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L'anthropologue et académicien français René Girard en juin 2008. ©Linda Cicero/Stanford News Service.

(Source : Le Monde.fr)


Je me permets de reproduire dans ce billet ce que dit Benoît Chantre, sur le site de l'Association Recherches mimétiques, de la disparition du « maître et de l’ami », et qui alimentera sans doute la conférence du 26 novembre.

Chers amis,

René Girard s’est éteint le 4 novembre à Stanford entouré de sa femme, de ses enfants et petits-enfants. Sa longue maladie l’empêchait depuis longtemps de communiquer avec ses proches et ses amis. Il n’en gardait pas moins le même sourire, signe qu’il était apaisé.

Je n’évoquerai pas son œuvre. D’autres s’en chargeront mieux que je ne puis le faire en ce moment. A un journaliste étranger qui m’appelait tout à l’heure pour parler avec « quelqu’un du cénacle », j’ai répondu qu’il n’y avait pas de cénacle, que René Girard avait fait très vite un choix clair, celui de parler au plus grand nombre et dans une langue simple. Beaucoup de gens ont donc lu René Girard.

Après ses premiers textes, ceux d’un jeune écrivain quittant son pays détruit pour aller courir sa chance en Amérique, c’est d’un événement unique qu’il voulut témoigner, du « choc » reçu en 1959, le faisant revenir au christianisme et le coupant du monde, de son bruit et de sa fureur.

Il ne divulgua ce secret que par étapes, avec pudeur, en passant par le truchement des grands auteurs. Il douta jusqu’au bout de ses propres formulations, tellement les rechutes étaient dures après les enthousiasmes, mais toujours il garda la même foi dans ce qu’il devait faire.

« Je crois que la vérité n’est pas un vain mot, ou un simple effet comme on dit aujourd’hui. Je pense que tout ce qui peut nous détourner de la folie et de la mort, désormais, a partie liée avec cette vérité. Mais je ne sais pas comment parler de ces choses-là. Il me semble toujours que si j’arrivais à communiquer l’évidence de certaines lectures, les conclusions qui s’imposent à moi s’imposeraient aussi autour de moi. »

On ne peut être plus juste, dans cette humilité mêlée d’une grande audace. Toute sa vie René Girard se sera battu avec cette vérité, signe qu’elle l’avait choisi. Il s’est éteint aujourd’hui comme un lutteur. Ce qu’il a découvert est immense.

Je pense ce soir à lui comme au maître et à l’ami ; je pense à son épouse, à leurs enfants et petits-enfants, à leurs amis innombrables, à vous tous qui nous avez accompagnés depuis des années dans cette aventure qui ne s’achève pas avec lui. Mais une chose est sûre : elle ne sera plus la même.

Benoît Chantre

(Source : http://www.rene-girard.fr/57_p_22133/accueil.html)