvénile et chaleureux, sa hardiesse maladroite ; et puis Isabella Rossellini, incroyable en psychanalyste aux cheveux plats et au visage étrangement paisible et immobile, mais au regard pénétrant. « C’est pas le rôle le plus glamour que j’aie pu interpréter », a dit Agnès Jaoui lors d’une interview télé… c’est sûr !!! Colette Gladstein est une mère juive suffocante d’amour, de craintes et de certitudes. Entre ses robes mémère et son masque de nuit aux étranges yeux de quoi - de raton laveur ? et au regard de cocker, elle incarne avec une très grande justesse son personnage de mère paumée et bancale. A vrai dire, je la trouve merveilleuse. Mais tout le film est filtré à travers le regard des enfants et en particulier celui de Rachel, submergée par l’angoisse de la mort, qui dort avec son cartable et subit les retards incurables de sa mère, les remarques acerbes et cassantes de son institutrice et guette avec un miroir le souffle de sa grand-mère. Il y a encore un vieux monsieur noir qui a une tumeur à l’œil (Colette est ophtalmo), je ne sais pas qui est l’acteur mais il est épatant ; il y a surtout des dialogues cocasses et enlevés, un mélange toujours juste de rire et d’émotion, un rythme parfaitement mené, allègre, sans temps morts, et le sens du gag. La réalisatrice est modeste, sagace et charmante. L’ensemble, malgré la gravité du sujet et des moments très douloureux, est tout rayonnant de vie, de vitalité, d’amour.

Je m'aperçois que je n'ai pas écrit combien les deux petites filles (choisies parmi un casting de 500 candidates !) jouent juste et crèvent l'écran.


[1] Non, ça joue encore, mais à 11h et 14 heures !

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