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© The Metropolitan Opera (New York)

« Titus, reginam Berenicen, cum etiam nuptias pollicitus ferebatur, statim ab Urbe dimisit invitus invitam. C’est-à-dire que ‘Titus, qui aimait passionnément Bérénice, et qui même, à ce qu’on croyait, lui avait promis de l’épouser, la renvoya de Rome, malgré lui et malgré elle, dès les premiers jours de son empire’. ». JEAN RACINE, Extrait de la préface à Bérénice, 1670.

CLÉMENCE (Myth.). Les sociétés en avoient fait une divinité ; elle tenoit une branche de laurier dans une main, & une lance de l’autre. Le pié de sa statue fut un asyle dans Athènes. On lui dédia dans Rome un temple & des autels après la mort de Jules César. Sa figure se voit sur les monnoies de Tibere & de Vitellius. Elle est là bien mal placée.

Extrait de L’Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers par une société de gens de lettres, publié par Diderot & d’Alembert, tome III, 1753.

Résumé

L’empereur de Rome Titus qui aime Bérénice, est visé par un complot ourdi par l’ambitieuse Vitellia, qui veut l’épouser. Pour parvenir à ses fins, elle se sert de l’amour que lui voue Sextus, ami cher au cœur de Titus. Bienveillant et empreint de justice, l’empereur finira par pardonner à tout les conjurés.

Acte I

L’ambitieuse Vitellia aime Titus, qui lui préfère Bérénice. Sextus, fou d’amour pour Vitellia qui le manipule, consent malgré lui, à tuer Titus, son ami. Titus renonce par devoir à Bérénice, et choisit d’épouser Servilla, la sœur de Sextus. Apprenant les sentiments profonds de Servilla et d’Annius, Titus s’engage alors à épouser Vitellia, qui ignore ce choix et pousse Sextus à l’irréparable. Le Capitole est en feu mais Titus échappe à la mort.

Acte II

Sextus est arrêté ; pour préserver Vitellia, il endosse seul le complot devant le Sénat et devant Titus qui le condamnent à mort. Prise de remords, Vitellia abandonne ses rêves de pouvoir et avoue sa trahison. Magnanime, refusant de régner par la terreur, Titus pardonne tout et à tous sous les ovations de ses sujets.

Source : http://www.opera-online.com/items/works/la-clemenza-di-tito-mazzola-mozart-1791


Acte II, scène XVII

(Alors que Titus s’apprête à pardonner à Sextus, Vitellia lui avoue avoir fomenté ce complot. Scène de clémence, à comparer avec la scène III de l’acte V de Cinna).

No 25. Récitatif accompagné

TITUS

Mais quel est donc ce jour ? Au moment même où j’absous un coupable, j’en découvre un autre. Et quand trouverai-je, dieux justes, une âme fidèle ? Je crois que les astres se liguent pour m’obliger malgré moi à devenir cruel. Non : ils n’auront pas ce triomphe. Ma vertu m’a déjà engagé à soutenir l’épreuve. Voyons, de leur trahison ou de ma clémence, qui est la plus forte : qu’on libère Sextus ; que Lentulus et ses partisans retrouvent la liberté et aient la vie sauve. Que Rome le sache : je n’ai pas changé, je sais tout, je pardonne à tous, j’oublie tout.

No 26. Sextuor avec chœur

SEXTUS

C’est vrai, Auguste, tu m’as pardonné ;

Mais mon coeur ne me pardonne pas,

Qui pleurera, pleurera ma faute,

Tant que son souvenir vivra

Tant que son souvenir vivra.

TITUS

Le vrai repentir

Dont tu es capable

Vaut mieux qu’une fidélité vraie et constante

Qu’une constante fidélité.

VITELLIA, SERVILIA & ANNIUS

Oh généreux ! oh grandeur !

Qui peut atteindre à cela ?

La noblesse de sa bonté,

La noblesse de sa bonté,

Me font venir les larmes,

Les larmes aux yeux.

Dieux

Éternels (...)

