Nous découvrîmes également un passionné d’Homère, à l’image d’Alexandre le Grand qui emportait partout avec lui son Iliade, Schliemann (1822 - 1890) qui, après avoir appris le grec seul en lisant des passages de cette même œuvre, se promit ce qui semblait quasi impossible et chimérique : trouver le site de la ville de Troie. C’est en 1868 à Hissarlik (Turquie), qu’il trouva le site de la célèbre cité, après l’avoir comparé aux descriptions d’Homère. Nous lui devons cependant la destruction de la plupart des monuments du site, une des raisons pour laquelle il n’est pas reconnu comme archéologue. Nous lui devons également la découverte du « Trésor de Priam », constitué de 8000 objets d’argent, d’or, d’argenterie et de bijoux, mais surtout la découverte de sites d’une civilisation oubliée qui s‘était étendue du XVIe siècle au XIIe siècle avant Jésus-Christ, la civilisation mycénienne, où fut trouvé le « Masque d’Agamemnon », Agamemnon étant dans l’Iliade le chef des Achéens (Grecs).



Nous eûmes également la surprise de devenir à notre tour aèdes, de nous transformer chacun en « petit Homère ». En effet, après avoir découvert ou révisé selon nos classes la scansion des vers grecs, similaires à la scansion latine, l’un des secrets des aèdes nous fut dévoilé. Les épopées d’Homère, constituées au total de 27 000 vers, devant être récitées et obligatoirement composées d’hexamètres dactyliques, vers de six mètres, représentant l‘envol de l‘épopée par excellence (en quelque sorte ancêtre de l‘alexandrin), comment l’aède lui-même et les rhapsodes (uniquement des interprètes, contrairement à l’aède qui compose son œuvre et la récite), pouvaient-ils se souvenir de tous ces vers, parfois improvisés, et en faire automatiquement des hexamètres dactyliques ? Le secret ? Les épithètes homériques, telles « Ulysse aux milles ruses » « Nausicaa aux bras blancs » ou « Achille aux pieds légers », qui permettaient de qualifier chacun des personnages tout en complétant l’hexamètre si besoin est. Divisés en petits groupes de quatre, nous fûmes invités à créer un petit dialogue entre plusieurs personnages de l’Iliade, et nous le récitâmes devant nos camarades. Aussi, nous découvrîmes que la langue utilisée dans l’Iliade et l’Odyssée était en réalité composée de plusieurs dialectes, comme si vous mélangiez dans un texte du picard, du breton et du marseillais. Drôle de sauce non ? Nous évoquâmes alors l’hypothèse que peut-être les deux poèmes auraient été composés par plusieurs aèdes d’époques différentes, et que le dernier aède ayant achevé le poème, Homère, le récita.

Toutefois, le plus surprenant fut sans aucun doute l’intermède de midi, durant lequel les membres de l’atelier Homère (Pierre Cuvelier, Mathilde Poczekajlo, Odile Mortier-Waldschmidt, Jean Lallot, Louis de Balmann et Giuseppe Samoná) nous proposèrent de nous lire l’épisode du Cyclope de l’Odyssée, en grec et en français selon plusieurs méthodes allant crescendo ! Nous eûmes premièrement droit à la prononciation française, suivie de celle propre au grec moderne, puis de la version à l’italienne, déjà plus jolie et musicale. Quelque peu déçus que la personne qui devait nous offrir une lecture à la version hongroise n’ait pu venir, nous nous préparâmes à écouter Louis de Balmann qui devait, quant à lui, nous lire Homère à la méthode dite « reconstituée », respectant l’oralité du grec ancien. Premiers vers récités, souffle d’ores et déjà coupé. De par la musicalité rendue à la langue grecque, les élèves crurent faire un bond en arrière d’une bonne vingtaine de siècles et s’imaginèrent Homère réciter ainsi l’Iliade et l’Odyssée, imaginant également très admiratifs le temps de travail considérable qu’il dut falloir à Louis de Balmann pour arriver à une telle lecture.
Je profite de ce texte pour exprimer à toute cette équipe combien nous sommes admiratifs du fruit de leur travail et combien nous sommes heureux d’avoir pu assister à leur lecture. Tous les élèves latinistes du lycée Lamarck sont donc très heureux d’avoir pu assister à la journée de l’Antiquité consacrée à Homère à l’ENS, et nous tenons dès lors à remercier infiniment toute leur équipe qui a accepté de nous donner une grande partie de son temps et qui a su nous transporter au VIIIe siècle avant Jésus-Christ pour nous faire redécouvrir l’Univers Homérique tout en nous permettant de rêver quant à l’origine des deux plus célèbres épopées de l’Histoire et de leur aède si mystérieux.

Marie Thépaut, Terminale L
Affiche Homère du 8.0 : texte Pauline Eichelberger, Dessins Raoul Tchoï