Claude Monet, La Cathédrale de Rouen (trois tableaux présentés en série), 1892-1894.

Je présente ci-dessous le programme d'étude en Lettres, auquel il faudra ajouter de nombreux extraits pour chaque genre littéraire, poésie, roman, théâtre, essai et un programme de lecture pour les colles, c'est-à-dire les interrogations orales (voir ci-dessous). D'autres précisions sont données dans la bibliographie du programme de Lettres distribuée samedi 6 juillet.

Je vous souhaite de belles vacances, reposantes et studieuses !

PROGRAMME D’ÉTUDE

UN ÉTÉ AVEC PROUST ET SON CONTRE SAINTE-BEUVE

A LIRE POUR LA RENTRÉE :

Réflexion sur la littérature :

Marcel PROUST, Contre Sainte-Beuve, , éditions Gallimard, coll. « Folio essais», ISBN : 978-2070324286.

La lecture du Contre Sainte-Beuve est une excellente introduction à l'oeuvre de Proust. Non seulement ce pot-pourri littéraire prépare et annonce À la recherche du temps perdu (voir « Sommeils», « Chambres», « Journées»...) mais il met aussi au jour ce que Proust lui-même appelle, dans sa « préface», des « problèmes intellectuels» qui touchent au mystère de la création artistique. La méthode de Sainte-Beuve (expliquer l'oeuvre par l'homme, confondre le moi social et le moi créateur...) n'est au fond qu'un prétexte à échafauder une nouvelle poétique.

Il faudra donc tout lire, dans cet ouvrage, en accordant une importance particulière à cette fameuse « Préface», qui précise jusqu'au paradoxe le sens de la démarche proustienne : « La méthode de Sainte-Beuve n’est peut-être pas au premier abord un objet si important. Mais peut-être sera-t-on amené, au cours de ces pages, à voir qu’elle touche à de très importants problèmes intellectuels, peut-être au plus grand de tous pour un artiste, à cette infériorité de l’intelligence dont je parlais au commencement. Et cette infériorité de l’intelligence, c’est tout de même à l’intelligence qu’il faut demander de l’établir. Car si l’intelligence ne mérite pas la couronne suprême, c’est elle seule qui est capable de la décerner. Et si elle n’a dans la hiérarchie des vertus que la seconde place, il n’y a qu’elle qui soit capable de proclamer que l’instinct doit occuper la première.» (p. 50).

On retiendra également le texte intitulé « La méthode de Sainte-Beuve» (p. 121) ainsi que l'étude sur «Gérard de Nerval», qui est aussi au programme (p. 148). En redonnant à ce dernier la place qu'il mérite parmi les romantiques français, Proust s'émerveille des noms de lieux nervaliens, de la rêverie qu'ils provoquent, notamment à la lecture de « Sylvie», un court récit qui figure dans Les Filles du feu. Cet « amour du nom» (Martine Broda) participe de l'écriture proustienne et se manifeste dès Du côté de chez Swann.

Proust fait également une remarque qui nous sera très utile pour lire Nerval : « (...) il n’y a nullement solution de continuité entre Gérard poète et l’auteur de Sylvie. On peut même dire (...) que ses vers et ses nouvelles ne sont (comme les Petits Poëmes en prose de Baudelaire et Les Fleurs du Mal, par exemple) que des tentatives différentes pour exprimer la même chose. » (p. 150).

Ainsi le Contre Sainte-Beuve permettra de poser un certain nombre de pierres d'attente : sur la littérature, en général ; sur l'oeuvre de Proust en particulier, notamment tout ce qui concerne la problématique des prochaines « Rencontres de Pierre d'Ailly», autour de la notion de « roman philosophique». Cette réflexion sur la littérature, qui sera poursuivie par les deux petits écrits de Roland Barthes et d'Antoine Compagnon (cf. ci-dessous), doit mettre en place ce qui est essentiel à la méthodologie des Lettres : l'initiation à la problématisation littéraire. Pour « transformer l'information en savoir» (Michel Serres), il faut apprendre à problématiser : dynamiser sa pensée par la recherche, la formulation puis la résolution de « problèmes littéraires». Ces derniers sont nombreux et sont le plus souvent tirés de l'étude spécifique des textes. Mais il en est de généraux, qui portent, par exemple, sur les genres, les mouvements littéraires et les contextes socioculturels. A chaque fois, il faudra exercer honnêtement sa réflexion pour ne pas s'en tenir aux idées toutes faites sur les auteurs et leurs oeuvres. On adoptera ainsi l'esprit provocateur d'un Paul Valéry pour déjouer ce que peuvent avoir d'abusif voire d'inexact les généralités sur les mouvements littéraires (c'est un exemple parmi tant d'autres) : « Il est impossible de penser — sérieusement — avec des mots comme Classicisme, Romantisme, Humanisme, Réalisme — On ne s’enivre ni ne se désaltère avec des étiquettes de bouteilles». Mauvaises pensées et autres (Œuvres Complètes, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade», tome 2 p. 801). Cette exigence de la pensée littéraire présidera aux trois exercices canoniques des études de Lettres : L'explication de texte (linéaire), le commentaire composé et bien évidemment la dissertation.

