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Mardi 19 novembre 2013, en salle Imago Mundi du lycée Pierre d'Ailly, première Rencontre : Michel Crépu, alors directeur de la Revue des Deux Mondes (puis directeur de la NRF, de 2015 à 2022), répond aux questions des élèves des classes préparatoires sur le numérique, la culture, l'humanisme et «l'otium»...

(Photo de Louisa Desbleds, HK 2013-2014)


LES RENCONTRES DE PIERRE D’AILLY ont pour vocation d’engager un débat fécond entre les étudiants de nos classes préparatoires littéraires et un écrivain ou un critique, un poète, un philosophe, un éditeur, un homme ou une femme de culture. Les enjeux de ces « conférences » tournent autour de la littérature, de l’expérience esthétique et éthique qu’elle nous propose, de ce qu’elle nous donne à penser de notre rapport au monde - de nos «différents modes d'existence» (E. Souriau) - , des problématiques qu’elle permet de croiser, au carrefour de la philosophie, de l’histoire et plus largement des sciences humaines. Chaque conférence est précisément articulée au cours de Lettres en Hypokhâgne, qu'elle prolonge par un dialogue vivant.


11e édition des RENCONTRES DE PIERRE D'AILLY (2013-2023)

(Lire le billet du 21 décembre 2023)

Conférence de Me Emmanuel Pierrat sur la liberté d'expression de l'écrivain, prévue jeudi 30 novembre 2023, à 14h00, au lycée Pierre d'Ailly, à Compiègne, en salle Imago Mundi.

Thème de cette nouvelle conférence :

«LITTÉRATURE, DROIT ET MORALE : LIBERTÉ ET RESPONSABILITÉ DE L’ÉCRIVAIN»

Emmanuel Pierrat est avocat au barreau de Paris, spécialiste en droit de la propriété intellectuelle. Il dirige un cabinet spécialisé dans le droit de la culture et les affaires de censure. Ancien Conservateur du Musée du barreau de Paris, il est Secrétaire Général du Musée Yves Saint-Laurent Paris et membre du Comité scientifique des Musées des Arts Décoratifs. Il est en outre l’auteur de plus d’une dizaine de romans et récits, de nombreux essais, et rédige un blog judiciaro-littéraire, alimenté chaque semaine, sur le site de livreshebdo.fr

L’objectif de cette nouvelle conférence sera de s’interroger, avec Emmanuel Pierrat, sur la liberté d’expression et sur la responsabilité de l’écrivain face au droit, qui les définit, en les codifiant. Appartenant à un autre ordre, la morale peut renforcer ou contester le droit pour imposer son jugement à la littérature. Voilà qui exige, pour la réflexion, une rapide mise en perspective historique.

Morale de l'oeuvre, morale de la lecture

Et sans doute faut-il commencer par distinguer morale collective et morale individuelle, faire une différence entre l’ensemble des valeurs et des règles d’action qui s’imposent aux groupes humains par le bais d’appareils prescriptifs comme la famille, l’École, l’Église, et les variations individuelles des pratiques de cette morale car, comme l’écrit Michel Foucault dans le tome II de son Histoire de la sexualité (L'Usage des plaisirs, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », tome II, p. 759.) : « Un code d’actions étant donné (…), il y a différentes manières de « se conduire » moralement, différentes manières pour l'individu agissant d'opérer non pas simplement comme agent, mais comme sujet moral de cette action. » (Je souligne). Un aspect de ce que Foucault nomme la « substance éthique » de l’individu se forge ainsi par la lecture, dont le modèle occidental est commandé, depuis Platon (République livres III et X) et saint Augustin (Confessions, livres I et III) par le principe ascétique (amélioration éthique de l’individu) et le principe esthétique (expérience littéraire, plaisir de la lecture). Comme l’a montré Brian Stock dans son livre intitulé Lire, une ascèse (éd. Jérôme Million, 2008), ces deux principes ont été subordonnés l’un à l’autre dans des proportions qui ont pu varier au cours de l’histoire, du Moyen Âge d’Abélard, au romantisme d’un Coleridge et d’un Schopenhauer, à travers la notion d’imagination créatrice. Le plaisir que nous éprouvons à lire des fictions ne provient pas que de la forme esthétique de l’œuvre, mais elle vient aussi de la connaissance de l’homme que celle-ci nous procure et des « manières d’être » ou d’agir qu’elle nous propose. Ainsi, Marielle Macé peut affirmer ceci, dans Façons de lire, manières d’être, Gallimard, 2011 : « Un livre peut en effet acquérir la force d’une autorité, montrer qui ou quoi désirer, et doubler en cela notre formation intérieure d’une antériorité active ; il devient une sorte de conseil, et même d’oracle, un passé choisi qui a tout à la fois la magie de la prophétie, l’inquiétante étrangeté du pressentiment, et la justesse d’une préfiguration. Cela ne peut pas avoir lieu sans excès, sans emportement complet du sujet, car le désir témoigne, comme c’était le cas pour Marcel (Proust), d’un véritable entêtement : ‘Lire, c’est désirer l’œuvre, c’est vouloir être l’œuvre, c'est refuser de doubler l'œuvre en dehors de toute autre parole que la parole même de l’œuvre.’(2) Possibilisation de soi et acquiescement à l’injonction d’un dehors, ici, sont volontairement mêlés. » p. 191. René Girard a par ailleurs montré que le désir mimétique peut avoir pour origine un certain contact avec la littérature, ce qui est alors susceptible de rendre l'oeuvre et la lecture dangereuses, pour la société et pour l'État, selon que l'influence incite ou non le sujet à l'action : de Paolo et Francesca - imitant Lancelot et Guenièvre, dans la Divine comédie de Dante - à Emma Bovary, en passant par Don Quichotte et les lecteurs de Werther, ce mimétisme anthropologique est redoutable, quels que soient ses formes et ses effets, fastes ou néfastes, car il peut remettre en question l'ordre politico-social (cf. notamment Mensonge romantique et vérité romanesque, de R. Girard et De l'horrible danger de la lecture, de Voltaire, dans un contexte autrement particulier).

L'Écrivain face à la Loi

Dans ce cadre si particulier et si intime de la lecture, on peut penser, comme Pascal, que « la vraie morale se moque de la morale » (fr. 671, éd. Sellier). Le lecteur est alors reconnaissant envers les auteurs qui lui permettent de se constituer en « sujet moral » par la lecture, fût-ce au prix de bouleversements intérieurs, adhésions ou rejets. L’histoire littéraire montre que le prix à payer pour une telle liberté, aussi bien pour les auteurs que pour ceux qui les lisent, peut être parfois très cher. Car la morale publique, celle qui régit les « bonnes mœurs » codifiées par le droit positif, et la morale religieuse – ou les deux combinées, selon les époques – ont le pouvoir de fixer les limites de ce qui peut s’écrire et donc se lire : un écrivain ne peut donc pas tout dire impunément, sa responsabilité est engagée, comme l’a étudié Gisèle Sapiro, dans son livre intitulé précisément La Responsabilité de l’écrivain (Seuil, 2011), dans lequel elle établit, notamment, une généalogie de la morale littéraire. Et force est de constater que dans ce domaine, les avis divergent voire s’opposent ou se combattent : parfois, nous pourrons trouver que la censure est légitime, parfois nous serons consternés par ce que nous estimerons être une injustice, à moins que nous ne remettions en question la possibilité de censurer l’art, mais alors selon quelles modalités, ou à quel prix ? Car si nous n’avons aucun doute aujourd'hui sur les cas de Rabelais, Molière, Racine, Voltaire, Flaubert, Baudelaire, par exemple, nous sommes moins assurés de notre jugement pour des œuvres plus récentes, comme celle de Louis-Ferdinand Céline, dont les pamphlets abjects compliquent – voire interdisent pour certains – la lecture de l’œuvre fictionnelle, même Voyage au bout de la nuit. Obnubilés par des cas extrêmes, qui peuvent légitimement susciter notre indignation, nous avons oublié, à tort ou à raison, qu’au début du siècle une revue prestigieuse, la Nouvelle Revue Française, animée Par André Gide, Jean Schlumberger, puis plus tard par Jacques Rivière, Jean Paulhan et Marcel Arland, avait marqué la littérature (fiction) du sceau de l’autonomie : « Ici, la littérature a tous les droits. Rien ne lui est opposable. Ni la religion ni la politique, ni les mœurs ni la morale, ni la tradition ni la mode. (…) Seuls comptent l’intensité d’écriture et son pouvoir de révélation, cette singularité dans l’ordre de la connaissance et du discours qu’on lui accorde. (…) La littérature autorise comme aucun autre langage. Elle peut tout dire. Elle est dégagée de la toile des responsabilités que tisse la vie sociale, familiale et citoyenne. Elle est libérée de l’obligation de faire sens sans délai et de se rendre utile à la communauté. Ici se manifeste l’aventure de l’esprit qui se sonde, s’interroge, cherche à se connaître et à se maîtriser, mais prend aussi le risque de se perdre. (…) Alban Cerisier, Une histoire de La NRF, Gallimard, 2009, pages 9. L'écrivain du XXIe siècle devrait-il maintenant renoncer à cette liberté, au nom de sa nécessaire responsabilité, qui ne relèverait pas seulement du respect de la loi mais d'une éthique que l'écriture aurait intériorisée ? Et selon quelles modalités ?

Vers une « moralisation » de la littérature ?

Notre époque, au contraire, cherche à « moraliser » les œuvres littéraires, en leur appliquant de nouveaux critères de recevabilité, comme le respect des personnes dans toutes leurs singularités : l'écriture devrait alors s'interdire toute représentation négative de ces traits spécifiques à chacun. La bonne moralité de l'auteur, au civil comme au pénal, devient aujourd'hui un critère sélectif prégnant, même quand l'auteur concerné a été jugé et puni par la justice. Reste à savoir si ces critères moraux, nécessaires dans les relations interhumaines, sont pertinents pour évaluer une œuvre d’art : ne serions-nous pas menacés par la « moraline », (Nietzsche, L’Antéchrist notamment §2) : à savoir le prêt-à-penser moral (expression de Jean-Charles Darmon) - la bien-pensance, dirait-on aujourd'hui -, qui est à l’éthique ce que la langue est à la parole : une réalité externe qui précède l’auteur, et avec laquelle ce dernier devrait composer ? La question est complexe, et les réponses possibles différentes selon les auteurs, les œuvres, les époques. C’est pourquoi l’expertise de Maître Emmanuel Pierrat nous sera précieuse : ayant défendu des écrivains -en étant un lui-même – et ayant étudié l’histoire de la censure jusqu’à nos jours, il nous dira ce qu’il pense de la notion de responsabilité, s’il faut distinguer les œuvres de leurs auteurs, s’il ne faut juger les œuvres que sur le fondement de critères propres à l’art, en quoi consiste la cancel culture et si l’avenir de la littérature pourrait en pâtir. L'exposé se déroulera en trois temps : tout d'abord, Maître Emmanuel Pierrat nous présentera quelques jalons historiques de la censure littéraire ; puis il se concentrera sur les droits et les devoirs de l'écrivain aujourd'hui ; enfin, dans ce cadre, il nous instruira sur les manuscrits retrouvés de Louis-Ferdinand Céline, auxquels il vient de consacrer un livre intitulé L'Affaire Céline. Qu'il soit d'ores et déjà remercié de sa généreuse et prometteuse conférence !

