Philippe Le Guillou, dans la salle Jeanne d'Arc de l'ancien Hôtel-Dieu Saint-Nicolas, à Compiègne, jeudi 24 novembre 2022.

La 8e édition des Rencontres de Pierre d'Ailly a été à nouveau un grand succès. Philippe Le Guillou nous a fait partager sa passion de la transmission et son goût pour le roman avec un enthousiasme inépuisable. Qu'il en soit vivement remercié !

Je remercie Madame Bourrelier, proviseur du lycée Pierre d'Ailly, qui a permis ces «Rencontres» et en a présenté cette 8e édition, en attente depuis 2020, à cause de la covid. Merci, enfin, à tous les participants, à M. Wieczorek, proviseur adjoint, aux collègues qui ont bien voulu encadrer les élèves et les étudiants présents ; à M. Miljevic, responsable des salles Saint-Nicolas, qui nous a accueillis avec sa bienveillance coutumière dans ce lieu mémorable.

Merci à Chloé S., HK, et à Axelle D., KH, pour leurs belles photos !


AVANT LA CONFÉRENCE, DEVANT LES SALLES SAINT-NICOLAS

Philippe Le Guillou et Évelyne Bourrelier


Les professeurs des classes préparatoires littéraires présents : (de gauche à droite) Aurélien Langlois, professeur d'Anglais ; Mélanie Jecker, professeure d'Espagnol ; Céline Vasseur, professeure de Philosophie ; Céline Barraud, professeure de Langues anciennes ; Sabine Peiffert, professeure d'Histoire ; Alexandre Jenn, professeur de Lettres.


EXORDE

Évelyne Bourrelier, proviseur, présentant la 8e édition des Rencontres de Pierre d'Ailly devant un auditoire de deux cents personnes dans la belle salle Jeanne d'Arc.


CONFÉRENCE

Philippe Le Guillou


Évelyne Bourrelier, Philippe Le Guillou et Reynald André Chalard


Une partie de l'auditoire, avant les questions posées à l'invité : aux premiers rangs, les classes préparatoires littéraires du lycée Pierre d'Ailly (Hypokhâgne et Khâgne), puis des élèves de première et de terminale, accompagnés de leurs professeurs.


Philippe Le Guillou et Reynald André Chalard, écoutant les questions posées par l'auditoire.


M. Benjamin Wieczorek, proviseur adjoint du lycée Pierre d'Ailly, derrière deux Khâgneuses et un Hypokhâgneux attentifs (Maelwenn D., Barbara LG. et Andy H.).


Pour introduire la conférence (discours de présentation de Reynald André Chalard) :

Nous voilà réunis aujourd’hui pour une nouvelle édition des « Rencontres de Pierre d’ Ailly», la 8e en réalité, qui aurait dû avoir lieu le 1er décembre 2020, et qui a été reportée à plusieurs reprises à cause de la Covid, mais qui peut enfin se tenir aujourd’hui. Merci à tous de votre présence.

Les enjeux de ces « conférences » - je le rappelle - tournent autour de la littérature, de l’expérience esthétique et éthique qu’elle nous propose, de ce qu’elle nous donne à penser de notre rapport au monde, des problématiques qu’elle permet de croiser, au carrefour de la philosophie, de l’histoire et plus largement des sciences humaines. (Page à consulter sur ce blogue : LES RENCONTRES DE PIERRE D'AILLY).

Le nouveau thème de réflexion choisi cette année porte sur deux œuvres au programme de L’Hypokhâgne : Le Donjon de Lonveigh (roman publié en 1991) et Le Roman inépuisable, roman du roman (publié en 2020), dont l’auteur est M. Philippe Le Guillou, que nous avons le plaisir et l’honneur de recevoir aujourd’hui, dans le sillage de deux précédentes éditions des « Rencontres de Pierre d’Ailly » qui étaient aussi consacrées au roman : l’une, en 2019, avec l’éminent spécialiste de Proust, Luc Fraisse, qui nous a aidés à poser et à comprendre le problème des rapports que le roman entretient avec la philosophie dans À la recherche du temps perdu ; l’autre, au mois de mai de cette année, avec notre ancien élève en classe préparatoire littéraire, Mohamed Mbougar Sarr, devenu écrivain après sa deuxième Khâgne, et prix Goncourt 2021 pour La Plus secrète mémoire des hommes. La littérature est une fête, pensait Jean Paulhan, l’un des plus prestigieux directeurs de la NRF, et cette fête continue aujourd’hui avec l’œuvre imposante, riche et multiple de Philippe Le Guillou, romancier et essayiste. Presque toute son œuvre, qui compte maintenant de nombreux volumes, est publiée chez Gallimard, dans la collection «Folio ». Vous avez obtenu cher M. Le Guillou de nombreux prix littéraires, dont le Médicis pour Les Sept noms du peintre, en 1997, et le prix Charles Oulmont de la Fondation de France en 2001, pour votre roman Le Roi dort. Vous avez écrit de nombreux essais sur Chateaubriand, De Gaulle et Julien Gracq, avec lesquels vous avez des affinités électives. Vous êtes également, et c’est votre métier, Inspecteur général de l’Éducation nationale, agrégé des Lettres et docteur en Littérature française. Il est important de souligner que vous avez été professeur en classes préparatoires aux grandes écoles et à l’Institut d’Études Politiques de Paris. On peut dire, je crois, que ce goût voire cette passion de la transmission ne vous a jamais quitté et qu’elle nourrit même votre travail d’écrivain, comme nous aurons l’occasion de l’observer tout au long de cette conférence.

