Cette exposition accompagnera subtilement votre lecture ou relecture des Fleurs du mal, de Baudelaire, dont il convient aussi de se plonger dans les écrits esthétiques et les journaux intimes. Ces lectures sont indispensables pour aborder l'oeuvre de Barbey d'Aurevilly au programme. Ci-dessous, après la présentation de l'exposition, un petit florilège de citations pour vous y inciter...


 Baudelaire, Mon cœur mis à nu

«Pourquoi le spectacle de la mer est-il si infiniment et éternellement agréable ?

Parce que la mer offre à la fois l'idée de l'immensité et du mouvement. Six ou sept lieues représentent pour l'homme le rayon de l'infini. Voilà un infini diminutif. Qu'importe s'il suffit à suggérer l'idée de l'infini total ? Douze ou quatorze lieues (sur le diamètre), douze ou quatorze de liquide en mouvement suffisent pour donner la plus haute idée de beauté qui soit offerte à l'homme sur son habitacle transitoire.»

Fusées, Mon coeur mis à nu et autres fragments posthumes, Gallimard, coll. « folio classique », 2016, p. 106.


 «De la couleur violette (amour contenu, mystérieux, voilé, couleur de chanoinesse).» Fusées, II.

Fusées, Mon coeur mis à nu et autres fragments posthumes, Gallimard, coll. « folio classique », 2016, p. 53.

 «Est-ce par une fatalité des décadences qu'aujourd'hui chaque art manifeste l'envie d'empiéter sur l'art voisin, et que les peintres introduisent des gammes musicales dans la peinture, les sculpteurs, de la couleur dans la sculpture, les littérateurs, des moyens plastiques dans la littérature, et d'autres artistes, ceux dont nous avons à nous occuper aujourd'hui, une sorte de philosophie encyclopédique dans l'art plastique lui-même ?» Voir « L’Art philosophique », dans Curiosités esthétiques (Classiques Garnier, éd. de H. Lemaître, p. 504-505).

 «La poésie moderne tient à la fois de la peinture, de la musique, de la statuaire, de l'art arabesque, de la philosophie railleuse, de l'esprit analytique, et, si heureusement, si habilement agencée qu'elle soit, elle se présente avec les signes visibles d'une subtilité empruntée à divers arts.» (à propos de Théodore de Banville, toujours dans Curiosités esthétiques, p. 769).

 «J'ai souvent entendu dire que la musique ne pouvait pas se vanter de traduire quoi que ce soit avec certitude, comme fait la parole ou la peinture. Cela est vrai dans une certaine proportion, mais n'est pas tout à fait vrai. Elle traduit à sa manière, et par les moyens qui lui sont propres. Dans la musique, comme dans la peinture et même dans la parole écrite, qui est cependant le plus positif des arts, il y a toujours une lacune complétée par l'imagination de l'auditeur. » « Richard Wagner », dans Curiosités esthétiques, p. 694. (Je souligne).


  • « Je crois que j’ai déjà écrit dans mes notes que l’amour ressemblait fort à une torture ou à une opération chirurgicale. Mais cette idée peut être développée de la manière la plus amère. Quand même les deux amants seraient très épris et très pleins de désirs réciproques, l’un des deux sera toujours plus calme ou moins possédé que l’autre. Celui-là, ou celle-là, c’est l’opérateur, ou le bourreau ; l’autre, c’est le sujet, la victime. Entendez-vous ces soupirs, préludes d’une tragédie de déshonneur, ces gémissements, ces cris, ces râles ? Qui ne les a proférés, qui ne les a irrésistiblement extorqués ? Et que trouvez-vous de pire dans la question appliquée par de soigneux tortionnaires ? Ces yeux de somnambule révulsés, ces membres dont les muscles jaillissent et se roidissent comme sous l’action d’une pile galvanique, l’ivresse, le délire, l’opium, dans leurs plus furieux résultats, ne vous en donneront certes pas d’aussi affreux, d’aussi curieux exemples. Et le visage humain, qu’Ovide croyait façonné pour refléter les astres, le voilà qui ne parle plus qu’une expression d’une férocité folle, ou qui se détend dans une espèce de mort. Car, certes, je croirais faire un sacrilège en appliquant le mot : extase à cette sorte de décomposition. »

Fusées, Mon coeur mis à nu et autres fragments posthumes, Gallimard, coll. « folio classique », 2016, p. 53-54.

  • «Moi je dis : la volupté unique et suprême de l’amour gît dans la certitude de faire le mal. – Et l’homme et la femme savent de naissance que dans le mal se trouve toute volupté.»

Fusées, Mon coeur mis à nu et autres fragments posthumes, Gallimard, coll. « folio classique », 2016, p. 55.