Biographie de René Girard par Benoît Chantre, Grasset, 2023 / Benoît Chantre © Jean-Francois PAGA Opale.


LES LUNDIS DE PIERRE D'AILLY ont pour vocation de faire réfléchir les étudiants des classes de Lettres sur la spécificité des études littéraires, en les confrontant «techniquement» aux différentes approches critiques de cet objet particulier que l'on appelle littérature. Face à un spécialiste universitaire d'un auteur, d'un genre, d'une période ou d'un mouvement, qui présente, dans le cadre d'une conférence, le ou les problèmes précis posés par une oeuvre littéraire au programme, ils sont invités à questionner le sens de ce qui leur est donné à lire mais aussi le rapport de ce questionnement à la culture générale. À une époque où il est plus que jamais urgent de mettre le singulier à l'épreuve de l'universel, l'exigence de Curtius nous paraît fondamentale pour la construction critique des savoirs. Comme pour Les Rencontres de Pierre d'Ailly, que les «Lundis» complètent, chaque conférence est précisément articulée au cours de Lettres en Hypokhâgne, qu'elle prolonge par un dialogue vivant.


3e édition des LUNDIS DE PIERRE D'AILLY

Conférence de Benoît Chantre sur l'oeuvre de l'anthropologue René Girard (1923-2015), mercredi 29 MAI 2024, de 10h à 13h, au lycée Pierre d'Ailly, en salle A105, à Compiègne.

Titre de la conférence :

LA THÉORIE MIMÉTIQUE EN LITTÉRATURE (Littérature et Anthropologie)

Benoît Chantre est docteur ès lettres, essayiste, dramaturge et éditeur. Président de l'Association Recherches Mimétiques (ARM), il est fellow de la Fondation Imitatio (San Francisco) et membre associé du Centre international d'études de la philosophie française contemporaine (CIEPFC-ENS Rue d'Ulm). Il vient de publier aux éditions Grasset (2023) la biographie intellectuelle de René Girard, anthropologue de la violence et du religieux, et théoricien du désir mimétique.

Il signera son livre après la conférence donnée au lycée Pierre d'Ailly, l'après-midi, à partir de 15 heures, à la FNAC de Compiègne, 1 bis Impasse Saint-Martin - 60200 Compiègne.

Benoît Chantre est notamment l'auteur d'un ouvrage sur la pensée de Charles Péguy intitulé Péguy point final ( Le Félin, 2014) et d'un essai sur le poète Hölderlin, Le Clocher de Tübingen, Grasset, 2019. Sa bibliographie compte aussi des livres d’entretiens qui sont de véritables dialogues, avec des écrivains aussi différents que Philippe Sollers, dans son ouvrage intitulé La Divine comédie en 2000, Jacques Julliard, dans Le Choix de Pascal en 2003 et René Girard, dont il a coécrit le dernier livre Achever Clausewitz (en 2007, réédité dans une version augmentée chez grasset en 2022). C’est un livre qui est bâti sur de longues discussions qu'il a eues avec lui et qu'il a entièrement remanié et rédigé, dit-il lui-même dans l’introduction. N'oublions pas La Conversion de l’art, en 2008 (réédition chez Grasset en 2023), ouvrage dans lequel il a rassemblé des textes de René Girard, écrits à différentes époques (certains dates du début des années 1950). Il faudrait aussi mentionner les films d’entretien La Violence et le Sacré, Le Sens de l’histoire, les nombreux colloques qu'il a organisés, notamment à Bibliothèque nationale de France, sur René Girard ET d’autres penseurs comme Levinas, Bourdieu, Sartre, Michel Henry. Il a aussi participé au beau Cahier de L’Herne consacré à René Girard en 2008… Il faut enfin évoquer son travail de dramaturge pour l’opéra et le théâtre : livret du Chant de Lune (Compiègne, 1991 ; Bourg-la-Reine, 2002) ; dramaturgie du Naufragé de Thomas Bernhard (Avignon, 2001 ; Paris, 2002) ; dramaturgies du Messie de Haendel (Théâtre du Châtelet, Paris, 2011) et du Roi pasteur de Mozart (Théâtre du Châtelet, Paris, 2014).