Œuvre imposante, ai-je lancé, œuvre importante devrais-je également ajouter, qui a donné lieu à des journées d’études et, récemment, à un colloque qui s’est tenu à l’École normale supérieure de la rue d’Ulm, à Paris, et dont les actes ont paru au printemps dernier dans la collection des prestigieux Cahiers de la NRF, portant un titre très suggestif : Géographies intérieures. Luc Vigier identifie ainsi dans cette œuvre très variée plusieurs cycles, au sein desquels on peut trouver des genres différents, mais aussi des récits autobiographiques qui croisent « les grandes scansions légendaires » ou des romans qui glissent, dit-il, « vers la mythologie autobiographique », l’ensemble laissant entrevoir « des porosités multiples » et « générant un effet de totalité obsessionnel » - cette idée est cruciale, et j’y reviendrai (Philippe Le Guillou. – Géographies intérieures, Actes du colloque de la rue d’Ulm, éditions Gallimard, coll. « Les Cahiers de la NRF », 2022, pp. 9-10.).

Dès lors, parler de « cycle breton » ou « celtique et arthurien » (L'Orée des flots. Rêverie tristanienne, suivi de Pour une poétique arthurienne, Artus, 1997 ; Le Donjon de Lonveigh, Gallimard, 1991) ; Livres des guerriers d'or, Gallimard, 1995…), de « cycle des papes » (auquel appartient Le Dieu noir, 1987, chronique d’un pape africain imaginaire), de « cycle autobiographique » (Le Passage de l'Aulne, Gallimard, 1993, Les Marées du Faou, Gallimard, 2003, où fiction et récit personnel conjuguent leurs efforts pour parler de soi), de cycle « pictural », avec par exemple Les Sept Noms du peintre (1997), de « cycle parisien », de « cycle politique » ou encore de « cycle de la foi » n’a-t-il pas qu’un intérêt taxinomique relatif : où ranger Les Années insulaires, Gallimard, 2013, qui met le peintre « insulaire » Kerros face au président Pompidou et à ses projets modernistes ? Où ranger Le Bateau Brume, Gallimard, 2010, qui raconte l’itinéraire de deux frères jumeaux, Gilles et Guillaume Vègh, l’un homme politique, l’autre peintre ? C’est peut-être le cycle de la foi qui est le plus homogène, par son objet religieux, par ses récits sur le Christ ou sur les saints, comme saint Guénolé ou sainte Thérèse de Lisieux.

Il y a pourtant des invariants, dans toutes ces œuvres, que l’on retrouve magistralement orchestrés, par exemple, dans Le Donjon de Lonveigh (1991), votre cinquième livre mis au programme de l’Hypokhâgne cette année. L’itinéraire du personnage principal, et souvent celui de son double, apparaît comme un parcours initiatique que seul un art en harmonie avec soi et avec le cosmos peut ritualiser pour en manifester le sacré, c’est-à-dire une expérience totale de l’être, aussi bien physique que métaphysique : expérience du sacré qui, pour se régénérer, passe par la rédemption du sacrifice, lequel peut aller du don de soi jusqu’à son anéantissement. Dans Mon cœur mis à nu, Baudelaire affirme qu’« il n’y a de grand parmi les hommes que le poète, le prêtre et le soldat, l’homme qui chante, l’homme qui bénit, l’homme qui sacrifie et se sacrifie.» (Folio, p. 102). Vos œuvres, qui peuvent se lire comme une théorie des exceptions (Sollers), en sont, d'une certaine manière, l’illustration convaincante. Ainsi, la figure du grand écrivain, avec son aura et sa part de mystère, hante Le Donjon de Lonveigh. Le narrateur qui en raconte l’histoire, critique littéraire et éditeur aux éditions Gallimard, est un lecteur admiratif et passionné qui cherche à écrire le « roman de Thomas Daigre » à partir des entretiens que celui-ci lui a accordés dans son château irlandais. Dès lors, le narrateur veut percer le secret de celui qui, compromis avec la Collaboration, quitta la France et se mura ensuite dans le silence, solitaire dans son donjon. Tout le roman est construit sur cette rencontre bouleversante, qui confronte le narrateur à la signification sacrificielle de l’acte d'écrire (l'écrivain, double de saint Sébastien percé de flèches ?), les carnets de Thomas Daigre émaillant la narration à de nombreuses reprises pour laisser entrevoir les éclats miroitants d’une œuvre étrange et méconnue, mais constamment désirable, comme l’est aussi, sans doute, pour le narrateur, Florence, la fille de l’écrivain reclus, qui peint et aime avec la même violence que celle du paysage marin, des tourbières et des loughs, dont la description lancinante renvoie aux mêmes puissances envoûtantes qui tourmentent les personnages.