L'oeuvre littéraire et la problématique du Mal

Nous pourrons ainsi mieux problématiser notre lecture du Voyage au bout de la nuit. Il s’agira d’essayer de lire un roman situé, historiquement, et dont l’auteur appartient à « Une grande génération » (titre homonyme d'un ouvrage d'Henri Godard), dans laquelle figurent aussi Malraux, Guilloux, Giono, Montherlant, Malaquais, Sartre, Queneau et Claude Simon. On posera – à propos des œuvres de ces écrivains - la double question de l’engagement et du « moralisme » : 1) d’un côté, la dénonciation – par Julien Benda, auquel s’associe Sartre et Caillois- d’une littérature pure, incarnée par Paul Valéry et Jean Giraudoux, dont le supposé repli aurait en partie mené à la guerre (cf. La France byzantine ou le triomphe de la littérature pure, 1945) ; de l’autre, la querelle qui oppose, en 1932, deux types d’écrivain, autour de la notion de moralisme (versus immoralisme), sa présence dans les œuvres, Jacques Rivière en critiquant les méfaits, Ramon Fernandez (le père de Dominique) le défendant, le premier étant plus influencé par le freudisme, le second par l’humanisme classique (cf. Jacques RIVIÈRE et Ramon FERNANDEZ, Moralisme et Littérature, éditions R.-A Corrêa, 1932.). Céline sera donc étudié selon cette perspective, et son roman approché dans ses aspects aussi bien littéraires que linguistiques. Ni l’histoire ni la sociologie ne suffiront cependant pour comprendre Voyage au bout de la nuit. Sans tomber dans la doxa célinienne, nous tenterons de voir si ces propos de Georges Bataille, dans La Littérature et le Mal (1957) éclairent – et dans quelle mesure – notre lecture : « La littérature n'est pas innocente, et, coupable, elle devait à la fin s'avouer telle. L'action seule a les droits. La littérature, je l'ai, lentement, voulu montrer, c'est l'enfance enfin retrouvée. Mais l'enfance qui gouvernerait aurait-elle une vérité ? Devant la nécessité de l'action, s'impose l'honnêteté de Kafka, qui ne s'accordait aucun droit. Quel que soit l'enseignement qui découle des livres de Genet, le plaidoyer de Sartre pour lui n’est pas recevable. A la fin la littérature se devait de plaider coupable ! » Que signifie alors écrire, que veut dire enfin lire ? Nous ne pourrons pas éviter ces questions, et c'est en cela que la réflexion engagée par cette nouvelle conférence sera passionnante.

Maître Emmanuel Pierrat : de l'expertise professionnelle à l'expérience littéraire

Comme c'est le cas à chaque « Rencontre », nous interrogerons notre invité sur son parcours intellectuel, ses passions et, en l'occurrence, son travail d’avocat et d’écrivain, sur les rapports qu’ils entretiennent dans l’élaboration d’une parole qui, dans les deux cas, recherche une vérité. Mais Emmanuel Pierrat est aussi un grand lecteur. Il a consacré l’un de ses ouvrages à la lecture : Aimer Lire – une passion à partager, éditions Du Mesnil (2012) : «… écrire force à mieux lire. Et à aimer les livres. » p. 132.

La démarche du cours :

Cette conférence est articulée au cours d’Histoire littéraire sur le Voyage au bout de la nuit de Céline, que les Hypokhâgneux auront lu dans l’édition recommandée (Ce cours du lundi fera écho au cours Genres / Notions du vendredi sur le roman / récit / nouvelle). L’examen préalable des procès de Flaubert et de Baudelaire n’aura d’autre but que d’enclencher une réflexion sur l’histoire de la censure littéraire - qui concerne aussi Céline -, telle que nous en avons cerné les contours ci-dessus. Avec une double exigence, qui respecte à la fois le caractère social et individuel du fait littéraire : historiciser la réflexion, certes, mais aussi penser les problèmes que pose l’œuvre à l’aune de sa métaphysique implicite. Voilà qui semble le meilleur rempart contre le séparatisme techniciste et l’émiettement des savoirs : le technicisme est la maladie scolaire du formalisme, la réduction du texte à ses procédés, ce qu'il faudrait pouvoir combattre, ne serait-ce que pour redonner goût à la littérature. L'étude des formes littéraires est tout à fait légitime - et même nécessaire -, mais elle n'a bien évidemment rien à voir avec la procédémania...




(1) Roland Barthes, La Préparation du roman I et II, éditions du Seuil /IMEC, 2003, p. 149. (2) Roland Barthes, Œuvres complètes, éditions du Seuil, 3 tomes, 1993-1995, t. II, p. 51. La citation est extraite de Critique et vérité (1966), dans la partie intitulée « La Lecture ».


BIBLIOGRAPHIE NON EXHAUSTIVE D'EMMANUEL PIERRAT

  • Nouvelles morales, nouvelles censures, Gallimard, 2018.
  • Le Grand Livre de la censure, Paris, Plon, 2018.
  • Code de la liberté d'expression. Textes et jurisprudences, en collab. avec Vincent Ohannessian, Paris, Anne Rideau Éditions, 2018.
  • L'Auteur, ses droits et ses devoirs, Gallimard, coll. « Folio essais», 2020.
  • 1857 - La Littérature en procès, Hermann, coll. « Des morales et des oeuvres», 2021.
  • Dictionnaire du monde judiciaire (direction d'ouvrage), coll. « Bouquins », 2021.

et

  • Troublé de l'éveil (récit), éd. Fayard, 2008.
  • Aimer lire, une passion à partager, Du Mesnil, 2012.

BIBLIOGRAPHIE COMPLÉMENTAIRE POUR LE COURS

Revue La Licorne n° 106 : Transgression, Littérature et Droit, Presses Universitaires de Rennes, 2013.

Jean-Charles DARMON et Philippe DESAN (sous la direction de ), Pensée morale et genres littéraires, Presses Universitaires de France, 2009.

Hubert HECKMANN, Cancel ! De la culture de la censure à l'effacement de la culture, éditions Intervalles, 2022.

Sandra LAUGIER, Éléonore ROY-REVERZY, Gisèle SÉGINGER (sous la direction de), Éthique et Littérature, Presses Universitaires de Strasbourg, 2000.

Sandra LAUGIER (sous la direction de), Éthique, littérature, vie humaine, Presses Universitaires de France, 2006.

Jacques RIVIÈRE et Ramon FERNANDEZ, Moralisme et Littérature, éditions R.-A Corrêa, 1932.

Gisèle SAPIRO, La Responsabilité de l'écrivain. Littérature, droit et morale en France (XIXe-XXIe siècle), éditions du Seuil, 2011.

Gisèle SAPIRO, Peut-on dissocier l'oeuvre de l'auteur ?, éditions du Seuil, 2020.

Et, pour rire ou pour frémir... :

Raymond JEAN, Clotilde ou le second procès de Baudelaire (roman), éditions Actes Sud, 2002.


10e édition exceptionnelle des RENCONTRES DE PIERRE D'AILLY

(Lire le billet du 30 mai 2022)

Conférence de Mohamed Mbougar SARR sur La Plus secrète mémoire des hommes, éditions Philippe Rey / Jimsaan (Prix Goncourt 2021), prévue JEUDI 12 MAI 2022, à 14 heures, au lycée Pierre d'Ailly, en salle Imago Mundi, à Compiègne.

Thème de cette nouvelle conférence :

« DANS LE LABYRINTHE DU ROMAN»

Mohamed Mbougar SARR est né en 1990 au Sénégal. Il a été formé au Prytanée militaire de Saint-Louis (Sénégal) et au lycée Pierre d'Ailly de Compiègne, où il a été élève en classes préparatoires aux grandes écoles littéraires (Hypokhâgne et Khâgne Lettres modernes) de 2009 à 2012. Il prépare actuellement une thèse de doctorat à l'École des Hautes Études en Sciences Sociales, à Paris. Il a reçu le prix Stéphane Hessel de la jeune écriture francophone en 2014 pour sa nouvelle intitulée « La Cale».

Il est l'auteur de quatre romans : Terre ceinte, éditions Présence africaine (Prix Ahmadou Kourouma 2015) ; Silence du choeur (2017), éditions Présence africaine ; De purs hommes (2018), éditions Philippe Rey ; et La Plus secrète mémoire des hommes, éditions Philippe Rey / Jimsaan (Prix Goncourt 2021).


Dans cette nouvelle conférence, Mohamed Mbougar SARR nous parlera de son dernier livre, qui déploie avec subtilité dans les méandres de sa narration ce qu’André Siganos appelle «L’imaginaire du labyrinthe » (Mythe et écriture.- La nostalgie de l’archaïque, Presses Universitaires de France, coll. « écriture », 1999, p. 41.). L’incipit de ce roman passionnant ne se contente pas de donner le ton, il livre également une clé de lecture qui problématise sa composition :

« D’un écrivain et de son œuvre, on peut au moins savoir ceci : l’un et l’autre marchent ensemble dans le labyrinthe le plus parfait qu’on puisse imaginer, une longue route circulaire, où leur destination se confond avec leur origine : la solitude.

Je quitte Amsterdam. Malgré ce que j’y ai appris, j’ignore toujours si je connais mieux Elimane ou si son mystère s’est épaissi. Je pourrais convoquer ici le paradoxe de toute quête de connaissance : plus on découvre un fragment du monde, mieux nous apparaît l’immensité de l’inconnu et de notre ignorance ; mais cette équation ne traduirait encore qu’incomplètement mon sentiment devant cet homme. Son cas exige une formule plus radicale, c’est-à-dire plus pessimiste quant à la possibilité même de connaître une âme humaine. La sienne ressemble à un astre occlus ; elle magnétise et engloutit tout ce qui s’en rapproche. On se penche un temps sur sa vie et, s’en relevant, grave et résigné et vieux, peut-être même désespéré, on murmure : sur l’âme humaine, on ne peut rien savoir, il n’y a rien à savoir. »

La Plus secrète mémoire des hommes, p. 15.

Métaphorisé par l’image du « cercle de solitude » (cette expression revient à la page 43), le labyrinthe ne sera donc pas seulement le mot-titre emblématique du livre mystérieux d’Elimane (Le Labyrinthe de l'inhumain), il symbolisera simultanément l’écriture du roman et sa lecture, sur le mode paradoxal de la docte ignorance, qui affirme ironiquement, dès les premières lignes, qu’ « on ne peut rien savoir » sur l’âme humaine, mais qu'il est besoin des quatre cent quarante pages suivantes pour le démontrer. Le lecteur – c’est sa seule certitude – pourra donc s’y perdre, en compagnie de l’écrivain, dont le sort, nous dit le narrateur, est strictement identique. Le pacte est conclu !

« Aventure d’une écriture » mais aussi « écriture d’une aventure » (en dépit de la brillante formule de Jean Ricardou, qui réduit le roman à la production du texte dans ses Problèmes du nouveau roman, Seuil, 1967, p. 111.), l'oeuvre de Mohamed Mbougar SARR réconcilie le roman avec lui-même, loin d'un formalisme desséchant ou amnésique, prouvant avec brio que « le fond, c’est la forme » (Victor Hugo, William Shakespeare, Folio, p. 449 et sqq.) : «une technique romanesque renvoie toujours à la métaphysique du romancier», affirmait Sartre (cité p. 49), à propos de Faulkner (cf. Situations I, coll. Idées/Gallimard, p. 86.). Or il saute aux yeux que la métaphysique de notre auteur est une métaphysique du labyrinthe : ne s'agit-il pas de questionner l'humain en cherchant à résoudre l'énigme fascinante de son épiphanie, l'inhumain, avers et revers d'une même médaille au centre de cette quête littéraire : «le lieu du plus profond mal conserve toujours un fragment de la vérité» (p. 420)? Le sujet même du livre d'Elimane, Le Labyrinthe de l'inhumain, invite à un tel questionnement (cf. pp. 49-50). Dans sa confrontation critique de la littérature africaine avec ce que Milan Kundera appelle le grand «roman européen », dans Les Testaments trahis (Folio, p. 41 et sqq.), La Plus secrète mémoire des hommes s’apparente bien à un roman labyrinthique, qui arpente toute une géographie littéraire, dont les principaux points cardinaux sont Borges, Sabato, Kundera, Gombrowicz et Bolaño, bien que ce dernier ne soit cité qu’en épigraphe – sauf erreur.

C’est pourquoi, lors de cette prochaine RENCONTRE, notre réflexion se mouvra avec curiosité et bonheur « Dans le Labyrinthe du Roman », grâce aux fils d’Ariane que Mohamed voudra bien nous donner pour comprendre ce qui se présente aussi comme l’histoire d’une vocation. Elle a commencé avec un premier ouvrage, Terre ceinte, dont il était venu nous entretenir en 2016, pour notre plus grand plaisir !


