Charles-Edouard LE PRINCE, baron de CRESPY, dit CRESPY LE PRINCE (Paris 1784-1850), Promenade de Julie et Saint-Preux sur le lac de Genève (1824).
Le cours sur La Nouvelle Héloïse poursuit plusieurs objectifs :
1. Situer l’oeuvre de Rousseau dans l’histoire du roman, et tenter de comprendre l’apparente contradiction de sa démarche d'écrivain : condamner le roman, en écrivant un roman… Il ne faut pas oublier que Rousseau veut penser le roman en philosophe, et que son livre est inséparable de sa réflexion politique et sociale sur l’homme. Pour comprendre le sens de cette entreprise, il faudra donc inscrire l’auteur du Contrat social et de L’Émile dans la tradition moraliste de romanciers tels que Prévost ou Marivaux.
2. Cerner le genre de ce roman épistolaire - et ses enjeux - en le rattachant à la tradition littéraire de la « lettre amoureuse », des Héroïdes d’Ovide aux Lettres portugaises, de Guilleragues, en passant par les Lettres d'Abélard et Héloïse, auxquelles Rousseau se réfère, notamment par le biais de son personnage éponyme, Julie, rebaptisée la «Nouvelle Héloïse». On s’intéressera, à la suite de Roland Barthes, au discours amoureux que cette oeuvre fait rayonner : celui-ci peut nous paraître désuet, si on le réduit à son expression rhétorique, pour nous parfois grandiloquente… Il est cependant au coeur de la pensée de Rousseau, qui affirmait, dans son Essai sur l’origine des langues, que c’est la passion amoureuse qui est à l’origine du langage (« l’amour put inventer la parole… », même si, «Peu content d'elle, il la dédaigne : il a des manières plus vives de s'exprimer.» Jean-Jacques Rousseau, Essai sur l’origine des langues (1781), GF-Flammarion, p.56.).
3. Analyser la complexité de ce roman, qui n’est pas qu’un « roman d’amour » : la passion de Julie et de Saint-Preux est nourrie de philosophie, d’art et de politique. Julie est une jeune femme cultivée et savante, elle est intellectuellement l’égale de son amant.
4. Étudier quelques aspects de la langue de Rousseau, qui fait partie des Maîtres de la sensibilité au XVIIIe siècle, selon le titre d’un ouvrage de Pierre Trahard. L'expression des sentiments, à travers le vocabulaire de la sensibilité (coeur, âme, douleur, malheur, frémissement, transport, pleurs, larmes, soupirs, regret, désespoir...) et la syntaxe (l'ordre, l'hypothèse, le doute). Nous visiterons, notamment à cette occasion, les contrées - exotiques aujourd'hui... - de l'imparfait du subjonctif et serons attentifs à l'emploi des temps qui l'accompagnent dans la phrase. On peut aussi feuilleter l'ouvrage d'Anne Vincent-Buffault, Histoire des larmes, 2001 pour l'édition de poche dans la collection «Petite Bibliothèque Payot». Il «montre un XVIIIe siècle aux larmes facilement versées en public et un XIXe siècle où chacun aime pleurer dans le secret de la pudeur...» (4e de couverture).
5. Enfin, tâcher de comprendre le rôle de Rousseau dans la genèse de cette «sensibilité » littéraire qui a contribué à la naissance de ce qu’il est convenu d’appeler le romantisme.
Lectures nécessaires (précisions données en cours) :
- Préface dialoguée ou «Entretiens sur les romans ».
- Livre IX des Confessions.
- Quelques pages des Discours de Rousseau (sur l’inégalité et sur les sciences et les arts).
- Se renseigner sur les principales thèses du Contrat social et de L’Émile.
- Pour comprendre la pensée de Rousseau, s'intéresser aux mythes de Glaucus, Pygmalion et Tristan. Pour ce dernier, consulter L'Amour et l'Occident, de Denis de Rougemont.
Sur Rousseau, on peut feuilleter :
STAROBINSKI** (Jean), Jean-Jacques Rousseau. La transparence et l’obstacle, Paris, Gallimard, 1971, rééd. coll. TEL.
Edition de référence : Rousseau, La Nouvelle Héloïse I, (Henri Coulet, éd.), Paris, Gallimard, coll. « Folio classique» n° 2419. Il est recommandé de feuilleter au moins - ou de lire si possible - le volume II de ce roman.