Autre invariant : « Il n’est de lecture possible que poétique », écrit Thomas Daigre, dans l’un de ses carnets (Folio, p. 156). Il est donc nécessaire d’être attentif à tout ce qui, dans ce roman, excède l’événement et veut atteindre au poème - et dans le poème, à la parole originelle, c'est-à-dire au mythe -, en pensant mutatis mutandis à Mallarmé, qui voyait dans le roman de son ami Rodenbach, Bruges-la-Morte, un « poème, infini par soi mais littérairement un de ceux en prose les plus fièrement prolongés. » (Lettre du 28 juin 1892), mais en n'oubliant pas non plus ce que dit Remy de Gourmont du « roman éternel», conçu dès l'origine comme un poème (cf. Promenades littéraires, 7e série, 1927, où il cite, vers et prose, l'Odyssée et Don Quichotte, Wilhelm Meister et Tribulat Bonhomet, Vita nuova et L'Éducation sentimentale : ne peut-on pas voir là un prolongement de la conception romantique du roman également pris en charge par Philippe Le Guillou ?). Cette écriture recherche en effet par moments la «sorcellerie évocatoire » d’un lyrisme tout entier habité par « l’imaginaire du secret », pour reprendre le titre d’un livre suggestif de Pierre Brunel, le secret étant l’une des modalités de l’attente du sens et, paradoxalement, de son omniprésence, à travers les épiphanies du symbole qui travaillent le texte.

Invariant tout aussi important : l’épreuve du paysage. Thomas Daigre, l’homme des « pulsions » et des « fascinations sordides », l’homme de la transgression, que faisait «jouir » enfant le récit d’une exécution capitale fait par son grand-père, passe ses nuits à attendre. La nuit d’Irlande allégorise sa nuit intérieure, que lui révèlent les éléments naturels qu’il observe depuis son donjon. Mais l’harmonie s’est rompue, et contrairement à l’expérience énoncée par Baudelaire dans le poème en prose intitulé «Le Confiteor de l’artiste » (dans Le Spleen de Paris), il ne parvient plus à penser par la nature, comme la nature ne pense plus par lui. Il ne parvient plus, dans les «lieux vrais » - tel le narrateur découvrant la Chaussée des Géants – à se « raccorder » « à l’ossature du monde » (p. 141). Thomas Daigre est vaincu par le paysage irlandais qui l’attire irrémédiablement dans la profondeur de ses tourbières. Son donjon lui apparaît alors comme une sorte de bateau ivre qui ne démarre jamais et menace de prendre l’eau. Écrivain incapable de retrouver sa puissance de création d’autrefois, il reste prisonnier de lui-même et ne peut incarner les possibilités de cet être autre auquel il aspire. La seule ivresse qu’il connaisse lui vient de sa consommation excessive de whisky. Son histoire est finalement celle d’un grand écrivain raté qui n’a peut-être pas su être à la hauteur des mythes que ses œuvres ont magnifiés. Cher M. Le Guillou, il n’y a certes pas de donjon à Lonveigh, que vous avez inventé, comme il n’y a pas de château à Argol… Mais vous avez rêvé cette forteresse et son architecture, parce que, comme l’écrit très justement Victor Brombert, en pensant à la thèse de Maurice Lévy sur le roman noir, c’est là que se fixent «les manifestations d’une inquiétude» provoquée par « l’espace nocturne (et) le rêve d’une expérience verticale. » (Victor Brombert, La Prison romantique, José Corti, 1975, p. 57. Maurice Lévy, Le Roman gothique anglais 1764-1824, Albin Michel; coll. «Bibliothèque de l'Évolution de l'Humanité», 1995, en particulier le chapitre X intitulé «Structures profondes», p. 601-643.). A quoi on peut ajouter ces mots d’Annie Le Brun, que vous mentionnez dans l’avant-propos qui introduit au roman :

« Faut-il donc que les formes, les lieux, les êtres qui nous retiennent le plus, soient ceux qui livrent le moins leur secret et masquent le mieux le cours de notre vie ? Comme si chaque séduction se déployait en écran où reviendraient toujours se jouer, en se jouant de nous, nos rares raisons d’exister. Sans doute n’aimons-nous que des énigmes. » Annie Le Brun, Les Châteaux de la subversion, Gallimard, coll. « Folio », 1986 (1982), p. 9.