9e édition des RENCONTRES DE PIERRE D'AILLY

(Lire le billet du 11 décembre 2021)

Conférence de Patrick Dandrey sur les Fables de La Fontaine, prévue MARDI 23 NOVEMBRE 2021, à 14 heures, salles Saint-Nicolas, 3 rue Jeanne d'Arc, à Compiègne.

INFORMATION DU 15/11/2021 : pour des raisons sanitaires et sécuritaires (covid +vigipirate), la conférence aura exceptionnellement lieu au lycée Pierre d'Ailly, en salle Imago Mundi.

Thème de cette nouvelle conférence :

« LA FONTAINE FABULISTE OU LES NOCES DE MORALE ET POÉSIE»

Patrick Dandrey est professeur émérite de littérature française du XVIIe siècle à la faculté des Lettres de la Sorbonne («Sorbonne-Université»). Membre de la Société Royale du Canada (Académie des Arts, Lettres et Sciences humaines), membre correspondant de l’Académie des Sciences, Inscriptions et Belles-Lettres de Toulouse, il préside la Société des Amis de Jean de La Fontaine. Spécialiste de la littérature et de la culture du XVIIe siècle français, Molière et La Fontaine notamment, et de l’ancienne médecine de l’âme, en particulier l’imaginaire de la mélancolie, il leur a consacré une vingtaine d’ouvrages, autant d’éditions critiques et travaux éditoriaux, et un peu moins de deux cents études et articles .

L’objectif de cette nouvelle conférence sera de s’interroger, avec Patrick Dandrey, sur le sens de l’apologue et de sa poétique dans ses rapports avec la morale classique. Nous lirons avec attention les deux recueils des Fables de La Fontaine, selon le parcours indiqué sur le programme de travail remis aux Hypokhâgneux. Du genre à la fois argumentatif et narratif décrit par Aristote dans sa Rhétorique (II, 20), où il cite déjà Ésope comme auteur de référence et du vaste corpus ésopique, constamment enrichi et adapté par des érudits et des pédagogues, jusqu’au XVIIe siècle, que reste-t-il dans l’œuvre de notre fabuliste ? Sorte d’«exemple» inventé (par opposition aux « faits passés »), la fable (logos) – comme la parabole socratique -fait partie, selon Aristote, des nombreux moyens de persuasion dont peut user un orateur dans le domaine des «preuves communes », et convient « aux discours qui s’adressent au peuple » (Rhétorique, « Gallimard, «Bibliothèque de la Pléiade », p. 805-806). Genre sérieux d’abord destiné aux adultes, sa propension à étayer un enseignement moral a tout naturellement intéressé les rhéteurs et les pédagogues, qui ont très tôt utilisé les collections anonymes de fables dites « ésopiques » (nous verrons en cours ce qu’il faut penser d’Ésope en tant qu’auteur des fables qui lui sont associées) comme supports d’exercices préparatoires pour la formation scolaire et plus précisément rhétorique des enfants et des adolescents : c’est ce que montrent dès le Ier siècle de notre ère l’Institution oratoire du pédagogue romain Quintilien et les Progymnasmata ( au sens d’ « exercices préparatoires ») du rhéteur alexandrin Aelius Théon. C’est que, dans l’apologue ésopique, le récit se double d’une moralité qui tire la leçon de l’histoire racontée. Le problème littéraire qui nous intéressera concerne l’articulation de la fiction et de son interprétation morale, en ce qu’elle noue subtilement l’esthétique et l’éthique à l’œuvre dans tout texte littéraire. Loin d’opposer l’une à l’autre, nous verrons au contraire comment La Fontaine tire parti de la nécessité de plaire pour instruire (cf. « Le Pâtre et le Lion », VI, 1, vers 3-6), l’enseignement perdant ainsi le caractère apparemment univoque qu’il pouvait avoir chez Ésope. C’est que, tout en reprenant à son illustre prédécesseur les parties constitutives de la fable (le récit, ou « le corps », et la moralité, ou « l’âme », selon La Fontaine, dans sa «Préface »), il « métamorphose » (mot de Patrick Dandrey) le genre en en complexifiant et la forme et la portée. La Fontaine exploite en effet la capacité de l’apologue ésopique à dire sans dire tout en disant, comme Aristote le montre déjà dans les exemples qu’il donne de l’usage de la fable… A partir de ces récits symboliques qui contiennent des hommes déguisés en animaux, notre auteur fabrique une œuvre dont il affirme, toujours dans sa « Préface », que ses parties « ne sont pas seulement morales, elles donnent encore d'autres connaissances. Les propriétés des animaux et leurs divers caractères y sont exprimés ; par conséquent les nôtres aussi, puisque nous sommes l'abrégé de ce qu'il y a de bon et de mauvais dans les créatures irraisonnables. » (p. 41 de l’édition du Livre de Poche, dont l’éditeur est Jean-Charles Darmon).

Ces propos très suggestifs nous aideront à problématiser notre lecture des Fables : 1) en réfléchissant à la fonction de la moralité : ce qu’elle dit ne se fige plus seulement dans la rigidité d’une formule gnomique. Très souvent, elle se déduit du récit ou est incluse dans une sorte de préambule qui semble ne pas tout dire, comme c’est le cas dans « Le Fou qui vend la sagesse » (IX, 8). La moralité est aussi enjouée ou légère, jamais frivole, elle peut formuler un pessimisme que l’on serait tenté de rapprocher de Port-Royal. Dans « L’Araignée et l’Hirondelle» (X, 6), la pseudo-moralité ne présente aucune injonction morale, aucune prescription éthique mais se fonde sur un constat : le monde est fait de puissants et de faibles, et le Ciel semble approuver cette inégalité. D’ailleurs, de quelle « morale » procède-t-elle, cette moralité retravaillée par La Fontaine ? Quelle part accorder à ce que Nietzsche appelle la « moraline » , dans L’Antéchrist notamment (§2, où il l'oppose à la virtù, vertu - «dans le style de la Renaissance» - qui est force et énergie) : à savoir le prêt-à-penser moral (expression de Jean-Charles Darmon) - la bien-pensance, dirait-on aujourd'hui -, qui est à l’éthique ce que la langue est à la parole : une réalité externe qui précède l’auteur, et avec laquelle ce dernier doit composer ? N’allons toutefois pas croire que tout ce qui se présente comme «moral» relève de la moraline. Comme le souligne Paul Bénichou dans ses Morales du Grand Siècle, la difficulté réside dans la nécessité de bien distinguer ce qui appartient à l’individuel et ce qui, en revanche, renvoie au social. Il reste que l’humanisme de La Fontaine, comme celui des Classiques, a renoncé aux abstractions de la scolastique pour privilégier « l’expérience directe de la vie et de la société », selon Bénichou, qui définit « l’angle moral », sous lequel il veut aborder les œuvres du XVIIe siècle, « en tant qu’(elles) prétendent répondre aux problèmes de la vie et de la conduite humaine. » La Fontaine sera ainsi approché comme un «moraliste », selon la définition qu’en donne Louis Van Delft dans ses travaux (notamment Le Moraliste classique : essai de définition et de typologie, Droz, 1982), c’est-à-dire un observateur critique plus qu’un moralisateur ; 2) en cernant précisément le problème littéraire qui découle du précédent : dans quelle mesure peut-on vraiment parler de critique sociale et politique chez La Fontaine ? Comment dépasse-t-il le plan strictement «moral » pour s’attacher à une réflexion concrète sur les réalités de son temps ? L’évolution du fabuliste est évidente, du premier au second recueil ( de 1668 à 1679), et sans doute plus frappante encore quand on regarde de près le livre XII, publié en 1694. Contrairement à La Bruyère, dont Les Caractères prennent acte de ce que Paul Hazard nomme «la crise de la conscience européenne », dans le livre du même titre (où l’affirmation du Bourgeois comme «nouveau modèle d’humanité » favorise progressivement une conscience de classe – Colbert succède à Fouquet…), La Fontaine appartient, lui, à la génération précédente, si bien que ses critiques de la société, déjà présentes dans le premier recueil, n’ont pas la même envergure ni la même portée que celles du second. C’est du moins l’hypothèse qui sera la nôtre, et que nous tenterons d’étayer à la lumière des travaux de Patrick Dandrey. Voilà qui nous permettra d’évaluer « l’engagement » (notion problématique à définir et à situer historiquement !) de La Fontaine, que Jean Giraudoux, dans ses Cinq tentations de La Fontaine (Grasset, 1938), associe aux Vauban, Fénelon et autres La Bruyère, qui auraient osé remettre en question « la description magnifique » que «toute la littérature du XVIIe siècle (aurait) donné du règne de Louis XIV» ; 3) en se demandant en quoi consistent les « autres connaissances » dispensées par l’apologue : Comment notre fabuliste s’approprie-t-il la transposition allégorique fondée sur la transposition du monde humain dans l’univers animal, à partir de la tradition ésopique ? Que nous apprend la fable des rapports que l’humain entretient avec l’animal ? D’un recueil à l’autre, cette question se complexifie : le « Discours à Madame de la Sablière » et celui adressé « A Monsieur le duc de La Rochefoucauld », tous deux auteurs de maximes et proches des milieux jansénistes, attestent que la fable n’est pas réductible à la satire mais s’impose comme une forme littéraire pensante voir philosophante… Quand La Fontaine discute la thèse cartésienne des animaux machines, ses preuves sont des fables où les bêtes ne sont plus des symboles mais des êtres à part entière, dont l’observation lui permet de redéfinir le rapport de l’homme à l’humanité. Sa philosophie de la vie provient de sa lecture des anciens épicuriens comme elle est aussi influencée par la pensée de Pierre Gassendi, grand adversaire de Descartes ; 4) en n'oubliant pas, enfin, comme l'affirme Georges Couton dans l'introduction de La Politique de La Fontaine (Les Belles Lettres, 1959) que «l'esprit général du XVIIe siècle est de trouver partout enseignement, symbole allégorie» et que, selon Patrick Dandrey, «il n' y a guère de grande poésie dont la signification ne soit lovée dans l'orbe de la forme» («Moralité», dans la revue Littératures classiques, supplément 1992). Comment comprendre la poésie des fables de La Fontaine ? Une fable qui devient poème reste-t-elle toujours un apologue ? La figure, l'art de l'emblème, auquel la fable lafontainienne est redevable, et le tour poétique ne sont pas de vains ornements ou des suppléments d'âme : ils sont la forme-sens de l'apologue.

Mais comme c'est le cas à chaque «Rencontre», nous interrogerons notre invité sur son parcours intellectuel, ses passions et, en l'occurrence, son travail de professeur entièrement consacré à la critique, que l'on a coutume de nommer «littérature secondaire». Son dernier ouvrage est consacré à Trois adolescents d’autrefois, Champion /Essais, 2021 (le beau titre de cet ouvrage est repris à un roman de François Mauriac). Il s’agit d’une étude qui s’intéresse au Rodrigue du Cid, à l’Agnès de L’École des femmes et à l’Hippolyte de Phèdre. Cette méditation sur l’adolescence de ces trois personnages célèbres, adolescence oubliée et délaissée par l’histoire littéraire, commence par une définition de la vieillesse qui prend l’allure d’un retour sur soi, à travers le prisme merveilleux de la fiction et de l’art des classiques. Elle nous autorisera, nous l'espérons, à demander à Patrick Dandrey quel «adolescent d'autrefois» il fut, comment l’amour de la littérature le saisit un jour au point de le décider à y consacrer sa vie. Il nous expliquera sans doute comment, du théâtre de Molière, dont il a minutieusement étudié les grandes pièces, il est passé à une réflexion plus générale sur la mélancolie à l’époque baroque, puis aux Fables de La Fontaine, dont il a savamment exploré la « poétique » dans un ouvrage aujourd'hui essentiel sur la question. Dans son Itinéraire d’un chercheur (texte disponible sur son site personnel), on peut lire cette confidence enthousiasmante : «La littérature, pour moi, c’est du concept qui danse, de la beauté qui pense.» Voilà une belle formule qui semble bien symboliser le regard critique de Patrick Dandrey. Ses travaux, qui en sont la parfaite illustration, ont judicieusement confirmé le célèbre jugement d'André Gide sur La Fontaine : «C’est un miracle de culture. Sage comme Montaigne ; sensible comme Mozart. » André Gide, Voyage au Congo, chapitre premier, Gallimard, Folio, 1995 (1927), p. 14. Il nous fera l'honneur de sa présence le 23 novembre prochain, et nous sommes d'ores et déjà impatients de l'écouter sur le thème de cette 9e édition des Rencontres de Pierre d'Ailly ! Nous le remercions par avance d'accepter de nous faire profiter généreusement de sa curiosité intellectuelle, aussi fine qu'élégante, et de son immense érudition.

