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Béatrice Didier, donnant une conférence dans une université chinoise en juin 2010. Copyright© Beihang University.

5e édition des RENCONTRES DE PIERRE D'AILLY

Conférence de Béatrice Didier sur le Chateaubriand des Mémoires d'outre-tombe JEUDI 30 NOVEMBRE 2017, à 14 heures, à l'Université de Technologie de Compiègne, amphithéâtre Colcombet.

Thème de cette nouvelle conférence :

CHATEAUBRIAND, POÈTE DU SOUVENIR

C’est en effet le poète du souvenir qui nous intéressera, celui des joies de l’automne, de la Sylphide et de la grive de Montboissier, de la conversation avec la lune et de la rêverie au Lido. Son rapport au romantisme sera aussi un axe de réflexion privilégié.

Les points de réflexion suivants, proposés par Béatrice Didier elle-même : Chateaubriand au confluent de plusieurs traditions (autobiographie, mémoires historiques), la remontée de la mémoire : mémoire et oubli (ne pas tout dire), la recherche de l'identité : les Mémoires, moyen d'affirmer l'unité d'une personnalité tripartite (voyageur, écrivain, homme politique) seront articulés aux modalités de l'écriture de Chateaubriand, à ce qui apparaît comme « poétique » dans cette œuvre : harmonies des images et des sonorités, goût du mystère et du sublime, sentiment de l’infini (travail prévu en cours). Et comme les khâgneux aussi ont le romantisme au programme (avec Rousseau, Lamartine et Hugo), nous serons très heureux d’entendre notre invitée sur les rapports que Chateaubriand a entretenus avec le ou les romantismes des XVIIIe et XIXe siècles.

Cette conférence, comme les précédentes, est précisément articulée au cours de Lettres en Hypokhâgne, qu'elle prolonge par un dialogue vivant.

Béatrice Didier, professeur émérite à l’ENS de Paris, est critique littéraire et écrivain. Elle est spécialiste de la littérature des Lumières et du Romantisme et a beaucoup travaillé sur la musique des XVIIIe et XIXe siècles, dans ses rapports avec les œuvres littéraires. Elle dirige actuellement l’édition des œuvres complètes de Chateaubriand, comme elle l’a fait pour George Sand, chez Honoré Champion. Mais elle a aussi écrit sur Stendhal, et son doctorat d’Etat porte sur l’imaginaire chez Senancour. Cette nouvelle « Rencontre » sera pour nous l'occasion de rendre hommage à Béatrice Didier et à son immense oeuvre critique.

Voici un large extrait de l'avant-propos du livre d'hommages que Christine Montalbetti et Jacques Neefs ont consacré à l'oeuvre critique de Béatrice Didier. Il est significativement intitulé Le Bonheur de la littérature, Presses Universitaires de France, coll.«Variations critiques», 2005, pages 11-12 :

«L’œuvre critique de Béatrice Didier se signale par l’ampleur des territoires qu’elle découvre et commente. Parcourant volontiers le livre du monde, Béatrice Didier fait de la bibliothèque un monde également, monde large, ouvert, aux paysages mobiles et attirants. C’est sur ses traces que les participants à cet hommage ont voulu porter leurs pas.



A suivre Béatrice Didier, les rencontres sont nombreuses : avec Senancour d’abord, de manière peut-être emblématique, dont elle fait apparaître la profondeur « imaginaire », auquel elle est revenue, comme « romancier », mais aussi, dans son édition récente, comme l’auteur des Rêveries, répondant, à travers lacs, montagnes et forêts, au partage que cet auteur propose, avec un «vous» qui devient « nous », de la quête rousseauiste de « quelques beauté primitive ».

Les rencontres sont nombreuses également sur les territoires sandiens, longuement arpentés, dans leur versant romanesque : Lélia, Indiana, ou par une relecture de François le Champi, à la lumière du rôle que ce roman jouera pour le narrateur d’A la recherche du temps perdu : ce conte oral qui interroge le lien avec la mère, est le récit d’une sorte d’inceste autorisé dont l’effet, par ce retour à la matrice est une certaine négation du temps. Béatrice Didier accompagne les œuvres de Sand également dans leur versant autobiographique, l’Histoire de ma vie se constituant surtout comme une histoire de la naissance - difficile, différée fragile - à l’écriture, dont la forme préhistorique, libre, évanescente et subtile était le poème rêvé, non écrit, de Corambé. C’est ainsi qu’elle sait accompagner l’ample flot de cette œuvre généreuse, comme d’un « long fleuve d’Amérique ».



Dans une écoute constante de la théorie, et le souci d’en moduler les propositions pour parvenir, dans le geste herméneutique, à relever les particularités de chaque écriture, l’étude de George Sand alimente une réflexion sur l’écriture-femme qui prend aussi pour points d’appui parmi d’autres encore, Mme de Staël ou Mme de Charrière.