On le voit, votre conception du roman appartient à une esthétique et à une éthique qui tournent résolument le dos aux expérimentations de l’avant-garde qu’ont pu promouvoir jusque dans les années 70 des mouvements ou des « écoles » comme le « Nouveau Roman », Tel Quel ou encore l’OuLiPo. Vous faites partie d’une génération de romanciers telle Sylvie Germain, par exemple, – devancés, certes, par des « alliés substantiels » comme Michel Tournier et Le Clézio - et de poètes – tels Marie-Claire Bancquart et Jean-Pierre Lemaire - qui, à la fin des années 80, portent une plus grande attention à « l’expérience ontologique de l’existence », jugée plus importante que « l’auto-divination du langage » inspirée par une lecture formaliste de Rimbaud et de Mallarmé (cf. La Poésie au tournant des années 80, éditions José Corti, 1988, p. 7). C’est ainsi que dans ces années-là on revient à Baudelaire, poète dont la modernité ne court pas le risque de l’hermétisme et s’intéresse aussi bien au fugace qu’à l’éternel ; que le roman, avec des écrivains qui ont longtemps brillé par leurs théories comme Philippe Sollers et Alain Robbe-Grillet (que vous évoquez dans Le Roman inépuisable), retrouve le récit linéaire avec personnages. Vous-même, à partir de votre lecture des romans de Chrétiens de Troyes et du mythe de Tristan et Iseut (et plus largement de la matière de Bretagne), du roman mythologique de Michel Tournier, et de la poésie paysagère de Gracq et de Patrick Grainville – pour ne citer qu’eux -, vous imaginez, en 1997, -avec un enthousiasme saisissant -une poétique arthurienne qui continue les scripteurs médiévaux, dont « le travail, écrivez-vous, est emblématiquement inachevé » : «Le mythe doit être sans cesse dit et redit à l’orée des flots, comme une partition sacrée qui appelle en permanence de nouveaux accomplissements. Pour cela, il doit être raccordé à la souche irlandaise et primitive, il doit être retrempé dans le bain de ses mers d’origine. Toute poétique pleinement arthurienne doit être soucieuse de manifester ce feuilleté, cette stratification vivante qui montre l’ancrage fondateur. » Pour une poétique arthurienne, éditions Arthus, 997, p. 106.

On peut ainsi dire que cette poétique est le terreau de votre pratique d’écrivain mais aussi de lecteur. Les deux s’accordent pour faire l’éloge du roman, dans une méditation personnelle sur les œuvres qui vous ont particulièrement marqué et parfois même incité à prendre la plume, à votre tour. Ce « roman du roman », sous-titre repris à l’écrivain Jacques Laurent, dessine les cartes d’une véritable géographie littéraire (cf. Albert Thibaudet, « Pour la géographie littéraire », NRF, avril 1929.). Bien que le seul critère de vos choix repose sur vos propres goûts, vous y procédez – du moins au début – un peu comme Mme de Staël (citée p. 56 pour railler son roman bavard et touristique Corinne) qui, dans De la littérature (1800), faisait la distinction entre les littératures du Nord et celles du Midi. Vous fondant, comme elle – mutatis mutandis – sur les données imaginaires d’aires culturelles différentes, vous opposez de manière très suggestive une « matière guerrière (…), celle des dieux grecs et latins » à une « matière élémentaire et paysagère (…) traversée de songes et d’enchantements » (Le Roman inépuisable, p. 19). Votre préférence va bien évidemment à la matière de Bretagne, dont les images vous fascinent tout autant qu’elles vous permettent de résister à la routine et à la fadeur, selon vos propres mots. Vous confirmez ainsi que, contrairement à un jeune romancier des années 90 qui vous avez interpellé à ce sujet, l’imaginaire du roman du XXIe siècle ne sera pas celui de l’autoroute ! (Pour une poétique arthurienne, éditions Arthus, 1997, p. 107.) Aux antipodes de cet adaptationnisme littéraire : « Toute fiction est hantée, elle porte son mundus imaginalis comme le dit Durand, un monde d’images trempé de mystère et de nuit. Toute fiction est l’expression, la transfiguration de quelque chose qui vient d’un amont, d’une origine indécelable » (Le Roman inépuisable, p. 70). D’où votre intérêt constant pour la critique de Gaston Bachelard et ses travaux sur l’imagination matérielle, travaux poursuivis et approfondis par Gilbert Durand dans Les Structures anthropologiques de l’imaginaire – 1969- (la conscience n’est pas transparente, elle est faite de couches d’images qui s’y superposent…écrit Georges Poulet dans La Conscience critique). Archétypes et symboles vous guident ainsi dans l’exploration de cette « origine indécelable », véritable carrefour anthropologique où se mêlent désir de lire et d’écrire, nécessité de croire, d’espérer et de transmettre.

