La Bibliothèque du Louvre.


SEPTIÈME ENTRETIEN :

Louise-Amélie S.

Ancienne Elève en Classe Préparatoire Littéraire à Pierre d’Ailly, de 2010 à 2012 :

2010-2011 : Hypokhâgne.

2011-2012 : Khâgne Spécialité Histoire-Géographie.

1. Après l’obtention du Bac, saviez-vous à quel type d’études vous souhaitiez vous consacrer ?

La réponse à cette question -qui revient régulièrement pendant les années de lycée et encore davantage en Terminale- n’était au départ pas évidente pour moi. Tous ces choix d’orientation possibles me laissaient hésitante et perplexe. Avec mes parents, nous nous étions renseignés sur pas mal de formations différentes (universités, Sciences Po, écoles de commerce…).

2. Comment avez-vous découvert l’existence des classes préparatoires littéraires, Hypokhâgne (Lettres supérieures) et Khâgne (Première supérieure) ?

J’étais en Terminale Économique et Sociale (j’ai passé le BAC en 2010) et j’aimais particulièrement les Sciences Économiques et Sociales, mais aussi l’Histoire, les Lettres et les Langues vivantes. Une formation permettait de continuer à étudier ces différentes matières (car choisir, c’est renoncer), une CPGE économique et sociale. Toutefois ce type de prépa requérait également un très bon niveau en Mathématiques, matière que je souhaitais éviter de retrouver dans mes études. La prépa littéraire offrant pareillement cet éventail pluridisciplinaire en Sciences Humaines, je me suis finalement orientée vers ce choix, d’autant plus que cela m’ouvrait de nombreuses opportunités ensuite.

3. Arrivée en Hypokhâgne, quelles ont été vos premières impressions ?

Je me souviens que mes premières impressions oscillaient entre la soif d’apprendre, une sorte d’exaltation face à la richesse de l’enseignement, mais aussi la fatigue et les questionnements sur ma place en prépa. En effet, mes notes étaient bien plus basses qu’au lycée, malgré mes efforts, et j’avais l’impression qu’elles ne reflétaient pas le travail que j’avais fourni.

4. Quelles sont les exigences de la classe d’Hypokhâgne ? Qu’attend-on des élèves qui veulent y entrer ?

Les premiers mots qui me viennent à l’esprit sont les suivants : engagement dans le travail, persévérance et curiosité. En dehors des heures en classe, il faut consacrer beaucoup de temps aux cours à reprendre et à réviser, aux dissertations à rendre, aux préparations des khôlles (examens oraux), etc. On attend des élèves qu’ils/elles travaillent plusieurs heures chaque matière par semaine. En outre, le niveau exigé, qu’il s’agisse de connaissances ou de méthodologie (le fond et la forme, en d’autres termes), s’avère bien plus élevé qu’au lycée. Cette charge de travail et cette exigence académique nécessitent de la persévérance ; pour ma part, il m’a fallu du temps avant de comprendre et d’assimiler ce que les professeurs attendaient de moi, et comment m’y conformer. La volonté de s’améliorer, apprendre de ses échecs et se dépasser se révèlent comme des qualités intrinsèques à l’Hypokhâgne, puis à la Khâgne. La curiosité et l’appétit intellectuel me paraissent également essentiels, sans cela, il est bien malaisé de prendre plaisir à s’instruire continuellement.

5. Comment êtes-vous parvenue à organiser votre travail pour répondre à ces exigences ? Avez-vous rencontré des difficultés dans ce domaine ?

En début d’année, il me semblait qu’on nous demandait déjà d’avoir un niveau d’Hypokhâgne, alors que nous venions juste de commencer notre cursus ; d’où cette impression de ne pas réussir, malgré mon investissement. Je n’ai compris qu’après que ce qui comptait, c’était la progression. Cela se reflétait dans une plus grande aisance à faire les exercices demandés, dans les notes qui s’amélioraient petit à petit. Je parle beaucoup des notes. Bien évidemment, il ne s’agit pas de leur accorder plus d’importance qu’elles n’en ont, à savoir un indicateur. Je me souviens encore de cette phrase de notre professeur de Lettres : « Ce sont vos copies que l’on note, pas vous.»

Cette progression n’a été possible que par du travail -encore et toujours-, accompagné de cette fameuse persévérance et de cette soif d’apprendre. Le rythme n’a pas été évident à prendre, et chaque élève doit trouver le sien. Pour ma part, je travaillais beaucoup la semaine : la journée au CDI, et le soir à l’internat. Je restais ainsi dans un environnement studieux, où nous pouvions aussi travailler à plusieurs. D’ailleurs, le fait d’être à l’internat et de partager ces moments de travail avec les autres élèves m’a beaucoup aidé. Je n’ai pas subi cet esprit de concurrence qu’on associe souvent aux CPGE, au contraire. L’entraide et la camaraderie restent indissociables de mes souvenirs de prépa !

6. Certains prétendent que la classe préparatoire est un « enfer »… Qu’en pensez-vous ?

Personnellement, je n’ai pas vécu la prépa comme un « enfer », ayant même choisi de poursuivre en Khâgne, l’année suivante. La grande exigence de nos professeurs s’accompagnait de beaucoup de bienveillance. Entre les élèves, des liens d’amitié se créaient petit à petit et se renforçaient avec le temps (d’autant plus quand on loge à l’internat). Réfléchir ensemble, bien que chacun et chacune en silence sur sa copie, ou s’interroger à voix haute pour réviser les dates d’Histoire et le vocabulaire d’Anglais était assez réconfortant, et même parfois amusant. Malgré les difficultés rencontrées, je pense toujours à cette période avec un brin de nostalgie. Bien entendu, cela reste un ressenti personnel et pas une vérité universelle. Je pense que cela dépend de nombreux facteurs : si le choix de la prépa n’est pas vraiment celui de l’élève par exemple. Et tout simplement, on peut ne pas se sentir bien en prépa, car ce type d’études ne nous correspond pas (ce qui peut arriver dans n’importe quel cursus/établissement finalement).