La démarche du cours :

Cette conférence est articulée au cours d’Histoire littéraire sur les Fables de La Fontaine, que les Hypokhâgneux auront lues dans l’édition citée ci-dessus (Ce cours du lundi fera écho au cours Genres / Notions du vendredi sur la Poésie). L’œuvre étant riche et complexe, un corpus précis et délimité dans les deux recueils leur a été proposé, afin de rendre plus simple et plus efficace la réflexion du cours, dont les linéaments viennent d’être exposés . Toujours dans son Itinéraire d’un chercheur, Patrick Dandrey précise que c’est «entre la spécificité poétique et l’anthropologie historique que se situe mon itinéraire, autrement dit au croisement de l’humain et du texte. » C’est très modestement que nous tâcherons d’imiter cette démarche, qui nous paraît depuis longtemps déjà être le meilleur rempart contre le séparatisme techniciste et l’émiettement des savoirs : le technicisme est la maladie scolaire du formalisme, la réduction du texte à ses procédés, ce qu'il faudrait pouvoir combattre, ne serait-ce que pour redonner goût à la littérature. L'étude des formes littéraires est tout à fait légitime - et même nécessaire, mais elle n'a bien évidemment rien à voir avec la procédémania...

BIBLIOGRAPHIE NON EXHAUSTIVE DE PATRICK DANDREY

La Fabrique des Fables : essai sur la poétique de La Fontaine, éd. Klincksieck, 1991. Revue, corrigée et augmentée, sous le titre : La Fabrique des Fables. Suivi de Pour comprendre (enfin ?) La Cigale et la Fourmi. Klincksieck, 2010, « Librairie Klincksieck ».

Molière ou l’esthétique du ridicule. Klincksieck, 1992. « Librairie Klincksieck ». Revue, corrigée et augmentée. Klincksieck, 2002, « Librairie Klincksieck ».

Le «Cas» Argan. Molière et la maladie imaginaire. Klincksieck, « Bibliothèque d’Histoire du Théâtre », 1993. Refondue et augmentée : Klincksieck, « Jalons critiques», 2006.

Dom Juan ou la critique de la raison comique. Honoré Champion, 1993, « Bibliothèque de littérature moderne ». Corrigée et mise à jour, Honoré Champion, 2011, « Lumière classique ».

La Fontaine ou les métamorphoses d’Orphée. Gallimard, 1995, « Découvertes ». Réédition, 2008.

L‘Éloge paradoxal de Gorgias à Molière. Presses Universitaires de France, 1997, « Écriture ». Réédition Hermann, 2015, « Les Collections de la République des Lettres».

La Médecine et la maladie dans le théâtre de Molière. 1- Sganarelle et la médecine ou de la mélancolie érotique. 2- Molière et la maladie imaginaire ou de la mélancolie hypocondriaque. Klincksieck, 1998, « Bibliothèque française et romane ».

(...) La suite de cette bibliographie, à peine esquissée ici, est consultable sur le site personnel de Patrick Dandrey.


8e édition des RENCONTRES DE PIERRE D'AILLY

(Lire le billet du 16 décembre 2022)

Conférence de Philippe Le Guillou sur la place du roman dans la littérature, prévue MARDI 18 MAI 2021, à 14 heures, salles Saint-Nicolas, 3 rue Jeanne d'Arc, à Compiègne, mais reportée sine die.

Thème de cette nouvelle conférence :

LE ROMAN INÉPUISABLE


PHILIPPE LE GUILLOU ET LE ROMAN : DE LA TABLE RASE À LA TABLE RONDE

Philippe Le Guillou est romancier et essayiste. Presque toute son œuvre, qui compte maintenant de nombreux volumes, est publiée chez Gallimard, dans la collection «Folio ». Il a notamment obtenu le prix Médicis pour Les Sept noms du peintre, en 1997, et le prix Charles Oulmont de la Fondation de France en 2001, pour son roman Le Roi dort. Il a écrit de nombreux essais sur Chateaubriand, De Gaulle et Julien Gracq, avec lequel il a des affinités littéraires. Ainsi que l’écrit l’universitaire Luc Vigier, qui lui consacre un blogue (http://philippeleguillou.eklablog.com/accueil-c17337479), Philippe Le Guillou est l’ « héritier de toute une tradition française et des postures d'écrivains qui lui sont associées, (…) » et « se réclame volontiers de Chateaubriand, de Stendhal, de Proust, de Malraux, de Montherlant et de Gracq. » Philippe Le Guillou est aussi Inspecteur général de Lettres et docteur en littérature. Sa conférence sera à ce titre doublement intéressante : au point de vue universitaire s’ajoutera – et se substituera très vite - la critique littéraire d’une pratique personnelle du roman (auteur et lecteur), présenté dans une histoire subjective, roman du roman – « de Chrétien de Troyes aux romanciers les plus contemporains » - propre à susciter la réflexion.

L’objectif de cette nouvelle conférence sera de s’interroger, avec Philippe Le Guillou sur le roman, sa longue et turbulente histoire, ses pouvoirs de séduction, qui font de ce dernier « un genre foisonnant, protéiforme et en perpétuel devenir ». De cette variété souvent contestée, Philippe Le Guillou tire la qualité suprême du roman, son caractère inépuisable et prometteur. On a pourtant souvent reproché à ce genre de n’en pas être un : si l’on n’en est plus à accuser le roman de « troubler les têtes», comme le rappelle Rousseau dans la fameuse « Préface de La Nouvelle Héloïse » (1761), on en a fait «un usurpateur par vocation », comme Cioran, qui affirme que le « romancier, dont l’art est fait d’auscultation et de commérage, transforme nos silences en potins. » Toujours dans La Tentation d’exister, il ajoute : «Il a fait le trottoir de la littérature. Nul souci de décence ne l’embarrasse, point d’intimité qu’il ne viole. Avec une égale désinvolture, il fouille les poubelles et les consciences. » La Tentation d’exister, Gallimard, 1956, coll. « Tel », pages 148-149. Plus récemment, Richard Millet, également grand romancier, avait impitoyablement réglé son compte à ce qui est devenu, selon lui, l’essence même de la « postlittérature », un roman dévalué, « instrument du mensonge général, une falsification, un dévoiement au service du Nouvel Ordre moral ou, si l’on préfère du moralisme postéthique américain. » L’Enfer du roman, Gallimard, 2010, p. 13. Ce jugement sévère ne niait certes pas l’existence d’authentiques œuvres romanesques : il voulait en montrer cependant la stupéfiante rareté. En 2011, l’écrivain et psychanalyste Catherine Millot expliquait à une journaliste de France-Culture le sens du mot roman qui figurait sur la première de couverture de son livre intitulé O Solitude. A la question « votre œuvre ne s’apparente-t-elle pas plus à une réflexion, à une méditation sur la solitude qu’à un roman ?», voici ce qu’elle répondait : « En tout cas ce n’est pas une fiction, ce n’est pas une autofiction. Mais on pourrait justifier l’appellation de roman, si l’on définit le roman comme le genre de ce qui n’appartient à aucun genre. Il me semble que je me rattache au roman de cette façon-là, parce que j’ai fait quelque chose qui n’appartient à aucun genre… » Catherine Millot, propos diffusés sur France-Culture le 19 septembre 2011 dans l’émission « La grande table ». Enfin, c’est dans le journal Le Monde daté du 12 septembre 2020 que Nathalie Azoulai, auteur, notamment, de Titus n’aimait pas Bérénice (P.O.L., 2015), a essayé de définir ce qui la fait douter d’un genre qu’elle a pourtant beaucoup pratiqué : « Un territoire qui, comme tous les territoires, fait fructifier le pire et le meilleur. Et du meilleur, il y en a. Du moins bon aussi, qui, de plus, en arrive à ce paradoxe de devoir s’adosser à la rubrique « roman », ce qui revient à nier le genre tout en s’en réclamant encore. Serait-ce que l’étiquette « roman » ne veuille plus du tout signifier ni fiction ni composition, mais seulement « livre » ? Ou qu’à la façon d’un leurre bienséant dont personne n’est dupe, elle estompe un instant l’impudeur, amortisse le choc frontal, la réticence d’un lecteur peu enclin à avouer qu’il est voyeur comme on l’est tous ? Serait-ce donc que le nom de « roman » serve encore de béquille à un genre sans statut parce qu’hybride et indécis ? Je l’ignore, mais ce que je sais, en revanche, c’est que, malgré l’autorité magistrale de Kundera, le doute creuse en moi son sillon : et si le roman, c’était fini ? ».

Le roman a été - ne l'oublions pas - le fer de lance de la modernité littéraire. Toutes les poétiques classiques l’ont ignoré, la narration relevant d'abord de l’épopée. C’est le romantisme – en particulier allemand, dès l’Athenaeum – qui l’a mis au cœur de la littérature, ainsi que le rappelle Maurice Blanchot, dans L’Entretien infini : « (…) l’art romantique qui concentre la vérité créatrice dans la liberté du sujet, forme aussi l’ambition d’un livre total, sorte de Bible en perpétuelle croissance qui ne représentera pas le réel, mais le remplacera, car le tout ne saurait s’affirmer que dans la sphère inobjective de l’œuvre. Le roman, disent tous les grands romantiques, sera ce Livre ; Schlegel : ‘Le roman est le livre romantique’ ; Novalis : ‘Absolutiser le monde, seul le roman peut y parvenir, car il faut que l’idée du tout domine et modèle entièrement l’œuvre esthétique’, et Solger : ‘Tout l’art d’aujourd’hui repose sur le roman, non sur le drame.’» p. 525. Pour le romantisme d’Iena, à la fin des années 1790, le roman apparaît comme une véritable synthèse des genres, en particulier de l’épique et du dramatique : poétique ou en prose – mais ces deux formes doivent également s’unir -, il doit être à la fois fantastique, sentimental, philosophique et psychologique. La poésie « romantique » n’est donc pas strictement lyrique, elle est « romanesque », dans le sens élargi et synthétique que Schlegel et ses amis littéraires donnaient à ce terme. Héritier de l’épopée, frayant avec la tragédie, on sait comment le roman a pu incarner au XIXe et au XXe siècles cette « ambition d’un livre total », en cultivant notamment le monumental : les œuvres de Hugo, Balzac, Zola, Proust, Thomas Mann, Joyce et Musil, par exemple, traversent les grands problèmes biologiques, psychologiques et sociaux de leur époque, tout en restant travaillés par le légendaire et le mythique. Dans les années 1960, seul le « roman balzacien » sera critiqué par l’avant-garde du Nouveau Roman. Ce roman du « réel » et de la « connaissance », Robbe-Grillet voulait en dénoncer les fondements idéologiques par une étude de ses composantes « traditionnelles» les plus contestables, selon lui, comme le « personnage », «l’histoire» et la notion de « réalisme » ou plus précisément « l'illusion réaliste». Nombre d’écrivains de cette période ont su tirer parti des possibilités du genre romanesque, sans pour autant tomber dans la caricature du « roman balzacien » ni se déclarer « nouveaux romanciers ». C’est en partie ce que raconte Le Roman inépuisable, de Philippe Le Guillou, roman du roman mais aussi essai sur le roman, dont l’histoire subjective est ponctuée par des prises de position très claires en matière d’esthétique littéraire. Et loin de remettre en question le roman, il en fait l'admirable défense et illustration.