Car -ars legendi, ars poetica - avec Le Roman inépuisable vous nous proposez non seulement un art de lire mais aussi un art poétique qui ont tous deux pour vocation la transmission. Dans des pages qui rappellent l’heureux temps où les écrivains parlaient eux-mêmes des écrivains, avec autant d'autorité que de finesse, notamment dans la série des Tableaux de la littérature française lancée par Gide en 1939, vous convoquez vos « Pères » et vos « Pairs » en littérature, en parlant des romans qui ont compté pour vous : Chrétien de Troyes, Chateaubriand, Barbey d’Aurevilly, Proust, Malraux, Gracq, Montherlant, Tournier, Grainville… Ce roman est donc essentiellement français – vous n’êtes pas un émule de Kundera dans L’Art du roman, où il fait de l’œuvre de Cervantès, notamment, la matrice du roman européen. Vous lui opposez Proust sans hésiter. Ce roman, vous dites qu’il est inépuisable – contrairement à Richard Millet qui, dans L’Enfer du roman, y voit la marque de ce qu’il appelle la postlittérature – et qu’il a besoin de passeurs, mot qui revient souvent dans votre livre pour désigner aussi bien le romancier qui transmet par son œuvre que le professeur qui transmet les œuvres par son enseignement. Le Passeur, c’est aussi le titre d’un essai publié en 2019, où ne s’exprime pas seulement le romancier mais aussi le professeur de lettres que vous fûtes, et l’Inspecteur général que vous êtes toujours, rédigeant un plaidoyer pour l’explication de texte qui, avec intelligence dites-vous, doit être fondée sur une « rencontre » avec l’œuvre, « une sorte d’acquiescement à une présence, (contre les) grilles qui virent immanquablement au lit de Procuste. » p. 149. Car « l’explication d’un texte littéraire est avant tout un acte de lecture et le vrai lecteur, si l’on se met dans les pas du narrateur proustien à la fin du Temps retrouvé n’est jamais que le lecteur de lui-même, le livre – le texte – jouant le rôle de ces « verres grossissants » que l’opticien de Combray tendait à ses acheteurs. » p. 151. Travailler les textes, mais être aussi travaillé par eux « parachève, écrivez-vous très justement, le cheminement explicatif. » p. 153. Nous sommes donc loin d’un simple exercice scolaire, au sens étroit du terme.

Dans Passions impunies, le professeur et érudit George Steiner commente admirablement le tableau de Chardin intitulé Un philosophe occupé de sa lecture (1734). Il remarque en premier lieu son habit, un manteau et un bonnet de fourrure qui signale « une élégance appuyée, la mise impeccable du lecteur en cet instant choisi. » Il ajoute : « Lire, ici, n’est pas une initiative aléatoire, non préméditée. Il s’agit d’une rencontre civile, presque courtoise, entre une personne privée et l’un de ces « hôtes de marque dont Hölderlin évoque l’entrée dans les demeures mortelles dans son hymne ‘Comme par un jour de fête’. (…). Le lecteur rencontre le livre avec une élégance de cœur (tel est le sens de cortesia), avec une délicatesse, une hospitalité poussée jusqu’au scrupule et une disponibilité, dont la manche roussâtre, peut-être de velours ou de velvantine, ainsi que le manteau et la toque de fourrure sont les symboles extérieurs » (Passions impunies, Gallimard, 1996, p. 12).

Photo (C) RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / René-Gabriel Ojeda.

C’est parés des mêmes intentions que nous allons maintenant vous écouter attentivement, ce qui est une autre manière de vous lire, en tout cas un moyen sûr de lire avec plus justesse et de profit cette œuvre totale qui est la vôtre, dont les différentes facettes toucheront aussi bien le cœur que l’esprit de tous nos élèves ici présents.

Pour tout cela , cher M. Le Guillou, je vous remercie sincèrement.

R. A. C.


LECTURES

Étienne G., HK, lisant un extrait du Roman inépuisable : « Pour quelle raison se plonge-t-on dans la lecture d’un roman, au point de couper toute attache avec le monde, ce qui nous entoure, les obligations de la vie réelle ? Pourquoi en arrive-t-on à cette sorte d’autisme qui fait que la tour Eiffel ou les falaises d’Étretat pourraient s’effondrer, pour peu que le roman soit bon, bien ficelé, captivant, on ne s’en rendrait même pas compte ? Cette forme primordiale et presque juvénile de la lecture, qui se vit sur le mode d’un engagement radical, d’une immersion totale dans ce que Gracq appelle l’ « éther romanesque », cet abandon corps et biens à la souveraineté et à l’allégresse d’une fiction qui s’empare du lecteur au point de disposer de lui, suppose qu’on entre pieds et poings liés dans le champ émotionnel que déploie ce monde singulier et autonome, qu’on y adhère sans réserve, sans soupçon, et que jouent à plein tous les vieux ressorts tant décriés au moment de la Nouveauté romanesque des années 1960, à savoir l’identification aux personnages, le plaisir pris à déchiffrer leur psychologie, la soumission à la toute-puissance de l’intrigue.» (...). p. 16.

