Victor HUGO, « Burg en ruines », dessin à la plume, 1857. Photo (C) RMN-Grand Palais / Agence Bulloz. «Un rêve de pierre», comme le Donjon de Lonveigh...


Annie Le Brun, Les Châteaux de la subversion, Gallimard, coll. « Folio », 1986 (1982):

« Faut-il donc que les formes, les lieux, les êtres qui nous retiennent le plus, soient ceux qui livrent le moins leur secret et masquent le mieux le cours de notre vie ? Comme si chaque séduction se déployait en écran où reviendraient toujours se jouer, en se jouant de nous, nos rares raisons d’exister. Sans doute n’aimons-nous que des énigmes. » p. 9.


Cours d'histoire littéraire : littérature du XXe siècle / Cours sur le genre romanesque

Les œuvres au programme, dans l'édition demandée :

TRAVAUX : les références renvoient aux éditions suivantes : Philippe LE GUILLOU, Le Donjon de Lonveigh, éd. Gallimard, coll. « Folio » ; Le Déjeuner des bords de Loire, éd. Gallimard, coll. « Folio ».

Le programme de travail qui suit se contente d’indiquer les grandes lignes du cours et les principales préparations données aux élèves. Tous les textes proposés ci-dessous doivent être lus et médités dans la perspective de l’exercice indiqué.

1. Lecture préalable pour orienter la réflexion (voir aussi infra les « références bibliographiques ») : Le Déjeuner des bords de Loire (2007). Le romancier et essayiste Philippe Le Guillou a rencontré à plusieurs reprises Julien Gracq, figure du grand écrivain aujourd'hui disparue, auteur, entre autres, d’Au château d’Argol, d’Un beau ténébreux et du Rivage des Syrtes, et dont les Œuvres complètes sont publiées dans la prestigieuse collection de « La Bibliothèque de la Pléiade », aux éditions Gallimard. Le Déjeuner des bords de Loire fait le récit émouvant des nombreuses rencontres avec cet « Allié substantiel », pour reprendre la belle formule de René Char. C'est donc une invitation à entrer en littérature par l’incarnation de la rencontre avec l’œuvre et avec l’écrivain. Il pourra inciter à une véritable réflexion littéraire, qui ne peut exister sans une authentique expérience de la lecture. Synthèse 1. Géographie littéraire : située à la fin des années 1980, l’histoire évoque directement ou indirectement, par allusions et déguisements, des écrivains, des mouvements ou des événements littéraires, à commencer par le surréalisme. A partir des rapports que le personnage de Brieu entretient, selon le narrateur (p. 50), avec les surréalistes (Th. Daigre, «dernier surréaliste breton», p. 203), et en prenant pour hypothèse que Brieu a pour modèle l’écrivain Pierre Drieu la Rochelle – dont vous établirez la notice biographique - : a) définissez les grandes lignes du surréalisme (œuvres à l’appui) ; b) nommez les écrivains que Brieu (alias Drieu) a pu fréquenter voire admirer ; c) montrez comment l’engagement politique a été un facteur déterminant dans la rupture avec ces relations ; d) en quoi l’œuvre et le personnage de Thomas Daigre ont-ils hérité de certains traits et de ces écrivains surréalistes et de Brieu (cf. aussi l'avant-propos de Ph. Le Guillou qui nomme précisément l'écrivain Michel Mohrt, 1914-2011 ) ? Faites également des recherches sur Paul Morand, André Pieyre de Mandiargues, Maurice Blanchot, Julien Gracq, Henry de Montherlant et la NRF.

2. Synthèse 1 bis. Histoire, politique et littérature : quelle est l’importance, pour les personnages du roman, de l’Action française, de la Deuxième Guerre mondiale, de la Collaboration et de la Résistance ? Pour répondre à cette question, tenez compte de cette contradiction que formule Thomas Daigre lui-même pour signifier au narrateur son mépris de tout projet biographique : «...à savoir ma fascination pour la réminiscence, qui est l'essence de l'art, et mon dégoût du passé biographique...», p. 124. Commentez cette phrase, p. 54 : « …ces idées vénéneuses qui avaient enchanté le jeune Daigre, dans cette acceptation résolue de l’étrangeté définitive de l’être et de la vie, de cet écart incompressible entre l’être et l’écriture, la séduction de la peste et la transparence de l’or. »

3. Synthèse 2. Commentaire de texte 1. Dans un développement de deux pages, montrez comment le titre Le Donjon de Lonveigh, les épigraphes et l’incipit (p. 23-26, jusqu’à « …les mots ne dansent plus pour moi. ») orientent la lecture.

4. Explication de texte 1 : p. 36, de « Le majordome… à la fin de la page 37.

5. Synthèse 3. Le personnage de Thomas Daigre : en quoi incarne-t-il le mythe du grand écrivain ? Répondez en citant et en commentant des passages précis. Dans Mon cœur mis à nu, Baudelaire affirme qu’« il n’y a de grand parmi les hommes que le poète, le prêtre et le soldat, l’homme qui chante, l’homme qui bénit, l’homme qui sacrifie et se sacrifie.» (Folio, p. 102). En quoi ce personnage illustre-t-il cet aphorisme baudelairien ?

6. Explication de texte 2 : p. 44, de « Conversation nocturne… » jusqu’à la fin de la page 46.

7. Explication de texte 3 : p. 56, de « Je multipliai les promenades… » à «…du ciel et des eaux. », p. 57.

(...)