Ci-dessous, accompagnant chaque oeuvre au programme, un petit commentaire qui indique l'orientation de sa prochaine étude :


Cours d'histoire littéraire : littérature du XVIIe siècle / Cours sur le genre théâtral

Pierre CORNEILLE, Le Cid, éd. GF Flammarion, présentation de Boris Donné  ISBN : 978-2081224759.

C'est la tragi-comédie, donc la version de 1637, que nous étudierons. Jouée l'année où Descartes publie en français son Discours de la méthode, cette pièce obtient un succès à la mesure de la polémique littéraire qu'elle entraîne. Nous nous intéresserons donc à la célèbre « Querelle du Cid», ainsi qu'aux problèmes dramaturgiques et idéologiques qu'elle soulève. Tout en réfléchissant sur la tragédie politique et la représentation du héros cornélien, nous lirons, à l'invitation de Marc Fumaroli et d'Aron Kibédi Varga, les tirades des personnages du Cid comme des discours rhétoriques, et nous verrons en quoi cette lecture est aussi juste que stimulante pour l'interprétation. Enfin, nous n'oublierons pas que les vers de Corneille sont parmi les plus beaux de la langue française, qu'ils en constituent la mémoire littéraire, et que le plaisir poétique qu'ils suscitent est aussi, dans la diction, un « plaisir musculaire» lié, selon André Spire, au « plaisir de la répétition (assonances, allitérations, rimes, rappels des sons, retours, leitmotive)». André Spire, Plaisir poétique et plaisir musculaire, éd. José Corti, 1986, p. 239.


Cours d'histoire littéraire : littérature du XIXe siècle / Cours sur le genre poétique

Gérard de NERVAL, Les Filles du feu, Les Chimères et autres textes, éd. Le Livre de Poche, coll. « Les Classiques de Poche ». Edition de Michel Brix. ISBN : 978-2253096320.

Nous étudierons avant tout le recueil poétique intitulé Les Chimères, 1854 (p. 365-372). Il sera d'abord situé par rapport à deux autres grands livres poétiques de la même époque, Les Contemplations (1856), de Victor Hugo, et Les Fleurs du Mal (1857), de Charles Baudelaire. Les problématiques croisées de la « voyance poétique » (que Rimbaud n'a pas inventée) et de « l'hermétisme » nourriront notre réflexion sur ces poèmes difficiles, dont Nerval affirme lui-même, dans la préface aux Filles du feu, qu'ils « perdraient de leur charme à être expliqués, si la chose était possible... » (p. 128). Nous ne pourrons évidemment pas nous contenter de la fascination que cette oeuvre peut exercer sur nous, et nous chercherons au moins à comprendre. Mais il nous faut entendre ce que dit Nerval : sa poésie, composée « dans cet état de rêverie supernaturaliste » (p. 128), relève du sortilège ou de l'oracle ; c'est une parole qui charme, et il serait bon, dans un premier temps, de succomber à ce charme par des lectures répétitives et rêveuses (1), sans avoir recours aux notes de bas de page, qui auront, plus tard, leur utilité. Enfin, il faudrait avoir lu l'intégralité des Filles du feu, oeuvre nécessaire à la compréhension de la poétique nervalienne. En consultant le billet du 1er mars 2015, vous trouverez, sur ce blogue, une page entièrement consacrée à Gérard de Nerval et les chansons du Valois.

(1) Soyez des « rêveur(s) de mots», selon la belle expression de Bachelard ! cf. G. Bachelard, La Poétique de la rêverie, PUF, 1960, p. 15






Cours d'histoire littéraire : littérature du XXe siècle / Cours sur le genre romanesque

Marcel PROUST, Du côté de chez Swann, éditions Gallimard, coll. « Folio classique». Edition d’Antoine Compagnon. ISBN : 978-2070379248.

Pour entrer dans l'univers de Marcel Proust, je vous suggère de regarder l'adaptation cinématographique de son oeuvre par Nina Companeez. Elle aura au moins le mérite de vous faire comprendre les realia d'un monde bien éloigné du nôtre, tant par sa composition sociale que par ses usages, et plus largement ses moeurs. Vous pourrez ensuite affronter plus sereinement la phrase proustienne, qui vous haussera à un ordre différent, celui de l'esprit, épreuve sans doute difficile mais stimulante.

Pour connaître le noeud problématique de notre étude de Du côté de chez Swann, je renvoie une fois encore au billet du 11 mai 2019, qui présente la conférence proustienne de Luc Fraisse, dans le cadre de la 7e édition des Rencontres de Pierre d'Ailly (cf. également ci-dessous).