« Racines du roman » : chapitre I (p. 16-18). Question posée à Philippe Le Guillou sur ce passage (P. 16-18) : Dans son livre intitulé Roman du roman (1977), Jacques Laurent, auquel vous rendez hommage dans votre essai Le Roman inépuisable, dit ceci : « Aurait-on le projet d’écrire si l’on n’avait pas lu ? Tout écrivain a d’abord été un lecteur, un admirateur donc un imitateur. » Vous faites, vous aussi, un éloge de la lecture (de romans en particulier) dès le début de votre essai, en la définissant comme un renoncement à soi au profit d’un abandon naïf, enfantin à la fiction et à son auteur. C’est l’origine de votre vocation. Pouvez-vous en expliquer les fondements (admiration et imitation, attitudes auxquelles on n’incline guère, me semble-t-il, aujourd’hui) ? (1)


Baptiste F., HK, lisant un extrait du Roman inépuisable : «Il y a une histoire — la longue chronologie des œuvres inscrites au patrimoine… et à l’obituaire des titres et des noms oubliés — et une géographie du roman, géographie conflictuelle, clivée entre deux espaces, deux mondes pourrait-on dire. D’un côté, l’univers du pouvoir, de la centralité, de la conquête arrogante, d’une mythologie aussi, celle des dieux grecs et latins ; de l’autre, celui des landes, des forêts, des tourbières et des brumes, des sortilèges et des enchantements, des talismans et des processions mystérieuses. (...) « Ensuite, c’est, d’une certaine manière, le creux de la vague, l’éclipse de la splendeur, la fadeur française — enfin selon moi ! Une fadeur élégante, ciselée, intense parfois, la fadeur d’une algèbre où le feu couve sous le givre. »

« Racines du roman » : chapitres III et V (p. 19-20 et 33-34). Question posée à Philippe Le Guillou sur ces deux passages : Votre histoire subjective du roman déploie les pages essentielles d’une anthologie personnelle. Dans ce paysage littéraire, vous évoquez deux continents mythologiques, le gréco-latin et le celtique, en affirmant préférer le second, plus propice à ce que Bachelard nomme l’imagination matérielle, qui accorde une place fondamentale aux quatre éléments, tout en suscitant une rêverie nourrie par le goût du mystère et des enchantements. Cela explique-t-il votre rapport au classicisme de La Princesse de Clèves (et du classicisme louisquatorzien en général ?), dont vous louez, certes, « la langue admirable », mais qui est propre à illustrer ce que vous appelez « la fadeur française » ?


Chloé S., HK, lisant un extrait du Donjon de Lonveigh (« L’aigle » : chapitre V, p. 64). Dissimulé derrière « une touffe de buis », le narrateur observe Florence Daigre qui peint en dansant dans son atelier : «J’entrai dans la danse et l’orgie. Florence était à ce point possédée qu’elle ne me vit pas. La peinture fusait toujours, au comble d’une énergétique qui était une parade gestuelle et un sacrifice.»

Hajar E. A., HK, lisant un extrait du Donjon de Lonveigh (« Les noms de la tribu » : chapitre XVII, p. 149-150). ''Thomas Daigre pose pour sa fille en saint Sébastien.': «L’atelier était quasiment vide, d’une neutralité ascétique. Florence avait dégagé les grandes toiles rouges, il n’y avait plus rien, le verre, le parquet ciré, le grand chevalet central. Au milieu de l’aire ainsi tracée se tenait Thomas Daigre, nu, dressé sur un flot de tissu pourpre, des flèches plantées dans le corps.»

L'apollinien et le dionysiaque. Question posée à Philippe Le Guillou sur ces deux passages : Dans Les Sept noms du peintre (1997), vous écrivez ceci, au sujet du peintre Erich Sebastian Berg : « En amour, comme en peinture, Erich Sebastian Berg ne connaissait qu’un registre : l’excès. » (p. 217. Dans Le Roman inépuisable - p. 309 -, vous écrivez : « La littérature n’est qu’excès… »). Il est tentant de vous demander, en convoquant Nietzsche -que vous mentionnez dans ce roman -, si cet « excès», qui semble dominer dans vos œuvres, à travers vos personnages (Thomas et Florence Daigre en sont de bons exemples), ne recoupe pas la catégorie esthétique que l’auteur de Naissance de la tragédie nomme « le dionysiaque » et qui, avec « l’apollinien », préside à la création artistique. Pour le dire vite, on sait que le dionysiaque, caractérisé par l’ivresse et la perte de soi, favorise l’union avec la totalité naturelle : il est un principe de dissolution du sujet, là où l’apollinien s’affirme comme un principe d’individuation, de clarté et de mesure. L’apollinien et le dionysiaque, que Nietzsche appelle aussi des « pulsions », sont opposés mais pas séparables. Est-il exagéré de dire que dans vos œuvres, et dans Le Donjon de Lonveigh en particulier, le « dionysiaque » (soutenu par l’image du chaos) l’emporte cependant, confinant parfois le personnage à la folie (on pense aux rêveries obsédantes de l’écrivain Thomas Daigre qui, souvent ivre de whisky, n’aspire qu’à se dissoudre dans les eaux tourbeuses du lac). Serait-ce là le drame de l’écrivain et de l’artiste, qui n’en réchapperait qu’une fois l’œuvre pleinement réalisée (or Thomas Daigre semble avoir renoncé à son œuvre) ? cf. aussi les scènes de peinture « sacrificielles » de Florence et de son père.