Accompagnant une réflexion sur la critique littéraire, cette 3e édition des LUNDIS DE PIERRE D'AILLY a pour but d'aider les étudiants de Lettres à se repérer dans le vaste champ des études littéraires. Après avoir réfléchi aux apports de la critique thématique, puis philologique, ils seront conviés à considérer l'intérêt du questionnement anthropologique dans la lecture des oeuvres : en prenant acte que l'anthropologie (« étude l'homme dans son ensemble », selon la définition du Trésor de la langue française) se tourne vers la littérature pour y déceler « les ressorts intimes et sensibles» (Claude Lévi-Strauss, L'Homme nu. Mythologiques IV, Plon, 1971, p. 571) du fonctionnement d'une société (Jean Jamin, Littérature et anthropologie, CNRS éditions, 2018, p. 16), ils chercheront à comprendre comment, à son tour, la littérature peut bénéficier, pour son interprétation, des observations et des concepts de cette science humaine. Ils partageront ce postulat tiré de l'expérience des grands écrivains, énoncé par Jean Jamin, dans son livre cité plus haut : «Tout auteur de fiction n'est-il pas habité par l'intime conviction, écrivait Virginia Woolf (Essais choisis, Gallimard, Folio, 2015, p. 102), que ce qu'il produit n'est ni un jouet ni une démonstration scientifique, mais un moyen de créer des visions fortes et violentes de la vie humaine ? » (Ibidem).

Pour mettre en oeuvre , modestement, ce programme ambitieux, nous avons choisi l'anthropologie mimétique de René Girard, premièrement formulée dans Mensonge romantique et vérité romanesque, paru en 1961. Ainsi que l'écrit Benoît Chantre sur le site de l'ARM, « le premier livre de René Girard, Mensonge romantique et vérité romanesque, publié en 1961, met au jour les ressorts du « désir triangulaire », à travers une approche de grandes œuvres romanesques (de Cervantès à Proust). Ses intuitions sur le « désir mimétique » lui permettent d’élaborer une anthropologie comparée des grandes formes du religieux archaïque : la question du mécanisme victimaire fait ainsi l'objet de son second livre, La Violence et le sacré, publié en 1972. » Dans Les Derniers jours de René Girard (Grasset, 2016, p. 80), Benoît Chantre rappelle que notre anthropologue «plaça l'imitation, la mimèsis, à l'origine de toutes les fondations.» Nous demanderons donc à notre invité de nous expliquer comment la notion de désir mimétique permet à René Girard de mieux comprendre les ressorts du romanesque, à partir d'une analyse fine des oeuvres de Cervantès, Stendhal, Flaubert, Dostoïevski et Proust. Si de la mimèsis René Girard tire une théorie complète de la culture humaine, il s'agit d'abord d'en étudier la découverte dans le roman, approché par une interrogation aussi bien technique (cf. le chapitre X) que métaphysique. Cette théorie sera appréhendée pour ce qu'elle est et ce qu'elle permet, ni clé de lecture absolue, encore moins mantra, mais mieux encore : une intuition et une réflexion géniales qui ne peuvent que stimuler notre intelligence des textes littéraires.

Les Hypokhâgneux et les Khâgneux du lycée Pierre d'Ailly pourront accompagner leur lecture de Mensonge romantique et vérité romanesque de la consultation du site de l'ARM : 1) pour une définition rapide du vocabulaire employé dans l'oeuvre de Girard ; 2) pour connaître les huit notions-clés de la pensée de René Girard.


Benoît Chantre fut l'invité de la 3e édition des « Rencontres de Pierre d’ Ailly», le 26 novembre 2015 : lire le billet du 27 novembre 2015. On peut également se reporter au billet du 8 novembre 2015, qui annonce cette « Rencontre » et propose une séquence vidéo de René Girard sur le thème du désir mimétique.

La théorie littéraire sur ce blogue : Roland Barthes, Antoine Compagnon et William Marx. Billet du 2 juin 2020.