Avec Stendhal, aussi, toujours, le voyage que fait Béatrice Didier est comme celui que l’on goûte en une compagnie libre, festonnée, heureuse de la mobilité passionnée que l’écriture accorde à ceux qui savent jouir comme de la vie. Les voyages dans l’écriture lui sont l’occasion de redéfinir l’écriture de soi comme un espace polymorphe, conjuguant les genres, et lui permettant de se placer à l’écoute des « pulsions autobiographiques », comme, par exemple, dans l’écriture du voyage. Avec l’élaboration d’une poétique du nom de « Grenoble », dans l’écriture stendhalienne du moi, très discrètement, très secrètement, se dessine peut-être le seul filigrane de ces textes de lecture, un lieu ou la « pulsion autobiographique » inspire l’écriture critique.



La carte des voyages critiques est immense, des Lumières aux moments ombreux de la Révolution, de Sade ou Marivaux à l’immense thrène de Chateaubriand, mais aussi dans l’attention contemporains de Michel Butor à Hélène Cixous, toujours dans la libre diversité des genres et des formes.



Le très grand nombre d’étudiants et d’étudiantes, français, étrangers que Béatrice Didier a dirigés et dirige pour leur travail de thèse, en témoigne amplement, comme il témoigne de sa ferveur pour la transmission de ce que la littérature apporte de savoir, de vitalité, d’intelligence du monde, de son histoire, de son infinie ouverture. Et son exceptionnelle capacité de travail, comme sa grande attention aux autres, en font également une précieuse directrice de collections, et éditrice de grandes encyclopédies.



Il faudrait dire aussi la place des intérêts comparatistes, de la passion pour les littératures européennes, comme pour la musique, étudiée au siècle des Lumières, et pratiquée par cette pianiste qui nourrit de l’interprétation des partitions musicales sa ferveur dans l’interprétation des textes.



Les contributions de ce volume dessinent quelques cantons de ce vaste territoire, ceux auxquels Béatrice Didier s’est attachée fidèlement : « l’écriture des Lumières », « les romantismes », «l’écriture de soi», « l’écriture-femme » ; et s’accordent à l’intime lien qu’elle sait tisser, dans l’activité critique, entre « lire écrire ». (...)»


Bibliographie :

(à compléter avec les informations que l'on peut consulter sur le site de Béatrice Didier :https://www.beatricedidier.fr/)

  • L’Imaginaire chez Senancour, Corti, 1966, 2 vol. in-8, reprint Slatkine 2011.
  • Le XVIIIe siècle, III, 1778-1820, Histoire de la littérature, Arthaud, 1976.
  • Sade, essai, Denoël, 1976 (partiellement traduit en japonais).
  • Un dialogue à distance : Gide et Du Bos, Desclée de Brouwer, 1976.
  • Le Journal intime, PUF, 1976, rééd. 1991, traduit en japonais, 1987.
  • L’Écriture-femme, PUF, 1981, rééd. 1991.
  • Stendhal autobiographe, PUF, 1983 (Prix de la critique de l’Académie française).
  • La Musique des Lumières, PUF, 1985.
  • Senancour romancier, SEDES, 1986.
  • La Voix de Marianne, essai sur Marivaux, Corti, 1987.
  • Le Siècle des Lumières, éd. M. A. (diff. Gallimard), 1987.
  • La Littérature de la Révolution française, PUF, « Que sais-je ? », 1988.
  • Écrire la Révolution, 1789-1799, essai, PUF, 1989.
  • Littérature du XVIIIe siècle, Nathan, 1992, 2e éd. PUR, 2004.
  • La Littérature française sous le Consulat et l’Empire, PUF, « Que sais-je ? », 1992.
  • Beaumarchais ou la Passion du drame, PUF, 1994.
  • Raison et alphabet. Le paradoxe des dictionnaires au XVIIIe siècle, PUF, 1995 (Prix Joseph-Saillet de l’Académie).
  • Jacques le Fataliste et son maître de Diderot, Gallimard, « Foliothèque », 1998.
  • George Sand écrivain. « Un grand fleuve d’Amérique », PUF, 1998.
  • Le Roman français au XVIIIe siècle, Ellipses, 1998.
  • Les Liaisons dangereuses. Pastiches et ironie, éd. du Temps, 1999.
  • Chateaubriand, Ellipses, 1999.
  • Mme de Staël, Ellipses, 1999.
  • Corinne ou l’Italie de Mme de Staël, Gallimard, « Foliothèque », 2000.
  • Stendhal, Ellipses, 2000.
  • Diderot, Ellipses, 2001.
  • Diderot dramaturge du vivant, PUF, 2001.
  • La Dictée du bonheur. Paroles, échos et écritures dans La Chartreuse de Parme, Klincksieck, 2002.
  • Histoire de Gil Blas de Santillane de Lesage, Gallimard, « Foliothèque », 2003.
  • George Sand, ADPF, 2004.
  • Beaumarchais ou le Génie de la comédie, à paraître.
  • À l’extrême de l’écriture de soi. Les derniers textes autobiographiques de J.-J. Rousseau, à paraître.
  • L’Infâme et le sublime. Les Philosophes des Lumières devant le Sacré, Hachette, en préparation.
  • Le livret d’opéra au XVIIIe siècle, Oxford, Voltaire Foundation, SVEC, janv. 2013.

Les anciens Hypokhâgneux et Khâgneux sont invités à cette conférence. Faites-moi savoir si vous venez, en me contactant par courriel ou en utilisant la rubrique «Commentaire» de ce billet.