7. Que vous ont apporté vos deux ans de prépa ?

Dès les premiers cours, j’allais de découvertes en découvertes. Qu’il s’agisse d’un texte littéraire, philosophique ou encore de faits historiques, cette manière nouvelle d’aborder un sujet en profondeur m’apparaissait comme extrêmement stimulante. Envisager plusieurs angles d’approche, analyser un sujet avec des éclairages différents n’est certes pas inné, mais cela s’acquiert. Paradoxalement, plus on apprend, plus on comprend à quel point le champ des connaissances est immense et changeant. C’est le fameux « Tout ce que je sais, c’est que je ne sais rien » de Socrate. On s’aperçoit aussi que certaines choses restent de l’ordre de l’hypothèse. Cette humilité face aux savoirs et aux champs des possibles s’est particulièrement rappelée à moi lors de mes recherches pour mon mémoire de master. La rigueur est une autre qualité que la prépa vous apporte. Rigueur, d’une part dans l’apprentissage des savoirs, et d’autre part dans leur restitution. Accumuler des connaissances est une bonne chose, les utiliser de façon pertinente en est une autre. Ce terme, « problématiser », qui revient sans cesse, prend peu à peu tout son sens. La prépa m’a appris à trier les idées intéressantes pour répondre, justement, à une problématique, puis à les énoncer dans un certain ordre logique, avec un plan. Cette méthodologie de travail m’a accompagnée dans toute la suite de mon parcours.

8. Pourquoi avez-vous choisi le lycée Pierre d’Ailly, à Compiègne ? Quels sont, d’après vous, ses atouts ?

Lors de ma Terminale, j’ai eu l’occasion de me rendre aux portes ouvertes du lycée Pierre d’Ailly. Cela m’avait permis de visiter l’internat et de rencontrer les professeurs, très disponibles pour répondre aux questions. L’idée d’être dans une classe à taille humaine, avec des professeurs avec qui l’on peut échanger me rassurait et assurait une transition douce entre le lycée et les études supérieures. La proximité géographique de Pierre d’Ailly et son environnement (parc du lycée, ville de Compiègne et sa forêt) ont également été des facteurs déterminants.

9. Où en êtes-vous de vos études ou de votre parcours professionnel aujourd’hui ? Quelles en ont été les différentes étapes ? Avez-vous projets ?

J’ai terminé mes études relativement récemment, en 2019, avec un Master en Histoire de l’Art à l’Université Catholique de Paris. Après la prépa, j’ai été admise en troisième année de Licence d’Histoire à Paris-Sorbonne (grâce aux équivalences qui permettent de valider ses années de prépa auprès de l’université). Parallèlement j’ai passé le concours de l’École du Louvre, étant attirée par l’histoire de l’art et l’archéologie. Ayant été reçue, j’ai ainsi commencé une nouvelle Licence (dite Diplôme de Premier Cycle), que j’ai validée en 2016, avec une spécialité en Histoire de la Photographie et une spécialité en Histoire de la Mode et du Costume. Cette discipline me passionnant, j’ai souhaité continuer à l’étudier par le biais de mon mémoire réalisé en Master. En effet, celui-ci avait pour sujet la revue L’Officiel, de la Couture, de la Mode, dont j’ai consulté et analysé les cent premiers numéros datant des années 1920. En ce qui concerne mon parcours professionnel, j’ai exercé -pendant et après mes études- des missions diverses et variées : animatrice culturelle dans une bibliothèque éphémère, agent d’accueil dans un musée, médiatrice culturelle pour une exposition dans une maison de couture... Actuellement, je suis à la fois ludothécaire et conférencière. J’ai eu l’opportunité et la chance de travailler dans les domaines qui m’intéressent, à savoir la culture et le patrimoine.

10. Quel(s) conseil(s) donneriez-vous aux nouveaux Hypokhâgneux, ainsi qu’à ceux qui se demandent s’ils feront ou non ce choix en 2021 et en 2022 ?

Si cela est possible, faites les portes ouvertes des établissements qui vous intéressent. C’est l’occasion de s’immerger un peu dans le lieu, de poser des questions aux professeurs et aux étudiants et étudiantes déjà là. Il est normal d’hésiter dans le choix de son orientation ; si cela peut vous rassurer, il est toujours possible de changer plus tard et de prendre des chemins transverses. Si vous vous décidez pour la prépa littéraire, cela vous permettra d’étudier plusieurs disciplines, d’en découvrir toute la richesse et la complexité. Je vous l’annonce d’emblée, l’emploi du temps est bien rempli, et le travail personnel vous prendra également de nombreuses heures. Il peut y avoir parfois des moments de découragement, cela arrive. Il ne faut pas hésiter à parler de ses difficultés aux professeurs. J’ai trouvé que la prépa exigeait beaucoup de volonté (et d’abnégation, je l’admets), mais en échange, elle ouvre de nombreuses portes, à la fois sur les savoirs et pour la suite de votre cursus. Sur un plan plus personnel, on y rencontre des personnes avec qui on noue des liens d’amitié très forts. Pour ma part, je suis très contente d’avoir commencé mes études par la prépa littéraire du lycée Pierre d’Ailly !