Autres questions (1) :

1. « Le but de la poésie n'est pas, comme dit Baudelaire, de 'plonger au fond de l'Infini pour trouver du nouveau', mais au fond du défini pour y trouver de l'inépuisable.», affirme Paul Claudel, dans une « Introduction à un poème sur Dante» (1921). Accompagnements (Œuvres en prose, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », p. 424.). L’inépuisable du roman tient-il au fait qu’il cherche à atteindre la poésie, renouvelant ainsi, par nécessité, ses formes reçues et dépassant, par conséquent, ses propres limites ? Dans votre essai, vous évoquez souvent, dans leurs romans ou leurs récits, la poésie de Stendhal, de Chateaubriand, la prose de Flaubert, « qui résiste…et…rechigne à devenir poème » (p. 104), et même Zola, que vous ne prisez guère. Est-ce là la force du roman : chercher à être une œuvre totale (le Poème), nourrie par « la nostalgie de l’unité » (titre d’un chapitre du Bateau brume) ? Dans Le Donjon, vous faites dire à Thomas Daigre qu’ « il n’est de lecture possible que poétique. » (p. 156).

2. Vous avez écrit sur des saints (Saint Guénolé, Saint Philippe Néri, Sainte Thérèse de Lisieux), sur le Christ aussi, notamment sur ses premières années dans Douze années dans l’enfance du monde (Gallimard, 1999) ; vous avez consacré des études en forme d’hommage à de grands hommes politiques comme Richelieu, De Gaulle et Malraux, ce dernier cumulant le prestige du grand écrivain. Comme certains de vos personnages, artistes ou écrivains, ils appartiennent à des ordres (au sens pascalien du terme) différents mais semblent avoir la tentation – sous votre plume – d’aspirer à l’ordre suprême, celui de la charité, du saint ou du sage. On se rappelle, pour ne citer que cet exemple, que Thomas Daigre (« L’Écrivain-prêtre »), dans Le Donjon de Lonveigh, se dit mystique, qu’il pose pour sa fille en saint Sébastien et qu’il est fasciné, à Venise, par le tableau de Carpaccio qui représente Saint Augustin, au point de s’identifier à cette figure, tout comme l’enfant que vous fûtes – mutatis mutandis – était fasciné par le portrait de Richelieu, au point de vouloir se fondre à cette image dans une sorte de désir mimétique qui confine à la dévotion. Et le titre du livre qui raconte cette expérience cherche aussi à la décrire : Le Mystère Richelieu. Écrire, pour vous, est-ce vouloir éclaircir ce mystère, en figurant par la fiction les modalités de son épiphanie, quelle qu’en soit l’issue, qui peut être tragique (cette porosité apparente entre les ordres s’impose en réalité comme une dualité ambivalente, inscrite, par exemple, dans la gémellité de Gilles et Guillaume Vègh, du Bateau brume, l’un dans l’action politique, l’autre dans la création artistique) ?

3. Le motif de l’or – associé à d’autres motifs comme le secret ou le labyrinthe (mais aussi le feu, l’androgyne…) - parcourt toute votre œuvre, fictions et essais compris, et suggère des références alchimiques. Vous aimez L’œuvre au noir, de Yourcenar. Le mot « athanor », grand alambic des alchimistes, revient quelquefois dans vos romans (notamment Le Bateau brume mais surtout Livres des guerriers d’or) et dans vos proses, notamment dans Déambulations, méditations sur des œuvres, des paysages, des artistes. Dans Le Donjon, Daigre a écrit La Transparence de l’or, et il mentionne un alambic dans l’un de ses carnets (p. 156) ; vous-même recourez souvent à l’image du « laboratoire central » empruntée à un titre du poète Max Jacob. Cherchez-vous le secret du Grand Œuvre dans votre travail d’écriture ? N’est qu’une figure de votre mundus imaginalis (Gilbert Durand) ou bien êtes-vous de ces écrivains qui – comme certains surréalistes d’ailleurs, à commencer par André Breton – ont tenté d’explorer les voies de l’ésotérisme ?