Le parcours proposé – et que Philippe Le Guillou commentera certainement pendant sa conférence – nous fait visiter les grandes œuvres, petits romans ou massifs romanesques, de Chrétien de Troyes aux romanciers les plus contemporains, notamment ceux qui sont parmi les « alliés substantiels » de l’auteur, Julien Gracq, Michel Tournier et Patrick Grainville (mais il y en d’autres). Très sommairement, on indique le tracé suivant, qui donne à réfléchir sur la formation de notre romancier : ce dernier manifeste un goût prononcé pour les œuvres qui sont à l’origine du roman français : la littérature du Graal, la matière de Bretagne, dont les romans de Chrétien ; Renart et Rabelais soulèvent son enthousiasme, ce qui n’est pas vraiment le cas du roman « psychologique » tel qu’il se modèle, de La Princesse de Clèves, de Madame de Lafayette, à L’Histoire du chevalier Des Grieux et de Manon Lescaut, de l’Abbé Prévost. Admiration pour Chateaubriand, Stendhal, Hugo, et Flaubert ; bien moins pour Balzac et Zola. Le vif intérêt que porte Philippe Le Guillou à la «littérature térébrante » ou la littérature du mystère – selon ses propres termes -, en évoquant les œuvres de Huysmans, de Bloy et de Barbey d’Aurevilly, nous incite à en retrouver les échos dans ses propres romans. Au XXe siècle, ce sont Proust, Gide – et l’aventure de la prestigieuse NRF (la Nouvelle Revue Française), Bernanos, Mauriac, Gracq, les Hussards, Yourcenar, et bien d’autres, qui passionnent notre auteur. Nous serons donc attentifs à ce foisonnement de références pour y repérer ce qui le nourrit : le plaisir de la lecture naïve, qui se souvient de l’enfance et de ses découvertes littéraires fondatrices, le rejet du « caisson structuraliste » et des « critiques scientistes pressés de dépecer les œuvres littéraires », ainsi qu'une curiosité appuyée pour les « structures anthropologiques de l’imaginaire », dont le spécialiste est Gilbert Durand, disciple de Bachelard et théoricien de la mythanalyse qui, par l’étude des archétypes, explore la signification symbolique des œuvres. Nourrie, en particulier, par l’imagination matérielle – dirait Bachelard – des quatre éléments et par la matière de Bretagne, l’écriture de Philippe Le Guillou cherche dans le roman - souvent initiatique - une vérité poétique. C’est que la classe d’Hypokhâgne cherchera à cerner, à travers sa lecture du Donjon de Lonveigh.

La démarche du cours :

Pour cette conférence, qui puise son thème dans le dernier essai de notre auteur, Le Roman inépuisable – roman du roman, Gallimard (2020), les Hypokhâgneux auront lu Le Donjon de Lonveigh (édition Gallimard /Folio) , et pour être plus sensibles aux paysages et au style de cette œuvre, ils auront aussi abordé, par quelques pages choisies, Barbey d’Aurevilly (Une vieille maîtresse, L’Ensorcelée) et Julien Gracq (Au château d’Argol, Un beau ténébreux), qui sont les deux références majeures à la lumière desquelles Philippe Le Guillou explique, dans l’avant-propos, la genèse de ce roman. Ils auront lu également Le Déjeuner des bords de Loire (Folio, 2007), qui fait le récit des rencontres avec Julien Gracq, pendant biographique et lumineux des entretiens fictifs du narrateur avec l’écrivain obscur et secret, Thomas Daigre, dans Le Donjon de Lonveigh, dont nous avons esquissé un programme d’étude dans le billet du 10 juillet dernier :

Dans Mon cœur mis à nu, Baudelaire affirme qu’« il n’y a de grand parmi les hommes que le poète, le prêtre et le soldat, l’homme qui chante, l’homme qui bénit, l’homme qui sacrifie et se sacrifie.» (Folio, p. 102). Les œuvres de Philippe Le Guillou, qui peuvent se lire comme une théorie des exceptions, en sont, d'une certaine manière, l’illustration convaincante. Ainsi, la figure du grand écrivain, avec son aura et sa part de mystère, hante Le Donjon de Lonveigh. Le narrateur qui en raconte l’histoire, critique littéraire et éditeur aux éditions Gallimard, est un lecteur admiratif et passionné qui cherche à écrire le « roman de Thomas Daigre » à partir des entretiens que celui-ci lui a accordés dans son château irlandais. Dès lors, le narrateur veut percer le secret de celui qui, peut-être compromis avec la Collaboration, quitta la France et se mura ensuite dans le silence, solitaire dans son donjon. Tout le roman est construit sur cette rencontre bouleversante, qui confronte le narrateur à la signification sacrificielle de l’acte d'écrire (l'écrivain, double de saint Sébastien percé de flèches ?), les carnets de Thomas Daigre émaillant la narration à de nombreuses reprises pour laisser entrevoir les éclats miroitants d’une œuvre étrange et méconnue, mais constamment désirable, comme l’est aussi, sans doute, pour le narrateur, Florence, la fille de l’écrivain reclus, qui peint et aime avec la même violence que celle du paysage marin, des tourbières et des loughs, dont la description lancinante renvoie aux mêmes puissances envoûtantes qui tourmentent les personnages. « Il n’est de lecture possible que poétique », écrit Thomas Daigre, dans l’un de ses carnets (Folio, p. 156). On le prendra au mot, en étant attentif à tout ce qui, dans ce roman, excède l’événement et veut atteindre au poème - et dans le poème, à la parole originelle, c'est-à-dire au mythe -, en pensant mutatis mutandis à Mallarmé, qui voyait dans le roman de son ami Rodenbach, Bruges-la-Morte, un « poème, infini par soi mais littérairement un de ceux en prose les plus fièrement prolongés. » (Lettre du 28 juin 1892), mais en n'oubliant pas non plus ce qu'a dit Remy de Gourmont du « roman éternel», conçu dès l'origine comme un poème (cf. Promenades littéraires, 7e série, 1927, où il cite, vers et prose, l'Odyssée et Don Quichotte, Wilhelm Meister et Tribulat Bonhomet, Vita nuova et L'Education sentimentale : ne peut-on pas voir là un prolongement de la conception romantique du roman également pris en charge par Philippe Le Guillou ?). Cette écriture recherche en effet par moments la « sorcellerie évocatoire » d’un lyrisme tout entier habité par « l’imaginaire du secret », pour reprendre le titre d’un livre suggestif de Pierre Brunel, le secret étant l’une des modalités de l’attente du sens et, paradoxalement, de son omniprésence, à travers les épiphanies du symbole qui travaillent le texte. On sera enfin curieux de reconnaître (hypothèses à vérifier), à travers les personnages écrivains, les figures littéraires qui ont pu en être les sources d’inspiration, sachant que le personnage n’est jamais pur mais résulte d’une combinaison complexe d'éléments hétérogènes qu’il faudra identifier (Pensons, entre autres, et pour commencer à cartographier la géographie littéraire de ce roman, à Paul Morand, André Pieyre de Mandiargues, Maurice Blanchot, Julien Gracq, Pierre Drieu la Rochelle, Henry de Montherlant... Dans son avant-propos, Philippe Le Guillou mentionne, outre Barbey d'Aurevilly et Julien Gracq, Michel Mohrt, Beckett et Kafka). Le Donjon de Lonveigh a été publié en 1991, peu après la disparition d'écrivains aussi importants que René Char, Francis Ponge, Samuel Beckett, Philippe Soupault et Michel Leiris. Philippe Le Guillou avait trente-deux ans. Il faudra situer précisément cette œuvre ténébreuse, et le charme de son style, dans la production romanesque de cette époque, dernière décennie du XXe siècle.

Envoi :

Dans Les Cahiers de la République des Lettres du 15 avril 1926 (p. 69-70), Jean Giraudoux, précisait, dans un entretien, ses « ascendances », les romans qui l’ont intéressé et nourri. Parce que l’on peut y déceler des affinités avec les propos de Philippe Le Guillou, voici ce qu’il en dit (nous soulignons):

« Ce qui, personnellement, m'intéresse, c'est le roman... N'entendez pas du tout par là le roman du XIXe siècle, Adolphe, Dominique, ni même, en remontant davantage, La Princesse de Clèves, qui sont, à proprement parler, des essais psychologiques. Entendez par roman l'élément romanesque. A côté du sujet, il y a la poésie — le style — la concentration d'une nature fabuleuse dans les personnages, c'est-à-dire la recherche de la vérité romanesque des êtres, non de la vérité réaliste. Je verrais mon ascendance dans la chanson de geste, les fabliaux. Les personnages des chansons de geste...

— Le traître... L'homme parfait..., etc., etc.

—Les animaux, qui tiennent tant de place dans les fabliaux. Et toujours, en arrière-fond, le pays. En ce temps-là, comme aujourd'hui, l'influence très grande de la géographie sur la formation du caractère français. De la géographie et de l'histoire. A toute époque troublée, comme celle des croisades, sans centralisation, sans commandes aux écrivains, ont dû correspondre des poètes-historiens — les romanciers — qui avaient une morale à tirer de leur œuvre — la chanson de geste. Je me suis pris en exemple parce que vous y teniez, mais ces ascendances littéraires expliquent une foule d'écrivains actuels.

— En résumé, lorsqu'il s'agit de justifier une école moderne, vous cherchez les précédents historiques, les analogies de toute sorte. Et c'est exactement contraire aux prétentions des jeunes gens que, si vous ne m'aviez interdit ce mot, j'aimerais taxer de fumisterie, qui veulent à toute force ignorer leurs aînés, brûler le Louvre et tout recommencer par le commencement. Au lieu d'en venir à la table rase, vous remontez...

— ... A la Table ronde. »

Sans en avoir encore la certitude (à cause de la crise sanitaire), nous espérons que cette « Rencontre » aura lieu, et nous remercions vivement Philippe Le Guillou d’avoir généreusement accepté de nous faire profiter de son talent créateur et de sa grande intelligence des textes !


BIBLIOGRAPHIE NON EXHAUSTIVE DES OEUVRES DE PHILIPPE LE GUILLOU :

Romans, récits :

L'Inventaire du vitrail, Mercure de France, 1983.

Les Portes de l'apocalypse, Mercure de France, 1984.

Le Dieu noir, Mercure de France, 1987.

La Rumeur du soleil, Gallimard, 1989.

Le Donjon de Lonveigh, Gallimard, 1991.

Le Passage de l'Aulne, Gallimard, 1993.

Livres des guerriers d'or, Gallimard, 1995.

Les Sept Noms du peintre, Gallimard, 1997, prix Médicis 1997

L'Orée des flots. Rêverie tristanienne, suivi de Pour une poétique arthurienne, Artus, 1997.

Douze années dans l'enfance du monde, Gallimard, 1999.

Les Proximités éternelles, récits, Mercure de France, 2000.

Le Roi dort (Gallimard, 2001) Prix Charles Oulmont de la Fondation de France 2001.

Les Marées du Faou, Gallimard, 2003.

Après l'équinoxe, Gallimard, 2005.

La Consolation, Gallimard, 2006.

Le Déjeuner des bords de Loire suivi de « Monsieur Gracq », Gallimard, Folio, 2007.

Fleurs de tempête, Gallimard, 2008.

Le Dernier Veilleur de Bretagne, Mercure de France, 2009.

Le Bateau Brume, Gallimard, 2010.

L'Intimité de la rivière, Gallimard, 2011.

Le Pont des anges, Gallimard, 2012.

Le Chemin des livres, Mercure de France, 2013.

Les Années insulaires, Gallimard, 2013.

Paris intérieur, récit, Gallimard, 2015.

Géographies de la mémoire, Gallimard, 2016.

Novembre, Gallimard, 2017.

La Sainte au sablier, Carnet d'un pèlerin, Éditions Salvator, 2017.

La Route de la mer, Gallimard, 2018.

Le Roman inépuisable – Roman du roman, Gallimard, 2020.

Essais :

La Main à plume, Artus, 1987.

Julien Gracq. Fragments d'un visage scriptural, La Table Ronde, 1991.

