Portrait de Paul ValéryValéry Poésies

Portrait de Paul Valéry (1928) par Jacques Emile Blanche / Première de couverture de Poésies (autorisation Gallimard)

(Avec l’autorisation de l’agence photographique de la RMN-GP)

Crédit photographique : © RMN-Grand Palais / Agence Bulloz

Méthodologie de la dissertation

Après avoir examiné deux sujets de dissertation (l'un sur l'écriture de soi, l'autre sur les rapports que la littérature entretient avec la vie), un nouvel exercice vous est proposé. Nous avons fixé les règles de l'élaboration générale d'une dissertation, nous avons également examiné la composition du paragraphe argumentatif et observé le déroulement de l'introduction, à chaque fois à l'aide d'un exemple rédigé. Il est maintenant question d'aborder la délicate étape de l'analyse du sujet.

Exercice : Lire et analyser le sujet

Voici ce qu’écrit le poète Paul Valéry (1871-1945) au sujet des rapports que la poésie entretient avec la biographie :

« Ce qu’il y a de plus important – l’acte même des Muses – est indépendant des aventures, du genre de vie, des incidents, et de tout ce qui peut figurer dans une biographie. Tout ce que l’histoire peut observer est insignifiant.»



Paul Valéry, « Au sujet d’Adonis », dans Variété, tome I de l’édition de « La Pléiade », éd. Gallimard, p. 483.

Vous analyserez et discuterez ces propos dans un développement composé, en prenant appui sur les textes du corpus et les poèmes que vous avez lus et étudiés.

Démarche :

De l’analyse du sujet dépend la qualité de la problématique, qui n’est autre que le questionnement auquel la dissertation se devra de répondre de manière démonstrative. Pour analyser le sujet, il faut être extrêmement attentif à la formulation de la citation proposée, en se posant les questions (et en y répondant au brouillon, bien entendu) qui figurent sur la fiche donnée en cours.

La suite, en cours...


En complément, voici un extrait de la première leçon du cours de Poétique donnée par Paul Valéry au Collège de France en 1937. On y trouve une confirmation de l'idée que se fait de la poésie l'auteur de La Jeune Parque :

«(...) Mon premier soin doit être d’expliquer ce nom de « Poétique » que j’ai restitué, dans un sens tout primitif, qui n’est pas celui de l’usage. Il m’est venu à l’esprit et m’a paru le seul convenable pour désigner le genre d’étude que je me propose de développer dans ce Cours.

On entend ordinairement ce terme de tout exposé ou recueil de règles, de conventions ou de préceptes concernant la composition des poèmes lyriques et dramatiques ou bien la construction des vers. Mais on peut trouver qu’il a assez vieilli dans ce sens avec la chose même, pour lui donner un autre emploi.

Tous les arts admettaient, naguère, d’être soumis chacun selon sa nature, à certaines formes ou modes obligatoires qui s’imposaient à toutes les œuvres du même genre, et qui pouvaient et devaient s’apprendre, comme l’on fait la syntaxe d’une langue. On ne consentait pas que les effets qu’une œuvre peut produire, si puissants ou si heureux fussent-ils, fussent des gages suffisants pour justifier cet ouvrage et lui assurer une valeur universelle. Le fait n’emportait pas le droit. On avait reconnu, de très bonne heure, qu’il y avait dans chacun des arts des pratiques à recommander, des observances et des restrictions favorables au meilleur succès du dessein de l’artiste, et qu’ il était de son intérêt de connaître et de respecter.

Mais, peu à peu, et de par l’autorité de très grands hommes, l’idée d’une sorte de légalité s’est introduite et substituée aux recommandations d’origine empirique du début. On raisonna, et la rigueur de la règle se fit. Elle s’exprima en formules précises ; la critique en fut armée ; et cette conséquence paradoxale s’ensuivit, qu’une discipline des arts, qui opposait aux impulsions de l’artiste des difficultés raisonnées, connut une grande et durable faveur à cause de l’extrême facilité qu’elle donnait de juger et de classer les ouvrages, par simple référence à un code ou à un canon bien défini.

Une autre facilité résultait de ces règles formelles, pour ceux qui son-geaient à produire. Des conditions très étroites, et même des conditions très sévères, dispensent l’artiste d’une quantité de décisions des plus délicates et le déchargent de bien des responsabilités en matière de forme, en même temps qu’elles l’excitent quelquefois à des inventions auxquelles une entière liberté ne l’aurait jamais éconduit.

Mais, qu’on le déplore ou qu’on s’en réjouisse, l’ère d’autorité dans les arts est depuis assez longtemps révolue, et le mot « Poétique » n’éveille guère plus que l’idée de prescriptions gênantes et surannées. J’ai donc cru pouvoir le reprendre dans un sens qui regarde à l’étymologie, sans oser cependant le prononcer Poïétique, dont la physiologie se sert quand elle parle de fonctions hématopoïétiques ou galactopoïétiques. Mais c’est enfin la notion toute simple de faire que je voulais exprimer. Le faire, le poïen, dont je veux m’occuper, est celui qui s’achève en quelque œuvre et que je viendrai à restreindre bientôt à ce genre d’œuvres qu’on est convenu d’appeler œuvres de l’esprit. Ce sont celles que l’esprit veut se faire pour son propre usage, en employant à cette fin tous les moyens physiques qui lui peuvent servir.

Comme l’acte simple dont je parlais, toute œuvre peut ou non nous induire à méditer sur cette génération, et donner ou non naissance à une attitude interrogative plus ou moins prononcée, plus ou moins exigeante, qui la constitue en problème.

Une telle étude ne s’impose pas. Nous pouvons la juger vaine, et même nous pouvons estimer cette prétention chimérique. Davantage : certains esprits trouveront cette recherche non seulement vaine, mais nuisible ; et même, ils se devront, peut-être, de la trouver telle. On conçoit, par exemple, qu’un poète puisse légitimement craindre d’altérer ses vertus originelles, sa puissance immédiate de production, par l’analyse qu’il en ferait. Il se refuse instinctivement à les approfondir autrement que par l’exercice de son art, et à s’en rendre plus entièrement le maître par raison démonstrative. Il est à croire que notre acte le plus simple, notre geste le plus familier, ne pourrait s’accomplir, et que le moindre de nos pouvoirs nous serait obstacle, si nous devions nous le rendre présent à l’esprit et le connaître à fond pour l’exercer.

Achille ne peut vaincre la tortue s’il songe à l’espace et au temps.

Cependant, il peut arriver au contraire que l’on prenne à cette curiosité un intérêt si vif et qu’on attache une importance si éminente à la suivre, que l’on soit entraîné à considérer avec plus de complaisance, et même avec plus de passion, l’action qui fait, que la chose faite. (...)»

Paul Valéry, «Première leçon du cours de Poétique », dans Théorie poétique et esthétique, tome I de l’édition de « La Pléiade », éd. Gallimard, p. 1341-1343.