À la recherche du temps perdu, film réalisé par Nina Companeez en 2011.

(DVD)


Réflexion sur la littérature :

Roland BARTHES, Leçon, éditions du Seuil, coll. « Points /essais». ISBN : 978-2757850169.


Réflexion sur la littérature :

Antoine COMPAGNON, La Littérature, pour quoi faire ?, éditions Fayard, coll. «Pluriel» ISBN : 978-2818505564.


POUR LA RENTRÉE EN SEPTEMBRE

Attention : pour la rentrée,  vous devrez avoir lu avec précision les œuvres au programme. Celle qui nous occupera dès la rentrée, après une réflexion générale sur la littérature et quelques notions d’histoire littéraire (mises en perspective), est la suivante :

Marcel PROUST, Du côté de chez Swann, éditions Gallimard, coll. « Folio classique». Edition d’Antoine Compagnon.

La 7e édition des « Rencontres de Pierre d’Ailly », qui proposera une conférence de Luc Fraisse, professeur à l’Université de Strasbourg et membre de l’Institut universitaire de France, sera consacrée à l’oeuvre de Proust et aura pour intitulé : « À la recherche du temps perdu : un roman philosophique ? ».

En lisant, tenez compte de ce qu’affirme Michel Collot (professeur, poète et critique) au sujet de la poésie, mais qui vaut tout aussi bien, à des degrés divers, pour la littérature en général : « Toute expérience poétique engage au moins trois termes : un sujet, un monde, un langage (…). Toute poétique devrait donc essayer de comprendre la solidarité de ces trois termes, le jeu complexe des relations qui les unissent ». La Poésie moderne et la structure d’horizon, PUF, coll. « Ecriture », 1989, « Introduction », page 5.


Voici les œuvres sur lesquelles les colles porteront :

Attention bis : il faut lire ou relire dès cet été les oeuvres au programme des colles. Leur connaissance est nécessaire pour aborder la dissertation générale et l'explication de texte (qui portera, pour chaque genre, sur l'une de ces oeuvres).

Romans/Récits/Nouvelles : Madame de La Fayette, La Princesse de Clèves / Abbé Prévost, Manon Lescaut / Diderot, Jacques le fataliste/ Rousseau, La Nouvelle Héloïse (la 1re partie) / Chateaubriand, René / Stendhal, La Chartreuse de Parme / Balzac, La Peau de chagrin, / Victor Hugo, Les Misérables (1re partie) / Maupassant, Les Contes de la bécasse / Mauriac, Thérèse Desqueyroux / Sartre, La Nausée / Camus, La Mort heureuse / Michel Tournier, Vendredi ou les limbes du pacifique / Philippe Sollers, Mouvement. * ŒUVRES (au moins 1 par siècle) À LIRE POUR LE 30 SEPTEMBRE 2019.

Poésie : Ronsard, Sonnets pour Hélène / La Fontaine, Fables (Livres VII et VIII) / Victor Hugo, Les Contemplations (livre premier « Aurore ») / Baudelaire, Les Fleurs du mal (« Spleen et Idéal ») / Leconte de Lisle, Poèmes barbares (« L’Ecclésiaste », « Le Combat homérique », « Le Désert », « La Panthère noire », « Le Vœu suprême », « Aux morts », « Fiat nox », « Le Vent froid de la nuit », « Aux Modernes », « Solvet seclum ») / Rimbaud, Poésies / Apollinaire, Alcools (« Zone », « Le Pont Mirabeau », « La Chanson du Mal-Aimé ») / Francis Ponge, Le Parti pris des choses (« Le Cageot », « Le Pain », « Végétation »). Philippe Jaccottet, À la lumière d’hiver * ŒUVRES À LIRE POUR LE 31 JANVIER 2020.

Théâtre : Molière, L’Ecole des femmes, Tartuffe, Le Misanthrope / Corneille, Suréna / Racine, Britannicus, Andromaque, Phèdre / Marivaux, L’Epreuve, Les Fausses confidences / Beaumarchais, Le Mariage de Figaro / Voltaire, Zaïre / Vigny, Chatterton / Hugo, Ruy Blas, Le Roi s’amuse / Musset, On ne badine pas avec l’amour, Lorenzaccio / Sartre, Huis-clos / Giraudoux, Intermezzo / Beckett, En attendant Godot / Genet, Les Bonnes / Valère Novarina, L’Acte inconnu. *ŒUVRES À LIRE POUR MARS 2020.


Il est possible à tout visiteur de poster un commentaire sur un billet, ou sur une page, et d’obtenir des informations plus précises en contactant l’éditeur de ce blogue à l’adresse suivante :

Reynald-Andre.Chalard@ac-amiens.fr