Retrouvailles

Eugénie Grandet. Ma première lecture de Balzac, il y a bien longtemps, en 4ème. D’abord rebutée par les longues descriptions initiales, de Saumur, de la maison du Père Grandet, de la porte d’icelle, de la salle sinistre où l’on reçoit les hôtes… interminables pour la dévoreuse de romans d’aventures que j’étais. Puis sous la conduite lumineuse de notre professeur, Andrée Ferrier - hommage à elle toujours vive en sa maison d’Allauch - la découverte de l’univers de Balzac, comédie humaine et déchiffrement du monde. Balzac auquel je reviens encore et encore, avec des éclipses toujours plus brèves. J’en ai lu des milliers de pages depuis, mais c’est la première fois, depuis près de 40 ans, que je revenais à Eugénie Grandet. J’y ai retrouvé mon plaisir d’adolescente intact, ou plutôt exalté par la connaissance des autres textes, et le regard critique.
Magnifique portrait de femme, sombre et lucide étude de famille, et le personnage de l’avare toujours plus obsédé par son or, toujours plus clairvoyant grâce à son or. La scène vibrante de tension dramatique où la fille s’oppose à son père à propos des doublons disparus, récit et dialogue, tellement intense ! Comme dans les repas cuisinés par "la grande Nanon" - autre souvenir vivace - il n’y a pas de gras.
La meute des citadins de province, cruchotins et grassinistes, accompagne de son chœur intéressé le destin tragique de cette vierge post-révolutionnaire, condamnée par la fortune et la passion de son père. Et en sourdine, le combat entre deux forces toutes-puissantes : Dieu et l’Or. Il n’y a pas un personnage, pas une parole, pas même une description de trop. Un roman classique.

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