14. Exposés, études littéraires (pour chaque sujet, explications et consignes seront données en classe). a) Thomas Daigre, figure du grand écrivain « maudit » (« …j’ai compris que vous étiez de ceux que fascinent les maudits… », p. 139) ? ; b) Le donjon de Lonveigh, un « château de la subversion » (Annie Le Brun) ? c) « Le roman de Thomas Daigre » (p. 111) : un roman d’initiation ? d) La violence et le sacré dans Le Donjon de Lonveigh : rites et sacrifices ; e) Le paysage irlandais (// breton) : une géographie habitée par les mythes celtiques (Graal, dragon ; tout ce qui ressortit au Génie du Nord, selon le titre du livre de Jacques Darras) ; f) Le Donjon de Lonveigh : écriture romanesque et style poétique (Daigre « écrivain baroque », p. 136) ; g) autres sujets : littérature, mystère et secret ; le motif de l’or (du temps, de l’espace, de l'art - « trésor » du donjon) ; art, religion et folie (obsessions de Daigre, « Écrivain-prêtre », p. 79 et 84…, délires mystiques de Florence, angoisses du narrateur…) ; présence de l’Histoire et du légendaire (« L’Histoire m’avait rompu. », p. 135) ; le double (Daigre / narrateur ; Daigre / Florence) et l’androgyne ; commentaire de la définition de l’art suivante : « …n’oubliez pas que l’art, ce n’est pas seulement la complicité amicale d’un soir de fête, c’est une blessure, un silence, une incompatibilité. » (dit par Th. Daigre, p. 162). D’autres propositions – outre les vôtres – seront faites en cours.

15. Quelques références bibliographiques du cours : Philippe Le Guillou, Romans, Récits : Le Passage de l’Aulne, 1993 ; Livres des Guerriers d’or, 1995 ; Les Sept noms du peintre, 1997 ; Géographies de la mémoire, 2016 (tous chez Gallimard). Essais : L’Inventeur des royaumes (sur Malraux), Gallimard, 1996 ; Pour une poétique arthurienne, Artus, 1997 ; A Argol, il n’y a pas de château, Pierre-Guillaume de Roux, 2014 ; La Pierre et le vent, Tallandier, 2019 ; Le Passeur, Mercure de France, 2019 ; Le Roman inépuisable, Gallimard, 2020. Sur l’œuvre entière de Philippe Le Guillou : Philippe Le Guillou. – Géographies intérieures, actes du colloque de la rue d’Ulm (novembre 2019), Gallimard, coll. « Les Cahiers de la nrf », 2022 (Présentation par Luc Vigier). Pour Le Donjon de Lonveigh : a) Pierre Drieu la Rochelle, Les Mémoires de Dirk Raspe, éditions RN (posthume) ; Sur les écrivains, Gallimard, 1982 ; Journal 1939-1945, Gallimard, coll. « Témoins », 1992 ; b) Pascal Ory, Les Collaborateurs, Seuil, «Points / Histoire », 1980 ; c) Philippe Sollers, Théorie des Exceptions, Gallimard, « Folio /Essais », 1985 ; Dominique Noguez, Le Grantécrivain & autres textes, Gallimard, coll. «L’Infini », 2000 ; Julien Gracq, André Breton, 1948 ; d) Annie Le Brun, Les Châteaux de la subversion, Gallimard, coll. « Folio », 1986 (1982) ; Pierre Brunel, L’Imaginaire du secret, ELLUG, 1998 ; Gaston Bachelard, La Poétique de la rêverie, Presses Universitaires de France, coll. « Quadrige », 1986 (1962), ses livres sur l’imagination de la matière, dont L’Eau et les rêves, José Corti, 1942 ; Roger Caillois, L’Homme et le sacré, Gallimard, coll. « Folio/essais », 1950 ; Mircea Eliade, Images et symboles, Gallimard, coll. « Tel », 1980 (1952), La Nostalgie des origines, Gallimard, « Folio/essais», 1991 (1971) (cf. en particulier le chapitre VII : « L’initiation et le monde moderne ») ; Gilbert Durand, L’Imagination symbolique, Presses Universitaires de France, coll. «Quadrige », 1984 (1964) ; Jean Nayrolles, Du sacrificiel dans l’art, Kimé, 2019 ; e)Sur le roman : Jacques Laurent, Roman du roman, Gallimard, coll. « Idées », 1980 (1977) ; Erich Auerbach, Mimesis, Gallimard, 1968 ; Roland Barthes et alii, Poétique du récit, Seuil, 1977 ; Jean-Yves Tadié, Le Récit poétique, Gallimard, coll. «Tel », 1994 ; Gérard Genette, Figures III, Éditions du Seuil, 1972 ; Jean Rousset, Narcisse romancier, essai sur la première personne dans le roman, Corti, 1972 ; Michel Butor, Essais sur le roman, Gallimard, coll. « Tel », 1992 ; Julien Gracq, Lettrines, 1967, En lisant en écrivant, Corti, 1981 ; Milan Kundera, L'Art du roman, Gallimard, coll. « Folio », 1995, 1986 ; Le Rideau, Gallimard, coll. « Folio », 2006 2005.

Prolongement du cours : Philippe Le Guillou, invité de la 8e édition des Rencontres de Pierre d'Ailly. Conférence prévue jeudi 24 novembre 2022.


Philippe Le Guillou parle de son roman Les Années insulaires (2014) :