4. Pour prolonger la question précédente : On connaît la formule lapidaire d’André Breton, « Je cherche l’or du temps ». Est-ce que vous ne faites pas de même avec l’espace, de sorte que l’on pourrait dire que vous cherchez l’or de la terre, en fouillant les strates mémorielles des vastes étendues de la Bretagne et de l’Irlande notamment ?

5. Dans De l’usage de soi (Hermann, 2017), le philosophe Jacques Schlanger affirme que « nous faisons usage de nous-mêmes pour agir, penser, pour comprendre, pour connaître, pour exprimer, pour expliquer, pour communiquer. » (p. 5). Nous puisons ainsi dans nos perceptions, nos sensations, nos sentiments, nos désirs, nos pensées, nos savoirs, nos croyances, notre expérience (je ne cite pas toute la liste). Et il ajoute : « Derrière toute affirmation, même la plus générale, derrière toute déclaration, même la plus passionnée, derrière toute proclamation, même la plus solennelle, on trouve toujours un je, même s’il ne se présente pas ouvertement comme tel : un je qui pense que …, un je qui croit que…, un je qui sait que…, etc. ». Vos romans emploient souvent la première personne du singulier, et même si Gérard Genette nous a bien appris à ne pas confondre le narrateur et l’auteur, qu’en est-il de ce je qui s’exprime ? Quel usage faites-vous de vous-même quand vous donnez la parole à ce je ? C’est un problème littéraire et moral que Genette ne pouvait résoudre, ni même aborder, compte tenu de sa perspective critique formaliste. On pense à l’une des épigraphes du Donjon : Il serait utile d’écrire les annales de ses désirs. STENDHAL, Journal, 8 novembre 1807.

6. Dans le prolongement de la question précédente, et pour lui donner une plus grande extension, comment fabriquez-vous vos personnages ? Ils semblent composites et souvent hantés par un double prestigieux qui les étoffe de manière énigmatique : si l’on hésite à retrouver dans le patronyme de Guillaume Vègh (Le Bateau brume), le souvenir sonore du nom de Van Gogh, on entend dans le nom en forme de triptyque d’ Erich Sebastian Berg, personnage principal des Sept noms du peintre, l’écho presque paronomastique de Johann Sebastian Bach, ce qui peut étonner, puisque Berg est un peintre, mais peut répondre à d’autres exigences comme la référence à l’ascendance de Berg (le rapport de ses parents à la musique) ou plus subtilement le désir d’établir des correspondances entre la peinture et la musique (dans Le Donjon, la musique de Mahler joue un rôle important). Dans Le Donjon de Lonveigh, c’est votre avant-propos qui éclaire un peu la constitution du personnage de Thomas Daigre (Michel Mohrt pour l’esprit, et Beckett pour le corps noueux ?). Brieu paraît plus transparent : l’onomastique ici télescope deux grands noms d’écrivains collaborationnistes : Drieu la Rochelle et Brasillach… Qu’est-ce qui vous guide dans la fabrication de ce que la critique a appelé « le personnel du roman » ? (...).

(1) Questions posées (choix) par Reynald André Chalard. Elles illustrent les principales articulations du cours de Lettres sur l'oeuvre de Philippe Le Guillou.


ÉCHANGES AVEC LA SALLE

Nos élèves des classes préparatoires littéraires et du secondaire posent des questions à Philippe Le Guillou.

Étienne G., HK.


Hajar E. A., HK.


Elsa C., HK.


Émeline P., KH.


Adonis K., 1G3.


REMERCIEMENTS ET REMISE DES CADEAUX

Hajar E. A. et Étienne G., délégués de l'Hypokhâgne, offrant à Philippe Le Guillou, en présence de Mme Bourrelier, l'Histoire Auguste, dans la collection de la «Bibliothèque de la Pléiade» et le livre de Jean Nayrolles intitulé Le Sacrifice imaginaire - Essai sur la religion de l'art chez les Modernes, aux éditions Kimé.


Philippe Le Guillou prêt à dédicacer ses livres.


REGARDER ÉCOUTER LIRE :

J'ai demandé à Philippe Le Guillou quel tableau et quelle musique pourraient donner une image de ce qu'il écrit ou cherche en littérature, que cela soit ou non en rapport avec le roman. Voici les références qu'il a bien voulu m'indiquer (René Quéré, Matthieu Dorval et Liszt) :

ARTS PLASTIQUES :

René Quéré (né en 1932), Brisants d'Ouessant. © Galerie Philippe Theallet


Matthieu Dorval (né en 1966), Qui voit Ouessant. © Matthieu Dorval. Extrait du livre de Philippe Le Guillou et Matthieu Dorval, D'Armor en Argoat, éditions Dialogues, 2016.


MUSIQUE :

Franz Liszt, «Vallée d'Obermann», extrait des Années de pèlerinage (première année - Suisse -1836 / 1855).