Livret complet, avec le texte en italien (de Caterino Mazzola, d'après Metastasio) et sa traduction ainsi que des documents repris ici en extraits :

http://www.opera-lyon.com/sites/default/files/documents/program/texte_la_clemence_de_titus_.pdf


La Clémence de Titus n’est pas seulement une œuvre intéressante parce qu’elle s’inspire de Corneille et de Racine. Des lecteurs avisés et sensibles la considèrent comme le « dernier grand message politique » de Mozart (Sollers) et « le vrai triomphe des Lumières », selon Denis Podalydès, qui a mis en scène cet opéra que l’on peut aller voir en ce moment au Théâtre des Champs-Elysées, du 10 au 18 décembre.

«Avec La Clémence de Titus, Mozart revient, quelques mois avant sa mort, à l’opera seria, un genre qu’il n’avait plus pratiqué depuis Idoménée. Composée en même temps que l’initiatique Flûte enchantée et peu de temps avant son Requiem, La Clémence illustre brillamment le renouveau d’un répertoire alors en déclin. Longtemps dépréciée face aux audaces qui avaient fait le succès des Noces de Figaro et de Don Giovanni (l’ouvrage connut une renaissance tardive et son entrée au répertoire de l’Opéra de Paris date de 1997), elle comporte pourtant quelques-unes de plus belles pages de Mozart. La Clémence s’offre comme un poignant témoignage de l’esprit humaniste du compositeur, où l’expressivité dramatique est magnifiée par l’inventivité musicale.

Jérémie Rhorer poursuit avec cette nouvelle Clémence son parcours mozartien entamé il y a quelques saisons avec Idoménée. Amour passionné mais contrarié, amitié fidèle, complot politique et pardon final, un cocktail au goût d’éternelle actualité qui ne pouvait que séduire Denis Podalydès, homme de théâtre rodé au grand répertoire classique. Il est vrai que l’ombre de Racine n’est pas si loin mais ici humanisée de toute la tendresse musicale d’un Mozart en pleine possession de ses moyens.

''C’est le vrai triomphe des Lumières. C’est un opéra dont on ne doit pas nier la visée optimiste, la croyance en une raison souveraine, tenant compte de la faiblesse humaine, des limites de toute autorité, affirmant la légitimité du doute, de l’incertitude, quitte à ce que la crise soit durable et angoissante, le temps que lentement puisse s’imposer d’elle-même cette raison laïque, non-violente, profondément désarmée''.»

Denis Podalydès

Source : http://www.theatrechampselysees.fr/opera/opera-mis-en-scene/la-clemence-de-titus


«La Clémence de Titus, La Clemenza di Tito, est un opera seria, comme Mozart en a écrit dans sa jeunesse (Lucio Silla, Mitridate), mais d'une tout autre nature. Nikolaus Harnoncourt a raison d’y voir un « langage de l’avenir », un adieu au XVIII e siècle par concentration dramatique. Non pas l’avenir du XIXe, mais quelque chose qui nous touche aujourd’hui en plein coeur par fulguration sur fond de catastrophe. Comme si Mozart (qui vient nous avertir, dans la Flûte, que le Temple de la Sagesse était toujours menacé par un complot des forces obscures) était pressé de dire : la musique doit dompter ÇA, ne pas se laisser déborder par ÇA. ÇA, quoi ? La fragilité des sentiments, le renversement des situations, l’oscillation constante d’un extrême à l’autre. Les couleurs changent vite, on ne sait plus sur quoi s’appuyer, les trahisons pullulent, une variabilité sauvage est en cours. Au fond, il n’y a que deux passions dominantes : la haine et la vengeance d’un côté ; l’amour et le pardon de l’autre. Poison négatif, détachement positif. (…).

Un pan de l’histoire est achevé : personne ne renoncera plus au pouvoir absolu par amour, le prince ira toujours plus loin dans ce qu’il a toujours été, la leçon de clémence est un vœu pieux, un dernier signal de sagesse avant l’orage. La haine et la vengeance ont de beaux jours devant elles. Mozart annonce la vérité du mot de Nietzsche : « Le désert croît. » C’est son dernier grand message politique : soyez éclairés et cléments ou vous périrez. Venant du Titus romain, persécuteur des Juifs, la leçon est pour le moins inattendue et rude.»

Philippe Sollers, Mystérieux Mozart, Plon, 20011, réédité en Folio en 2003, p. 300-301 et 304.