Le Songe royal. Louis II de Bavière, Gallimard, 1996.

L'Inventeur de royaumes. Pour célébrer Malraux, Gallimard, 1996.

Figures et rituels initiatiques dans le roman et le récit français : (1970-1980), thèse de doctorat soutenue en 1997 à l’Université de Rennes II.

Chateaubriand à Combourg. Une initiation chevaleresque, avec des photos de Jean Hervoche, Christian Pirot ed., 1997.

Stèles à de Gaulle, Gallimard, 2000.

Chateaubriand et la Bretagne, Blanc Silex, 2002.

Stèles à de Gaulle, suivi de Je regarde passer les chimères, édition revue et augmentée, Folio, 2010.

À Argol il n'y a pas de château, Pierre-Guillaume de Roux, 2014.

Le Pape des surprises, Gallimard, 2015.

Le Passeur, Mercure de France, 2019.

La Pierre et le vent, Tallandier, 2019.


7e édition des RENCONTRES DE PIERRE D'AILLY

(Lire le billet du 11 décembre 2019)

Conférence de Luc Fraisse sur Du côté de chez Swann, de Marcel Proust, MARDI 26 NOVEMBRE 2019, à 14 heures, salles Saint-Nicolas, 3 rue Jeanne d'Arc, à Compiègne.

Thème de cette nouvelle conférence :

À LA RECHERCHE DU TEMPS PERDU : UN ROMAN PHILOSOPHIQUE ?

Luc Fraisse est professeur de Littérature française à l'Université de Strasbourg et membre senior de l'Institut universitaire de France. Éminent spécialiste de l'oeuvre de Proust, il a édité plusieurs volumes de son oeuvre À la recherche du temps perdu, d'abord aux éditions du Livre de Poche classique (La Prisonnière en 2008 et Albertine disparue en 2009), puis aux éditions Classiques Garnier, «Bibliothèque de littérature du XXe siècle», La Prisonnière (À la recherche du temps perdu, t. V), en 2014 et La Fugitive (À la recherche du temps perdu, t. VI), en 2017. Ses nombreux travaux portent sur Proust, Shakespeare, Potocki, Henri Bosco, les rapports entre littérature majeure et littérature mineure, les fondements de l'histoire littéraire et surtout sur le symbolisme de la création littéraire, qu'il a étudié chez de nombreux auteurs. Il dirige la « Bibliothèque proustienne » et la Revue d'études proustiennes aux éditions Classiques Garnier.

En 2013, il a publié un livre magistral de 1340 pages sur les rapports de l'oeuvre de Proust avec la philosophie : L’Éclectisme philosophique de Marcel Proust, Paris, Presses universitaires de Paris-Sorbonne, coll. «Lettres françaises», 2013. Ouvrage couronné par le prix de la Critique de l'Académie française, en 2014.

L'objectif de cette nouvelle conférence consistera à s'interroger sur les rapports de l'oeuvre proustienne avec la philosophie. Nous tâcherons de cerner les enjeux posés par la notion même de roman philosophique pour caractériser À la recherche du temps perdu, et plus précisément Du côté de chez Swann, qui sera cette année au programme de la classe de Lettres supérieures (2019-2020). Il s'agit là d'un vrai problème littéraire, qui fera peut-être sourciller les philosophes (de la philosophie dans le roman ?) et laissera perplexes les littéraires (la littérature peut-elle être philosophique ?). C'est pourquoi il conviendra de définir les contours de ces champs respectifs - roman et philosophie -, en situant historiquement leur rencontre. Du XVIIIe siècle, avec Rousseau et La Nouvelle Héloïse, Diderot et Jacques le fataliste, aux romans de Hugo, Les Misérables, L'Homme qui rit, Les Travailleurs de la mer, en passant par les «études philosophiques» de Balzac (pensons notamment à La Peau de chagrin, dont le sous-titre de l'édition originale est précisément «roman philosophique»), quels sont les critères qui définissent le caractère philosophique du roman : un personnage philosophe, une histoire qui fait référence à des oeuvres philosophiques ou encore une voix narrative qui disserte et raisonne philosophiquement ? Comment l'énonciation romanesque peut-elle accueillir l'énoncé réflexif ? Des Lumières au romantisme, les modalités de cette association sont-elles identiques ? Tout ce qui relève de la pensée n'appartient pas nécessairement à la philosophie, stricto sensu. Nous verrons ainsi qu'il faudra donner une extension plus large au philosophique qui, dans le roman, ne peut être réduit au conceptuel. Et que dire du roman à thèse ? L'histoire littéraire nous apprend qu'il s'apparente plutôt au roman réaliste (cf. Susan Suleiman, Le Roman à thèse ou l'autorité fictive, PUF, 1983). Aux antipodes, on croise le «roman pensif», selon l'expression de Victor Hugo dans une dédicace de L'Homme qui rit, qui en est comme le modèle. Nous savons en effet que dans Le Roman expérimental, Zola disqualifie pareillement la poésie et la philosophie, qui sont pour lui le propre des «romanciers idéalistes». Zola refuse de frayer avec l'inconnu, dans lequel beaucoup d'écrivains se complaisent, selon lui : «Je crois que les romanciers expérimentateurs doivent également ne pas se préoccuper de cet inconnu, s'ils ne veulent pas se perdre dans les folies des poètes et des philosophes.» (Le Roman expérimental, GF-Flammarion, p. 77.). Ce que le romantisme a tenté d'unir, poésie (1) et philosophie, l'auteur des Rougon-Macquart veut le défaire au nom même de la méthode scientifique de Claude Bernard, qu'il affirme vouloir appliquer à ses romans. S'il paraît évident que le roman de Proust s'élève contre le roman réaliste, est-ce à dire que son ambition philosophique est un héritage du romantisme ? Et quelle est cette ambition ?

Nous partirons de l'essai de Roland Barthes recueilli dans Le Bruissement de la langue, et dont le titre est l'introït de Du côté de chez Swann, «Longtemps, je me suis couché de bonne heure». Barthes y montre que de Jean Santeuil à la Recherche (abréviation communément admise pour À la recherche du temps perdu), en passant par le Contre Sainte-Beuve, Proust hésite entre l'Essai et le Roman. «Cherchant un roman qui ne soit pas fait selon les idées de Sainte-Beuve», il opterait pour une «forme» qui ne soit ni roman ni essai mais les deux à la fois : une «tierce forme», selon le mot de Barthes. De la méditation sur le sommeil, qui ouvre Du côté de chez Swann, à la leçon de philosophie esthétique (sur l'art, l'univers de l'artiste) qui parachève Le Temps retrouvé, Proust développe ce qu'il faut bien appeler des essais théoriques dans un cadre strictement romanesque. Ces essais constituent-ils une forme à part, ainsi que le pense Barthes, ou sont-ils plutôt «sécrétés» par le roman lui-même, selon Luc Fraisse ? Voilà qui incite le lecteur à mettre sa réflexion et sa culture à l'épreuve. Celui-ci sera donc conduit à se demander si, dans le contexte intellectuel de la Recherche, la référence à Bergson est nécessaire pour expliquer les excursus sur la mémoire involontaire, et - de manière plus générale - comment les connaissances philosophiques de Proust, de Leibniz à Schopenhauer, en passant notamment par Kant, Schelling et quelques autres encore, informent son écriture réflexive. N'oublions pas non plus que le célèbre critique littéraire Albert Thibaudet, en 1923, rattache l'oeuvre proustienne aux Essais de Montaigne, tandis qu'Aldous Huxley, dans Along the Road, affirme retrouver dans celle-ci les maximes de La Rochefoucauld sur l'amour... Le cours cernera également cette interférence avec la pensée des moralistes.

Mais comme c'est le cas à chaque «Rencontre», la conférence commencera par interroger notre invité sur son parcours intellectuel, ses passions et, en l'occurrence, son travail de professeur entièrement consacré à la critique, que l'on a coutume de nommer «littérature secondaire». Fasciné, comme Proust, par les cathédrales, Luc Fraisse étudie minutieusement l'édifice des oeuvres littéraires dans ses nombreux ouvrages et articles. Dans L'Oeuvre cathédrale, il propose un dictionnaire qui analyse le symbolisme de la création littéraire dans la Recherche, en s'appuyant sur la connaissance proustienne de l'architecture médiévale. Lisant dans le premier quatrain des «Correspondances» de Baudelaire une image qui éclaire la démarche de Proust («La nature est un temple où de vivants piliers...»), Luc Fraisse explore avec finesse et brio les «forêts de symboles» qui s'étendent de Du côté de chez Swann au Temps retrouvé (On observe également cet intérêt pour le processus de création dans des travaux sur d'autres auteurs. Citons, entre autres Shakespeare, Potocki, Henri Bosco et Claude Simon.). Mais Luc Fraisse est aussi passionné par l'histoire littéraire, à laquelle il a consacré de nombreux travaux, cherchant à faire dialoguer les approches critiques les plus diverses dans une synthèse qui en tire le meilleur. Il accorde, par exemple, une attention toute particulière à «l'étude des sources», qu'il se réapproprie en la remettant en perspective et en la croisant avec des méthodes aussi différentes que celles de Charles Mauron, dans son Introduction à la psychocritique, et Jean Rousset, dans Forme et signification - pour ne citer que ces auteurs. Enfin, Luc Fraisse nourrit tout autant sa réflexion critique en s'inspirant des écrivains eux-mêmes. Citant Julien Gracq au début de La Petite musique du style, il en extrait «un enseignement général sur la création littéraire» qui le guide dans son travail : «Chaque écrivain porte en lui une bibliothèque de formes.» (p. 9). Voilà une belle formule qui semble bien symboliser le regard critique de Luc Fraisse. Il nous fera l'honneur de sa présence le 26 novembre prochain, et nous sommes d'ores et déjà impatients de l'écouter sur le thème de cette 7e édition des Rencontres de Pierre d'Ailly ! Nous le remercions par avance d'accepter de nous faire profiter généreusement de sa grande curiosité intellectuelle et de son immense érudition.

La démarche du cours :

Cette conférence est articulée au cours d'Histoire littéraire sur l'oeuvre de Marcel Proust, écrivain du XXe siècle. Ce cours du lundi fera écho au cours Genres / Notions du vendredi sur le roman. L'approche du problème littéraire énoncé ci-dessus partira du triple questionnement suivant, adapté à la curiosité des futurs Hypokhâgneux : qu'est-ce qu'un roman ? Qu'est-ce qu'un roman philosophique ? Peut-on lire le roman proustien dans cette perspective ?

Contre le séparatisme techniciste (2) et l’émiettement des savoirs, on voudrait montrer aux étudiants - même très modestement - l’unité de la pensée créatrice - de Proust, en l'occurrence - et les convergences des disciplines (études littéraires, philosophie, histoire, sciences humaines), malgré leurs évidentes différences épistémologiques. Le travail et la réflexion de Luc Fraisse sont d’une aide précieuse pour étudier le sens de l’oeuvre proustienne dans cette perspective.

(1) Au sens étymologique de création littéraire.

(2) Le technicisme est la maladie scolaire du formalisme, la réduction du texte à ses procédés, ce qu'il faudrait pouvoir combattre, ne serait-ce que pour redonner goût à la littérature. L'étude des formes littéraires est tout à fait légitime - et même nécessaire : la problématique de cette nouvelle conférence le démontre ! -, mais elle n'a bien évidemment rien à voir avec la procédémania...


Luc Fraisse a été invité mardi 29 janvier au Collège de France par Antoine Compagnon - dans le cadre du cours annuel de ce dernier consacré à PROUST ESSAYISTE - pour donner une conférence sur le sujet suivant :

« Le roman de Proust se termine-t-il par un essai théorique?»

Visionner la conférence de Luc Fraisse sur le site du Collège de France.


BIBLIOGRAPHIE NON EXHAUSTIVE

Le Processus de la création chez Marcel Proust, Paris, Corti, 1988. Publié avec le concours du C.N.R.S.

Proust en toutes lettres, Paris, Bordas, 1989. En collaboration avec Michel Raimond.