Programme ( complet donné en classe, de même que le plan du cours) :
EXPLICATIONS DE TEXTE :
1. Première partie, Lettre I, p. 73-74, du début à « ... ne peuvent lui permettre d'aspirer à vous ?»
2. Première partie, Lettre LV, p. 199-200, du début à « ... si maintenant je ne t'aime plus.»
(...)
ÉTUDES LITTÉRAIRES :
1. Réflexion sur le genre de roman qu'est La Nouvelle Héloïse. Tradition de la lettre amoureuse, des Héroïdes d’Ovide aux Lettres portugaises, de Guilleragues, en passant par les Lettres d'Abélard et Héloïse.
2. Réflexion sur la peinture de l'amour dans La Nouvelle Héloïse.
3. Clarens : une utopie ? (Concerne les dernières parties du roman)
(...)
6. Rousseau / Laclos et Balzac /Rousseau : Réflexion sur l'intertextualité. Les Liaisons dangereuses et La Nouvelle Héloïse ; Le Lys dans la vallée et La Nouvelle Héloïse.
BIBLIOGRAPHIE SUR LE ROMAN (Quelques titres)
Votre anthologie de textes critiques constitue un point de départ inévitable pour vos lectures. Les titres qui suivent ne sont proposés que si, ayant déjà bien lu les oeuvres au programme, vous souhaitez approfondir votre réflexion sur le genre romanesque.
Nadine TOURSEL et Jacques VASSEVIERE, Littérature : 150 textes théoriques et critiques, éd. Armand Colin, 544 p., 4e édition.
Pour une initiation :
Préfaces des romans français du XIXe siècle. Anthologie, Le Livre de Poche, coll. « Classiques de Poche », 2007.
CHARTIER** Pierre, Introduction aux grandes théories du roman, Armand Colin, 2005.
DUBOIS**, Jacques, Les Romanciers du réel - De Balzac à Simenon, , Points/Seuil, 2000.
RAIMOND** Michel, Le Roman, Armand Colin, coll. « Cursus », 2011 (3e édition).
Ouvrages de référence :
BAKHTINE** Mikhail, Esthétique et théorie du roman, Gallimard, coll. « Tel », 1987 1978.
COULET Henri, Le Roman jusqu’à la Révolution, Armand Colin, 1967.
GIRARD** René, Mensonge romantique et vérité romanesque, Fayard, coll. « Pluriel » (Poche), 2011 Grasset, 1961.
PAVEL** Thomas, La Pensée du roman, Gallimard, coll. « NRF Essais », 2003.
RAIMOND** Michel, Le Roman depuis la Révolution, Armand Colin, 1967.
Réflexions d’écrivains sur le roman :
BALZAC** Honoré de, Ecrits sur le roman, Le Livre de Poche, coll. « Références ».
BUTOR** Michel, Essais sur le roman, Gallimard, coll. « Tel », 1992.
GRACQ Julien, En lisant en écrivant, Corti, 1981.
KUNDERA Milan, L'Art du roman, Gallimard, coll. « Folio », 1995, 1986 ; et Le Rideau, Gallimard, coll. « Folio », 2006 2005.
ROBBE-GRILLET** Alain, Pour un nouveau roman, Minuit, 1961.
SARRAUTE** Nathalie, L’Ère du soupçon, Gallimard, coll. « Folio/Essais », 1987 1956.
Analyse des textes narratifs en général et romanesques en particulier (certains titres auraient pu évidemment figurer dans la rubrique « théorie littéraire »…) :
Pour une initiation:
DURRER Sylvie, Le Dialogue dans le roman, Nathan-Université, 1999.
REUTER Yves, L’Analyse du récit, Armand Colin, coll. « 128 », 2009.
REUTER** Yves, Introduction à l’analyse du roman, Armand Colin, 2009 (3e édition).
Ouvrages de référence :
AUERBACH** Erich, Mimesis, Gallimard, 1968.
BARTHES Roland et alii, Littérature et réalité, Seuil, 1982.
GENETTE**, Gérard, Figures III, Éditions du Seuil, 1972.
GENETTE Gérard, Discours du récit, Éditions du Seuil, 2007, coll. « Points / Essais ». Cette édition de poche comprend également Nouveau discours du récit.
ROUSSET** Jean, Narcisse romancier, essai sur la première personne dans le roman, Corti, 1972.
Rousseau sur ce blogue : lire les billets du 17 juillet 2014 et du 1er février 2015.