L’Œuvre cathédrale – Proust et l’architecture médiévale, Paris, Corti, 1990. Ouvrage couronné par l’Académie française – prix de l'essai 1991 – ; rééd. augmentée Paris, Classiques Garnier, «Bibliothèque proustienne», 2014.

Lire « Du côté de chez Swann », Paris, Dunod, 1993 ; rééd. Paris, Armand Colin, 2005.

« Roméo et Juliette » et la dramaturgie shakespearienne, Strasbourg, Presses Universitaires, 1994.

Le Mystère de la cathédrale de Gap, documents inédits publiés pour le centenaire (1895-1995), Gap, Éditions des Hautes-Alpes, 1994.

L’Esthétique de Marcel Proust, Paris, SEDES, 1995.

Marcel Proust au miroir de sa correspondance, Paris, SEDES, 1996.

Proust et le japonisme, Strasbourg, Presses universitaires, 1997.

La Correspondance de Proust – son statut dans l’œuvre, l’histoire de son édition, Besançon, Annales littéraires de Franche-Comté, 1998.

« Sodome et Gomorrhe » de Marcel Proust, Paris, SEDES, 2000.

Les Fondements de l’histoire littéraire, de Saint-René Taillandier à Lanson, Genève-Paris, Champion, « Romantisme et modernités », 2002. Prix Roland de Jouvenel de l’Académie française.

Potocki et l’imaginaire de la création, Paris, Presses universitaires de Paris-Sorbonne, coll. « Lettres françaises », 2006.

L’Histoire littéraire, un art de lire, Paris, Gallimard, « La Bibliothèque », 2006.

La Petite Musique du style. Proust et ses sources littéraires, Paris, Classiques Garnier, « Bibliothèque proustienne », 2011.

L’Éclectisme philosophique de Marcel Proust, Paris, Presses universitaires de Paris-Sorbonne, coll. «Lettres françaises», 2013. Ouvrage couronné par le prix de la Critique de l'Académie française 2014.

Marcel Proust et Reynaldo Hahn. Une création à quatre mains, en collaboration avec Philippe Blay et Jean-Christophe Branger, Paris, Classiques Garnier, « Bibliothèque proustienne », 2018.

Proust et la stratégie militaire, Paris, Hermann, « Savoir Lettres », 2018.

Proust et Versailles, Paris, Hermann, 2018.


6e édition des RENCONTRES DE PIERRE D'AILLY

(Lire le billet du 11 décembre 2018)

Conférence de Bertrand Degott sur le Verlaine de Romances sans paroles LUNDI 26 NOVEMBRE 2018, à 14 heures, salles Saint-Nicolas, 3 rue Jeanne d'Arc, à Compiègne.

Thème de cette nouvelle conférence :

VERLAINE ET L'ART POÉTIQUE : POETA VATES OU POETA FABER ?

Bertrand Degott, enseignant-chercheur à l’Université de Besançon, poète et traducteur des Sonnets de Shakespeare, tentera de répondre à cette question, en prêtant plus particulièrement attention au recueil intitulé Romances sans paroles (1874), qui sera au programme de la classe de Lettres supérieures, à la prochaine rentrée. Sa réflexion sur l’œuvre de Verlaine nous donnera l’occasion de l’entendre aussi sur sa propre poésie, que l’on peut lire dans plusieurs livres publiés, notamment, chez Gallimard et aux éditions de La Table ronde. Il a publié sa thèse sous le titre Ballade n’est pas morte. Étude sur la pratique de la ballade médiévale depuis 1850, Annales littéraires de l’Université de Franche-Comté, 1996.

L'opposition, ancienne, entre le poète «inspiré» (poeta vates) et le poète «artisan» (poeta faber) questionne la nature de la poésie et permet de problématiser les enjeux de l'art poétique : d'Aristote à Boileau, en passant par Horace, et jusqu'à Claudel, et même plus récemment Guillevic ou Michel Deguy (il y en a d'autres), il n'est pas de poète - ou de théoricien de la poésie - qui n'ait réfléchi à la «nature» du poème et à ses conditions d'énonciation, qu'il insiste sur des règles, des techniques voire sur le «métier» ou qu'il privilégie le furor poeticus, inspiration du dieu ou de la Muse, ou encore la «sorcellerie évocatoire» (Baudelaire) et «l'alchimie du verbe» propre au Voyant (Rimbaud) : «Nascuntur poetae, fiunt oratores», selon le mot de Quintilien, qui affirme que l'on naît poète mais que l'on devient orateur... Diderot, dans la Suite de l'Entretien, dit cependant, à propos du poète latin Horace : «Ce poète, ou faiseur...», selon le sens de l'étymologie de poète et de poésie. Mais la création poétique est-elle exactement du même ordre que la fabrication d'un objet? Il faut se méfier des réponses hâtives.

Hypothèse : si une telle opposition a pu traverser le temps, c'est qu'elle ravive et reconduit parfois - selon des modalités diverses et mutatis mutandis (1) - certaines des grandes querelles dont nous ne sommes pas encore tout à fait sortis, celles qui rendent antagoniques le classicisme et le romantisme (et avant lui le baroque), l'apollinien et le dionysiaque (Nietzsche), le fond et la forme, la matière et l'esprit, le corps et l'âme, le visible et l'invisible... Voilà un beau noeud gordien, impossible à trancher, que nous essaierons toutefois de comprendre, à la lumière de cette proposition de Baudelaire, qui fait fusionner le poétique, le rhétorique et le métaphysique : « Car il est évident que les rhétoriques et les prosodies ne sont pas des tyrannies inventées arbitrairement, mais une collection de règles réclamées par l’organisation même de l’être spirituel» ( Salon de 1859, « Le Gouvernement de l’imagination », dans Curiosités esthétiques, Classiques Garnier, éd. de Henri Lemaître, p. 328). La situation du Verlaine des Romances sans paroles est complexe : lorsqu'en 1874 notre poète affirme, dans son fameux «Art poétique», «De la musique avant toute chose !», de quoi parle-t-il, au juste ? La musique n'est-elle pas ce qui caractérise en propre Orphée, le « Threicius vates », présenté par Virgile, dans les Géorgiques comme un poète inspiré par les dieux ? Mais comment comprendre alors sa charge contre l'inspiration, dans son étude sur Charles Baudelaire, où il écrit, sous l'autorité de l'auteur des Fleurs du Mal : «...elle (l'inspiration) fait des dupes jusque chez les poètes... - l'Inspiration - ce tréteau ! - et les Inspirés - ces charlatans ! - ... » (Oeuvres en prose complètes, «Bibliothèque de la Pléiade», p. 605) ? A travers l'exemple de Verlaine, nous essaierons de voir si l'opposition entre le vates et le faber, opposition aussi symbolique que schématique en fin de compte, ne dissimule pas un autre problème poétique, que le romantisme a mis au premier plan de l'art et qui est apparu en définitive comme la fin ultime de la poésie, mettant « l’inspiré » et « l’artisan » sur la même voie, à défaut de les réconcilier : le problème de la connaissance poétique. Il nous sera très utile d'entendre à ce sujet un fin spécialiste des formes poétiques, poète lui-même et traducteur de poésie, qui écrit en vers, notamment des sonnets, s'intéresse et s'adresse parfois aux anciens, tel Jean-Baptiste Chassignet (1571-1635), auteur, entre autres, d'un recueil poétique intitulé Le Mépris de la vie et consolation contre la mort (1594). Ainsi dans Battant, éditions de La Table Ronde, coll. «L'Usage des jours» :

A J. B. Chassignet (A)

Il a fait froid ces derniers jours à Besançon

si froid qu’avec la bise le beau temps persiste

mais c’est l’hiver et je pense à toi (Jean-Baptiste)

aux psaumes, au mépris… sais-tu que des glaçons

se sont formés dans nos fontaines ? nos rues sont

froidement celles que tu as connues, moins tristes

pourtant, peut-être… et puis, comment te dire ? Christ

n’a-t-il pas étoilé la vitre où nous passons

nos doigts comme autrefois dans les dessins du givre ?

sur tes bouquins je m’écarquille encore les yeux

je mets ma phrase à la forme interrogative

mais comment te parler ? comment dire, grands dieux !

-par-delà quatre siècles – que sa violence

je l’éprouve aujourd’hui jusque dans ton silence…

Ainsi quand il traduit les sonnets de Shakespeare, « mis en vers français », et que dans son travail il convoque, pour « définir » la poésie shakespearienne ou expliquer ses partis pris, Pétrarque, Wordsworth, Hugo, Mallarmé et Yves Bonnefoy (1923-2016), immense poète récemment disparu et lui aussi traducteur de Shakespeare. Il faut faire ici une place particulière à Verlaine, « toujours amoureux de la rime », que Bertrand Degott cite pour justifier sa «traduction versifiée». Et le livre est dédié à Jean Grosjean (1912-2006), autre grand poète, également traducteur de nombreux textes bibliques mais aussi de Shakespeare ( il a contribué au prestige éditorial de la NRF auprès de Jean Paulhan, Marcel Arland et Dominique Aury, puis de Georges Lambrichs.). Il a joué, je crois, un rôle important dans la formation poétique de notre invité qui, je l’espère, nous parlera aussi de cette belle rencontre. Ce dialogue entre l’Ancien et le Nouveau est donc fondamental pour nourrir la réflexion sur la poésie aussi bien que sa «pratique».


(A) C'est un sonnet, et malheureusement, la configuration de ce blogue ne me permet pas de restituer la structure strophique de ce poème.

(1) Les termes de ces couples de «contraires» ne sont pas exactement équivalents.


Bibliographie non exhaustive de Bertrand Degott :

Scherwiller : images d'un village (avec François Keck), 1981.

Éboulements et taillis, Gallimard, 1996.

Ballade n'est pas morte, Annales littéraires de l'université de Besançon, 1996.

Avant qu'ils tombent, présentation de Laurent Book, Éd. associatives Clapàs, 1996.

Le vent dans la brèche, Gallimard, 1998.

Plusieurs vols d'étourneaux, Les Deux-Siciles, 2003.

Battant, La Table ronde, 2006.

À chaque pas, L'Arrière-pays, 2008.

More à Venise / Petit testament, La Table ronde, 2013.

Plus que les ronces, L'Arrière-pays, 2013.

« La Corde bouffonne. De Banville à Apollinaire», in Études françaises, vol. 51, 3, numéro préparé par Arnaud Bernadet et Bertrand Degott, Montréal, 2015

Traduction

Sonnets de William Shakespeare, La Table ronde, 2007.


5e édition des RENCONTRES DE PIERRE D'AILLY

(Lire le billet du 11 décembre 2017)

Conférence de Béatrice Didier sur le Chateaubriand des Mémoires d'outre-tombe JEUDI 30 NOVEMBRE 2017, à 14 heures, à l'Université de Technologie de Compiègne, amphithéâtre Colcombet.

Thème de cette nouvelle conférence :

CHATEAUBRIAND, POÈTE DU SOUVENIR

C’est en effet le poète du souvenir qui nous intéressera, celui des joies de l’automne, de la Sylphide et de la grive de Montboissier, de la conversation avec la lune et de la rêverie au Lido. Son rapport au romantisme sera aussi un axe de réflexion privilégié.

Les points de réflexion suivants, proposés par Béatrice Didier elle-même : Chateaubriand au confluent de plusieurs traditions (autobiographie, mémoires historiques), la remontée de la mémoire : mémoire et oubli (ne pas tout dire), la recherche de l'identité : les Mémoires, moyen d'affirmer l'unité d'une personnalité tripartite (voyageur, écrivain, homme politique) seront articulés aux modalités de l'écriture de Chateaubriand, à ce qui apparaît comme « poétique » dans cette œuvre : harmonies des images et des sonorités, goût du mystère et du sublime, sentiment de l’infini (travail prévu en cours). Et comme les khâgneux aussi ont le romantisme au programme (avec Rousseau, Lamartine et Hugo), nous serons très heureux d’entendre notre invitée sur les rapports que Chateaubriand a entretenus avec le ou les romantismes des XVIIIe et XIXe siècles.

Béatrice Didier, professeur émérite à l’ENS de Paris, est critique littéraire et écrivain. Elle est spécialiste de la littérature des Lumières et du Romantisme et a beaucoup travaillé sur la musique des XVIIIe et XIXe siècles, dans ses rapports avec les œuvres littéraires. Elle dirige actuellement l’édition des œuvres complètes de Chateaubriand, comme elle l’a fait pour George Sand, chez Honoré Champion. Mais elle a aussi écrit sur Stendhal, et son doctorat d’Etat porte sur l’imaginaire chez Senancour. Cette nouvelle « Rencontre » sera pour nous l'occasion de rendre hommage à Béatrice Didier et à son immense oeuvre critique.

Bibliographie :

(à compléter avec les informations que l'on peut consulter sur le site de Béatrice Didier :https://www.beatricedidier.fr/)

L’Imaginaire chez Senancour, Corti, 1966, 2 vol. in-8, reprint Slatkine 2011.

Le XVIIIe siècle, III, 1778-1820, Histoire de la littérature, Arthaud, 1976.

Sade, essai, Denoël, 1976 (partiellement traduit en japonais).

Un dialogue à distance : Gide et Du Bos, Desclée de Brouwer, 1976.

Le Journal intime, PUF, 1976, rééd. 1991, traduit en japonais, 1987.

L’Écriture-femme, PUF, 1981, rééd. 1991.

Stendhal autobiographe, PUF, 1983 (Prix de la critique de l’Académie française).

La Musique des Lumières, PUF, 1985.

Senancour romancier, SEDES, 1986.

La Voix de Marianne, essai sur Marivaux, Corti, 1987.

Le Siècle des Lumières, éd. M. A. (diff. Gallimard), 1987.

La Littérature de la Révolution française, PUF, « Que sais-je ? », 1988.

Écrire la Révolution, 1789-1799, essai, PUF, 1989.

Littérature du XVIIIe siècle, Nathan, 1992, 2e éd. PUR, 2004.

La Littérature française sous le Consulat et l’Empire, PUF, « Que sais-je ? », 1992.

Beaumarchais ou la Passion du drame, PUF, 1994.

Raison et alphabet. Le paradoxe des dictionnaires au XVIIIe siècle, PUF, 1995 (Prix Joseph-Saillet de l’Académie).

Jacques le Fataliste et son maître de Diderot, Gallimard, « Foliothèque », 1998.

George Sand écrivain. « Un grand fleuve d’Amérique », PUF, 1998.

Le Roman français au XVIIIe siècle, Ellipses, 1998.

Les Liaisons dangereuses. Pastiches et ironie, éd. du Temps, 1999.

Chateaubriand, Ellipses, 1999.

Mme de Staël, Ellipses, 1999.

Corinne ou l’Italie de Mme de Staël, Gallimard, « Foliothèque », 2000.

Stendhal, Ellipses, 2000.

Diderot, Ellipses, 2001.

Diderot dramaturge du vivant, PUF, 2001.

La Dictée du bonheur. Paroles, échos et écritures dans La Chartreuse de Parme, Klincksieck, 2002.

Histoire de Gil Blas de Santillane de Lesage, Gallimard, « Foliothèque », 2003.

Beaumarchais ou le Génie de la comédie, à paraître.

À l’extrême de l’écriture de soi. Les derniers textes autobiographiques de J.-J. Rousseau, à paraître.

L’Infâme et le sublime. Les Philosophes des Lumières devant le Sacré, Hachette, en préparation.

Le livret d’opéra au XVIIIe siècle, Oxford, Voltaire Foundation, SVEC, janv. 2013.


4e édition des RENCONTRES DE PIERRE D'AILLY

(Lire le billet du 3 décembre 2016)

Conférence de Mohamed Mbougar Sarr sur Terre ceinte MARDI 29 NOVEMBRE 2016 :

LA LITTÉRATURE, LA POLITIQUE ET LE MAL

La conférence de Mohamed Mbougar Sarr s'inscrira dans le programme de littérature 2016-2017 de l'Hypokhâgne du lycée Pierre d'Ailly, qui comprendra notamment les Maximes de La Rochefoucauld et Les Diaboliques de Barbey d'Aurevilly, éclairées par La Littérature et le Mal, de Georges Bataille, dont les futurs Hypokhâgneux auront lu quelques chapitres importants.

Comme ce programme y invite, la conférence sera aussi placée sous les auspices de Bataille. Mais au-delà de son œuvre, dont on se demandera si les catégories sont pertinentes pour lire Terre ceinte, il sera question de réfléchir plus généralement, avec ce roman, sur la représentation du Mal dans la littérature.

Mohamed Mbougar Sarr est né en 1990 au Sénégal. Il a été formé au Prytanée militaire de Saint-Louis (Sénégal) et au lycée Pierre d'Ailly de Compiègne, où il a été élève en classes préparatoires aux grandes écoles littéraires (Hypokhâgne et Khâgne Lettres modernes) de 2009 à 2012. Il prépare actuellement une thèse de doctorat à l'École des Hautes Études en Sciences Sociales, à Paris. Il a reçu le prix Stéphane Hessel de la jeune écriture francophone en 2014 pour sa nouvelle intitulée « La Cale ».

Distinctions pour Terre ceinte (éditions Présence africaine) :

Prix Ahmadou Kourouma 2015

Grand Prix du Roman Métis 2015

Prix Métis des Lycéens 2015

Finaliste du Prix des Cinq continents de la Francophonie 2015


Sur Terre ceinte (choix) :

Presse écrite et en ligne

*Le Monde : Article en ligne 4 mai 2015 Le roman d’un jeune Sénégalais, Terre ceinte, reçoit le prix Kourouma 2015.

http://www.lemonde.fr/afrique/article/2015/05/04/le-roman-d-un-jeune-senegalais-terre-ceinte-recoit-le-prix-kourouma-2015_4626718_3212.html


*Le Figaro : Article en ligne : 1er décembre 2015 : Mbougar Sarr, Grand prix du Roman Métis.

http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2015/12/01/97001-20151201FILWWW00383-mbougar-sarr-grand-prix-du-roman-metis.php


Télévision et Radio

*France Ô : Emission « Page 19 »

http ://www.franceo.fr/emissions/page-19/videos/episode_17_22-02-2015_936465?onglet=tous&page=4


*France 5 : « Les Grandes Questions » : Va-t-on vivre le meilleur des mondes?

http ://www.france5.fr/emission/50b896a5bb947831d1008027/560e242a706765d0c35b7e06


Entretiens

*Africultures : « Je suis engagé dans un point-virgule ».

http ://www.africultures.com/php/?nav=article&no=12951


*The Dissident : “L’intégrisme est le grand problème du 21e siècle”.

http://the-dissident.eu/7916/mohamed-mbougar-sarr-lintegrisme-est-le-grand-probleme-du-21eme-siecle/


Interventions ou communications universitaires

*Université Lyon II : Intervention sur Le Politique en Littérature africaine

http://passagesxx-xxi.univ-lyon2.fr/le-politique-en-litterature-673656.kjsp


*Communication du Dr Abdoulaye Chimère NDIAYE : « Un palimpseste du chaos: Terre ceinte de Mohamed Mbougar Sarr et Les Possédés de F.M. Dostoïevski » (Colloque sur l’intertextualité au Goethe Institut de Dakar : 12-13 avril 2016)


3e édition des RENCONTRES DE PIERRE D'AILLY

(Lire le billet du 27 novembre 2015)

Conférence de Benoît Chantre sur René Girard JEUDI 26 NOVEMBRE 2015 :

DU DÉSIR MIMÉTIQUE À L'APOLOGIE DU CHRISTIANISME

Le thème de la conférence sera double. Il est d’abord question d’éclairer, pour nos étudiants, la fameuse théorie du désir mimétique que René Girard a commencé à développer dans son livre Mensonge romantique et vérité romanesque en 1961. A cette réflexion littéraire et plus largement anthropologique je souhaite que Benoît Chantre ajoute une réflexion sur le caractère apologétique de l’œuvre de Girard, ce qui permettrait de questionner et de rapprocher avec profit sa démarche de celle de Pascal, dont les Pensées sont au programme des Hypokhâgneux cette année.

Docteur ès lettres et éditeur de sciences humaines, Benoît Chantre est fellow de la fondation Imitatio (San Francisco), membre associé du Centre international d’étude de la philosophie française contemporaine (CIEPFC, Rue d’Ulm), et président de l’Association Recherches Mimétiques. Il a collaboré à diverses revues (Artpress, Esprit, L’Infini, La Revue des deux mondes…), écrit sur des artistes contemporains et organisé des colloques universitaires ou des rencontres d’écrivains, à Paris et à l’Académie de France à Rome (Villa Médicis). Ses recherches portent sur les œuvres de Bergson, Bernhard, René Girard, Levinas, Péguy ou Simone Weil. En tant que dramaturge, il a travaillé pour l’opéra et le théâtre : livret du Chant de Lune (Compiègne, 1991 ; Bourg-la-Reine, 2002) ; dramaturgie du Naufragé de Thomas Bernhard (Avignon, 2001 ; Paris, 2002) ; dramaturgies du Messie de Haendel (Théâtre du Châtelet, Paris, 2011) et du Roi pasteur de Mozart (Théâtre du Châtelet, Paris, 2014). Il partage aujourd’hui son activité entre l’édition, la recherche et l’écriture.

Bibliographie

La Migraine d’Orphée, La Tuilerie tropicale, 1988.

La Divine Comédie, avec Philippe Sollers, Desclée de Brouwer, 2000.

Le Choix de Pascal, avec Jacques Julliard, Desclée de Brouwer, 2004. Réédition : « Champs », Flammarion.

Achever Clausewitz avec René Girard, Carnets Nord, 2007 ; édition revue et augmentée, « Champs », Flammarion, 2012.

Péguy point final, Le Félin, 2014.




Films d’entretiens avec René Girard

La Violence et le sacré, Arte, 2006.

Le Sens de l’histoire, Centre Pompidou, 2008.


2e édition des RENCONTRES DE PIERRE D'AILLY

(Lire le billet du 10 juin 2015)

Conférence de Lucie Albertini-Guillevic VENDREDI 29 MAI 2015 sur l’un des plus grands poètes du XXe siècle : Guillevic (1907-1997).

«L’EXIGENCE DE L'HIRONDELLE / EST AUSSI IMPÉRIEUSE QUE CELLE DE L'OCÉAN. » : RÉFLEXION ET DISCUSSION SUR LA POÉSIE DE GUILLEVIC : TERRAQUÉ (1942)

Lucie Albertini-Guillevic a été la compagne du poète de Terraqué et de Du domaine jusqu’à sa mort, en 1997. Elle est écrivain, traductrice et éditrice des œuvres posthumes de Guillevic chez Gallimard.

Dernières parutions :

Accorder. Poèmes 1933-1996. Édition et postface de Lucie Albertini-Guillevic. Gallimard, collection Blanche, 2013.

Relier. Poèmes 1938-1996. Édition et préface de Lucie Albertini-Guillevic. Gallimard, collection Blanche, 2007.


1re édition des RENCONTRES DE PIERRE D'AILLY

(Lire le billet du 25 novembre 2013)

Conférence de Michel Crépu, directeur de la Revue des Deux Mondes et écrivain (directeur de la NRF depuis janvier 2015) MARDI 19 NOVEMBRE 2013 :

LE NUMÉRIQUE, LA CULTURE, L'HUMANISME ET «L'OTIUM».

Quelques livres de Michel Crépu :

Charles Du Bos, éditions du Félin, 1990.

Tombeau de Bossuet, éditions Grasset, 1997.

Ce vice encore impuni, précédé de Le Silence des livres, par George Steiner, éditions Arléa, 2006.

Le Souvenir du monde.- Essai sur Chateaubriand, éditions Grasset, 2011.

Lecture : Journal littéraire (2002-2009), éditions Gallimard, coll. « L’Infini », 2012.

En découdre avec le pré. – Sur Philippe Jaccottet, éditions des crépuscules, 2012.

Un jour (récit), éditions Gallimard, 2015.